France

« Des gens bien », une tragicomédie burlesque dans la veine des frères Coen

Après la série policière, place à la tragicomédie burlesque à la façon des frères Coen ! Stéphane Bergmans, Benjamin d’Aoust, Matthieu Donck, le trio derrière La Trêve, reviennent ce jeudi et le 20 avril à 20h55 sur Arte (et disponible sur Arte.tv) avec leur nouvelle création intitulée Des gens bien. Cette minisérie déjantée en 6 épisodes suit l’histoire folle de Tom et Linda (Lucas Meister et Bérangère McNeese), un couple qui monte une arnaque à l’assurance-vie. Le truculent récit de ce qu’il advient lorsque « des gens bien », s’estimant injustement lésés par le système, décident de petits arrangements avec la légalité. Grand Prix de la série au Festival TV de Luchon 2023, cette tragicomédie franco-belge, qui lorgne du côté des frères Coen, mêle habilement film noir et humour noir décapant.

« La série n’est pas née des « gilets jaunes », mais on était en train de développer le début de notre histoire lorsque la crise des « gilets jaunes » a éclaté en France. On s’est dit que nos personnages étaient les cousins des « gilets jaunes » », explique Benjamin d’Aoust, que 20 Minutes a rencontré à Séries Mania.

La série s’intéresse ainsi à « ceux qu’on ne voit pas dans l’espace public, qui ne sont pas riches, mais pas non plus super pauvres. Ce sont ces gens qui ont deux salaires, qui gagnent 2.000 à 3.000 euros par mois. Ils veulent accéder au bonheur qu’on leur vend, mais n’y parviennent pas. Du coup, ils sont frustrés, comme énormément de gens autour de nous. Tom et Linda sont un peu des « gilets jaunes » », poursuit le co-créateur.

Le portrait d’une petite communauté façon « Fargo »

Des gens bien se déroule dans une petite communauté oubliée par la modernité. « On avait déjà tourné La Trève dans plus ou moins la même région, dans le sud de la Belgique, à Couvin. Cela se passe à la frontière belgo-française, un lieu où l’on va souvent pour écrire, faire des repérages et s’inspirer. C’est un peu le dernier arrêt de train, la modernité passe un peu à côté et les gens qui y vivent n’ont pas accès au monde qu’on leur propose », raconte Stéphane Bergmans.

A la manière de Fargo des frères Coen, Des gens bien suit différents acteurs de cette petite communauté : Linda et Tom, un couple rongé par les dettes qui monte une arnaque à l’assurance vie, Philippe (Michaël Abiteboul vu dans Les Crevettes Paillettées et Les Revenants), un gendarme qui a tout compris, mais que personne ne prend au sérieux, sa coéquipière Stéphane (India Hair) et Cassandre (Dominique Pinon), leur chef, aveuglé par le deuil de son épouse, un expert accidentologue (François Damiens) ou encore une guichetière du rail (Corinne Masiero).

« On part toujours d’une base documentaire dans notre écriture. Concrètement, on va se promener et on rencontre des gens. Le personnage joué par Dominique Pinon a été inspiré par un mec pompiste qui a perdu sa femme dans un accident. Notre travail n’est pas de faire une thèse politique sur les « gilets jaunes », mais de dire voilà la société qu’on observe. On pense qu’on va s’attacher à ces gens parce qu’ils sont réels et qu’ils ont cette histoire-là », relate Matthieu Donck.

Des petits arrangements avec la légalité

En trois temps (l’accident, l’avant et l’après), leur minisérie déroule ce qu’il advient lorsque des gens bien franchissent la ligne rouge. « Cette frontière entre la France et la Belgique, elle est poreuse et ce que l’on traite dans Des Gens bien, ce sont des gens qui vont basculer juste de l’autre côté de la morale, mais leur frontière est poreuse aussi, ils n’ont pas l’impression d’avoir basculé », analyse Benjamin d’Aoust.

« Dans le mouvement des « gilets jaunes », ce qui était très touchant, c’est qu’il y avait une diversité de ressenti d’injustice. Personne ne vit la même injustice, mais tous vivent une injustice. On a travaillé deux sentiments : nos gens bien tous victimes à un certain endroit d’une frustration ou d’une injustice », explicite Benjamin d’Aoust.

Ce qui commence comme un thriller avec la découverte de la voiture calcinée de Linda se transforme au fil des épisodes en comédie burlesque décalée. « On aime grossir le trait, raconter des histoires un peu exceptionnelles. On a voulu garder un décalage du conte, de la fable pour créer une réalité très ancrée dans un endroit et qui en même temps existe dans un imaginaire », commente Matthieu Donck. « Notre humour est absurde, un peu burlesque. C’est une manière de rire de soi-même et un peu du monde, rire du drame pour le dédramatiser. Si un personnage est ridicule, nous aussi. Le réel dépasse toujours la fiction », renchérit Stéphane Bergmans. Résultat ? Une comédie grinçante à l’humour caustique.