Dermatose nodulaire : vétérinaires affirment « Nous ne sommes pas les ennemis des éleveurs »
Jacques Guérin, président du Conseil National de l’Ordre des Vétérinaires (CNOV), a déclaré que les vétérinaires subissent des « pressions inacceptables » face à la gestion des cas de dermatose nodulaire contagieuse (DNC). Une enquête pour menaces de mort a été ouverte par le parquet de Bergerac après une plainte de Jean-Yves Gauchot, président de la Fédération des syndicats vétérinaires, qui a reçu un mail menaçant.
« J’espère que la raison va l’emporter ». Jacques Guérin, président du Conseil National de l’Ordre des Vétérinaires (CNOV), a conclu ainsi la prise de parole des organisations vétérinaires organisée ce mardi, face à la crise qui touche le secteur agricole. Des éleveurs, notamment de la Coordination rurale (deuxième syndicat) et de la Confédération paysanne (3e), expriment leur colère concernant la gestion des cas de dermatose nodulaire contagieuse (DNC).
La stratégie du gouvernement prévoit l’abattage systématique du cheptel dès la détection d’un cas de cette épizootie très contagieuse, mais non transmissible à l’homme. En première ligne pour la vaccination, la détection de cas ou pour procéder au « dépeuplement » de foyers infectés, les vétérinaires subissent des « pressions inacceptables », a dénoncé le président du CNOV la semaine dernière. Une agressivité qui a encore augmenté ces derniers jours.
« Il y a des photos de nos confrères et consœurs qui circulent sur les réseaux sociaux, parfois avec leurs adresses et numéros de téléphone, des intimidations verbales, des menaces d’attaques envers leurs familles », énumère David Quint, président du SNVEL, l’organisation professionnelle représentant les vétérinaires libéraux.
« Nous constatons également des dégradations dans des cliniques vétérinaires avec des inscriptions comme « collabo », « génocide » ou encore « assassins », poursuit le représentant des vétérinaires libéraux. Cette rhétorique est d’ailleurs dénoncée par les éleveurs eux-mêmes lorsqu’elle est utilisée par des associations antispécistes. » Certains vétérinaires doivent être escortés par les forces de l’ordre pour pouvoir exercer leur métier. Il mentionne le cas de vétérinaires dans l’Ariège, contraints de rester enfermés dans leurs voitures jusqu’à tard la nuit pour intervenir sur des animaux. « Nos confrères et consœurs ne peuvent pas agir en conscience dans des conditions où ils ne se sentent pas en sécurité », insistent-ils.
En Dordogne, une enquête pour menaces de mort a été ouverte par le parquet de Bergerac suite à une plainte de Jean-Yves Gauchot, président de la Fédération des syndicats vétérinaires, exerçant dans le département. Il a reçu un courriel contenant des phrases telles que : « Dans un autre temps, votre tête aurait fini au bout d’un pique. »
Face à ces pressions, les professionnels souhaitent réintroduire du « scientifique » dans le débat, rappelant l’importance des mesures de lutte et la dangerosité de la dermatose nodulaire pour les animaux. En plus d’un risque de mortalité, cette maladie génère aussi des douleurs, des séquelles pour le bovin contaminé, un risque d’infertilité ou encore une perte de rendement en lait.
« Si nous n’étions pas convaincus qu’actuellement c’est absolument ce qu’il faut faire, nous ne défendrions pas cette solution », affirme Stéphanie Philizot, présidente de la Société Nationale des Groupements Technique Vétérinaire (SNGTV), un organisme indépendant. Vétérinaire rurale depuis vingt-cinq ans, elle souligne que les vaches peuvent être malades, manifester des symptômes, mais aussi être infectées de manière subclinique, sans symptômes, ou encore en incubation, ce qui peut prendre du temps dans le cas de la DNC.
« Malheureusement, nous ne savons pas faire la différence entre un animal sain, subclinique ou en incubation, c’est pourquoi nous procédons à des abattages complets, explique-t-elle. Si nous retirons uniquement la vache présentant des nodules, nous laissons les autres et la maladie continuera à se propager. »
Pour Jacques Guérin, la situation soulève un questionnement plus profond sur la défense du modèle sanitaire français, celui d’une « lutte collective » au nom de « l’intérêt général ». « Nous sommes solidaires avec les éleveurs touchés par ces abattages, nous sommes également affectés par leur malheur », affirme-t-il.
En attendant une sortie de crise, les organisations vétérinaires appellent au calme pour maintenir le lien entre vétérinaires et agriculteurs. « Les vétérinaires ne sont pas responsables de la situation. Nous ne sommes pas les ennemis des éleveurs, assure-t-il. L’agressivité est inacceptable, nous ne sommes pas des punching-balls. » Il estime que les réseaux sociaux intensifient les violences et les pressions à un niveau jamais atteint. « Si la pression et l’hystérisation des débats ne se calment pas, une défiance sur le long terme entre vétérinaires et éleveurs va s’installer », met en garde Jacques Guérin.

