France

Des agriculteurs corréziens assument avoir voulu une battue aux loups.

Des témoins locaux ont rapporté l’intention de certains acteurs [FDSEA et Jeunes Agriculteurs] d’organiser [ce 1er octobre] une battue, ce qui a permis à Ferus d’alerter rapidement les autorités et de prévenir un acte illégal. La population moyenne de loups en France est estimée à environ un millier par l’office français de la biodiversité (OFB) et pour Marie-France Forest, il faut l’abaisser à 500, le seuil de sauvegarde de l’espèce.


Débusquer le loup et lui tirer dessus ? « Des témoins locaux ont rapporté l’intention de certains acteurs [FDSEA et Jeunes Agriculteurs] d’organiser [ce 1er octobre] une battue, ce qui a permis à Ferus d’alerter rapidement les autorités et de prévenir un acte illégal », déclare Bérengère Yar, coordinatrice des référents réseaux de l’association nationale de protection et de conservation de l’ours, du loup et du lynx en France.

« En l’état actuel du droit, le loup n’est pas une espèce chassable : toute action de chasse à son encontre est interdite par la loi et constitue un délit, a rappelé la préfecture qui a interdit la manifestation. L’appel public diffusé sur les réseaux sociaux en vue d’organiser une « battue au loup » équivaut à une invitation à commettre un délit. »

« Action symbolique » ou « agressivité notable » ? « On assume d’avoir voulu faire une battue parce que l’urgence est là. Il faut aller plus vite, il faut réguler absolument », écrit sur les réseaux sociaux Emmanuel Lissajoux, Président de la FDSEA. En revanche, la secrétaire générale du syndicat en Corrèze, Marie-France Forest, se montre plus mesurée : « C’était une pseudo-battue, une action symbolique pour exprimer le ras-le-bol des agriculteurs. » Néanmoins, le syndicat a pour objectif de faire du loup une espèce chassable.

La population moyenne de loups en France est estimée à environ mille par l’office français de la biodiversité (OFB) et selon Marie-France Forest, il faudrait la ramener à 500, le seuil de sauvegarde de l’espèce, sans dépasser ce chiffre. Pascal Coste, président du conseil départemental de la Corrèze, impliqué dans la battue, se positionne de manière plus radicale. « Nous resterons combatifs jusqu’à l’éradication du loup », écrit-il sur les réseaux sociaux.

Des tentatives de destruction illégale ont été signalées dans le Massif central, les Alpes et les Pyrénées depuis le retour du loup en France dans les années 1990-2000. Ferus souligne que dans les cas où des loups ont été piégés ou abattus illégalement, « des condamnations judiciaires » ont eu lieu. Pour Ferus, la tentative de battue en Corrèze représente « un seuil d’agressivité notable par son organisation collective et ciblée ».

Une cohabitation plus difficile qu’ailleurs ? Depuis la fin des années 1990, le loup est de retour, notamment sur l’arc alpin, et c’est plus récemment, à partir de 2017, que sa présence est avérée en Corrèze. Ferus considère que ce département est l’un de ceux où l’hostilité au loup est la plus forte. Cette hostilité se retrouve également en Ardèche, Lozère, Cantal, Haute-Loire et dans les Alpes : Drôme, Isère, Savoie, Haute-Savoie. « L’expérience montre que l’hostilité peut atteindre un pic dans les deux à cinq ans suivant l’installation durable du loup, avant que les dispositifs de protection et l’adaptation des pratiques ne permettent un certain apaisement », souligne Bérengère Yar de Ferus.

Ces propos provoquent des réactions au sein de la FDSEA, qui estime que la situation ne fera que se dégrader avec le temps. Le syndicat affirme que toutes les mesures de protection ont déjà été mises en place, mentionnant la présence de 90 chiens patous dans les dix communes les plus exposées au loup, ainsi que l’existence de clôtures et de bergers. Les prédations sur les troupeaux ont augmenté de 36 % cette année et les loups s’attaquent non seulement aux ovins mais aussi aux veaux pour la première fois.

« Dans l’arc alpin, certains se sont résignés mais on ne peut pas dire que cela se passe bien, rectifie Marie-France Forest. Et ici, en Corrèze, les animaux sont en plein air presque toute l’année, tandis que là-bas, cela ne dure que quatre à cinq mois par an. » Dans les Alpes, le réseau Ferus note une acceptation culturelle et collective du prédateur, dont la présence est perçue davantage comme un « fait naturel à gérer » que comme une menace.

Reçu le 3 octobre au ministère de l’agriculture, le syndicat agricole demande que le seuil autorisé de prélèvements de loups (actuellement fixé à 19 %) soit relevé. « C’est de l’écologie extrême de réintroduire sans régulation, tonne la secrétaire générale de la FDSEA. Les agriculteurs sont les premiers écologistes de France, au contact de la nature tous les jours. »