France

Déjà les beaux jours ? Pourquoi le retour précoce des cigognes n’est pas vraiment une bonne nouvelle

Oui, ces petits claquements secs que l’on entend ces dernières semaines en Alsace sont bien ceux des cigognes qui se saluent. Car depuis quelques années, ce singulier échassier revient de plus en plus tôt de sa migration hivernale, quand il n’est pas tout simplement resté sur place, bien au chaud dans son nid. Joint par 20 Minutes, Nicolas Gendre, ornithologue en Charente-Maritime et spécialiste des cigognes à la Ligue de protection des oiseaux (LPO), assure que certaines migrations retour ont même été observées dès la mi-décembre, un phénomène qui s’est intensifié en 2023 et 2024.

Et si cela fait plaisir aux enfants ou aux couples qui espèrent voir une cigogne leur apporter un bébé pour les beaux jours, cela soulève en réalité des « préoccupations liées au réchauffement climatique et aux activités humaines », souligne le spécialiste.

Symptôme du dérèglement climatique

Avec la hausse des températures hivernales, les cigognes préfèrent effectuer « un vol courte distance, direction le sud de la France, la Camargue, Perpignan, l’Espagne, ou pousser aux pays du pourtour méditerranéen », poursuit Nicolas Gendre. Les oiseaux sont donc confrontés à de moindres dangers et reviennent plus vite.

Tout bénéf pour les cigognes ? Pas forcément. « Ce réchauffement s’accompagne de phénomènes météorologiques extrêmes, de plus en plus nombreux et puissants. Lorsqu’ils arrivent en période de reproduction, au printemps pour les cigognes, cela fragilise l’espèce ».

Autre donnée : les cigognes s’accouplent plus tôt, ce qui pousse les cigogneaux à naître avant les beaux jours. Une situation « hors saison » néfaste au printemps dernier, rapporte la LPO : de nombreux oisillons ont été victimes des intempéries alors que leurs plumes n’étaient pas encore étanches. Reste en mémoire, aussi, le « coup de vent » qui a fait tomber des nids en 2022, puis la sécheresse.

La carte des sites de reproduction de la cigogne blanche en France.
La carte des sites de reproduction de la cigogne blanche en France. - LPO

Autre dimension néfaste, l’activité humaine. Si la douceur hivernale leur permet de se nourrir toute l’année, les cigognes sont aussi dangereusement gâtées par la présence des décharges en plein air. « Elles n’ont pas besoin d’aller très loin en hiver, elles fréquentent les grandes décharges en Espagne, au Maroc, mais aussi beaucoup plus près à Narbonne, dans l’Aude ». Des vétérinaires ont ainsi retrouvé plusieurs jeunes morts. « Certains avaient jusqu’à 300 grammes d’élastique dans l’estomac. Ils sont morts étouffés », rapporte Nicolas Gendre, qui relève que « l’hivernage en France a surtout commencé près des décharges et des rizières du sud de la France ».

Une note d’espoir pour finir : le nombre de « cigognes blanches a augmenté significativement ces dernières années », dit Yves Muller, président de la LPO Alsace. « On comptait en 2024 plus de 2.690 nids occupés par des couples nicheurs dans le Grand-Est, dont 1.634 en Alsace, 840 en Lorraine, et 216 en Champagne-Ardenne alors qu’elle a failli disparaître. Il ne restait que onze couples en France en 1974, contre plus de 6.000 aujourd’hui », se réjouit le président. « C’est une espèce qui revient de loin ». Mais qui ne va plus très loin.