France

Défense : Le « fonds à 500 euros » pour soutenir l’armée française sera-t-il rentable si vous investissez ?

Après le livret A, le livret D comme Défense ? Eric Lombard, ministre de l’Economie, a annoncé ce jeudi un nouveau fonds de la BPI dans lequel les Français pourraient investir en soutien à leur armée. Un dispositif plus volontariste que la possibilité de mettre à contribution l’épargne des citoyens, et qui rappelle d’autres précédents historiques, comme l’émission de bons du trésor et les emprunts nationaux lors de la Première Guerre mondiale. Philippe Crevel, économiste et président du cercle de l’épargne, et Céline Boutbien, associée et cogérante du cabinet de gestion du patrimoine Ascalon Finances, nous expliquent les enjeux de ce dispositif.

Comment ça marche ?

Les personnes intéressées par ce placement devront investir au moins 500 euros dedans, selon le ministre, avec une limite à « plusieurs milliers d’euros ». L’épargne sera par ailleurs bloquée pour au moins cinq ans. « D’autres fonds privés seront mis à disposition pour celles et ceux qui le veulent et ont de l’épargne à long terme », a-t-il ajouté. « La BPI a déjà lancé des fonds dédiés au secteur de la Défense par le passé, rappelle Céline Boutbien. Ils peuvent servir à prendre des participations au capital des entreprises, il peut également s’agir de dette privée. »

Est-ce risqué ?

Dans un contexte international incertain, l’idée d’investir dans l’économie de guerre peut faire peur. « L’industrie de la défense reçoit des commandes publiques et en général, les Etats paient leurs factures, juge, rassurant, Philippe Crevel. Par ailleurs, ces commandes publiques vont augmenter, c’est un marché porteur en croissance, donc le risque est relativement faible. »

Céline Boutbien, elle, est plus réservée. « Par nature, les investissements BPI prennent la forme de « Fonds Commun de Placement à Risques » », avertit-elle. Elle rappelle que chaque produit présente un niveau de risque spécifique, apprécié selon une échelle de l’Autorité des marchés financiers allant de 1 à 7. Mais pour connaître les risques encourus avec ce nouveau placement, il faut encore attendre d’avoir plus d’informations.

Est-ce que ce sera rentable ?

On vient de le dire : tous les détails de ce fonds d’investissement n’ont pas encore été explicités, notamment le rendement du placement, sa fiscalité ou son éligibilité à des dispositifs comme l’assurance-vie. « C’est un placement de long terme. Compte tenu de la période, on peut s’attendre à un rendement un peu au-dessus de la moyenne, comme 5 % sur cinq à dix ans », estime Philippe Crevel.

« Il y a un principe de base : l’illiquidité et le risque que je porte dans la durée doivent être rémunérés à leur juste valeur. C’est ce qu’on appelle la « prime de risque », détaille Céline Boutbien. Aujourd’hui, si les placements sans risques, tel un livret A, sont autour de 2.50 %, le taux de rendement cible minimum attendu d’un fonds de dette privée devrait être supérieur à 5 % pour être attractif, voire bien supérieur dans le cas d’un fonds de capital investissement. »

Concrètement, à quoi ça va servir ?

Mercredi, Eric Lombard expliquait sur TF1 que les entreprises de la défense allaient avoir besoin d’environ 5 milliards d’euros pour répondre aux nouveaux objectifs liés au contexte international. Ce fonds ambitionne d’en récolter 450 millions. L’argent serait mis à disposition des entreprises, c’est d’ailleurs pour cela qu’il sera verrouillé pendant cinq ans. « C’est un blocage lié à la montée en investissement pour stabiliser les entreprises, qui vont avoir besoin de temps », décrit Philippe Crevel.

« L’objectif de ce type de fonds, c’est d’investir dans tous les maillons de la chaîne et de faire bénéficier les grandes capitalisations mais aussi de plus petites, de type PME et entreprise de taille intermédiaire », imagine Céline Boutbien. Car si de nombreuses personnes ont pris des actions directes comme Thalès et Dassault, qui ont vu leur cours bondir depuis des semaines, le secteur de la défense comprend de nombreuses autres entreprises moins connues.

Céline Boutbien souligne par ailleurs que ces placements ne sont pas entièrement nouveaux : la BPI elle-même, ainsi que des sociétés comme Tikehau Capital, Partenaire du cabinet Ascalon Finances, proposent déjà des dispositifs similaires. Alors la défense, nouvel eldorado de vos euros ?