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De « Kaboul » à « Mussolini », Quand les séries géopolitiques capturent le chaos du monde (et nos angoisses)

Les séries traduisent souvent les inquiétudes et les tensions propres à l’époque qui les voit naître. Dans les années 2010, Homeland reflétait ainsi les angoisses de l’Amérique face au terrorisme dans un contexte post-11-Septembre et Fauda, les tensions du conflit israélo-palestinien.

La programmation de la 7e édition du festival Séries Mania, qui ferme ses portes ce vendredi, est marquée par « le grand retour des séries géopolitiques », comme le souligne Laurence Herszberg, directrice générale de l’événement.

Qu’elles traitent comme Kaboul du retour au pouvoir des talibans en Afghanistan, de la montée du fascisme en Italie comme Mussolini : Son of the century, de la guerre en Europe comme A Life’s Worth ou du nucléaire iranien comme The Deal, ce retour des séries géopolitiques sur les petits écrans résonne fortement avec les peurs du monde actuel. Selon Laurence Herszberg, ces productions « aident à comprendre le monde », en jetant « un œil sur le passé avec une perspective contemporaine » et des « personnages forts ». Les séries qui vont prochainement nous aider à mieux « comprendre le monde ».

« Kaboul » pour comprendre la guerre en Ukraine

Kaboul, diffusée ce lundi à 21h10 sur France 2, retrace la prise de Kaboul par les talibans le 15 août 2021, marquant le retrait des troupes américaines d’Afghanistan après deux décennies de guerre. Ce récit choral sous haute tension suit le destin d’une famille afghane tentant désespérément de fuir le pays. Dans cette situation chaotique, sur laquelle plane la menace d’un attentat par l’État islamique, policiers français, diplomates italiens, militaires allemands ou services secrets américains doivent tant bien que mal réussir à se coordonner pour gérer l’afflux de civils.

Cette vaste coproduction européenne est portée par un casting international impeccable avec notamment Eric Dane (Euphoria, Grey’s Anatomy), Jonathan Zaccai (Le Bureau des Légendes), Shervin Alenabi (Téhéran) et Darina Al Joundi (Sous le ciel d’Alice). « Comprendre ce qui s’est passé en Afghanistan aide à mieux appréhender les événements actuels, comme la guerre en Ukraine », a souligné le coscénariste Thomas Finkielkraut lors de la présentation de la série, décrivant Kaboul comme le « premier acte de l’abandon américain à l’échelle mondiale », en rappelant que les accords de Doha, signés en 2020 sous l’administration Trump, ont pavé la voie au départ des troupes américaines.

« Mussolini » pour comprendre la montée du populisme

Comment naît une dictature ? « Il arrive toujours un moment où une population perdue se tourne vers des idées simples », lance la voix off au début de Mussolini, Son of the Century. Si l’on frémit tant devant cette adaptation monumentale de M. L’enfant du siècle, premier tome de la pentalogie d’Antonio Scurati, qui relate l’ascension du Duce, c’est parce qu’elle résonne avec la montée des populismes actuels. « Regardez autour de vous, nous sommes encore là », poursuit la voix off. En huit épisodes, le réalisateur Joe Wright couvre la période allant de la création des Fasci Italiani en 1919 au tristement célèbre discours de Mussolini devant le parlement après l’assassinat du socialiste Giacomo Matteotti en 1925. Cette série hyperstylisée, acclamée en septembre à la Mostra de Venise, nous immerge dans l’Italie de l’après-Première Guerre mondiale, pleine de colères, frustrations et violences, au cœur d’une l’idéologie fasciste en gestation.

La performance magnétique de Luca Marinelli, incarnant un Mussolini aussi terrifiant que charismatique, est d’autant plus troublante que le personnage brise fréquemment le quatrième mur, à la manière d’un Frank Underwood dans House of Cards, invitant le spectateur dans l’esprit troublé de ce rageux manipulateur. Le parallèle avec Donald Trump devient limpide à la fin du quatrième épisode, quand Mussolini lance, face caméra et troquant l’italien pour l’anglais lance : « Make Italy great again ». Le scénariste Stefano Bises assure en revanche que la série n’est « pas forcément contre » la Première ministre italienne d’extrême droite, Giorgia Meloni, mais « contre le totalitarisme, le populisme et les menaces à la démocratie ». « Le fascisme a été une chose horrible » et qu’ « on ne peut pas risquer qu’il revienne, même avec des habits différents », dit le scénariste. Une série violente, sombre et implacable sur le basculement idéologique d’une nation.

« A life’s worth » pour comprendre le poids de l’engagement militaire

La série suédoise A Life’s Worth, qui sera disponible en juin sur Arte, rappelle que les conflits armés posent des dilemmes complexes. Entre tensions ethniques et luttes territoriales, le rôle des forces de maintien de la paix a été profondément remis en question durant la guerre en Bosnie, l’un des conflits les plus violents de la fin du XXe siècle en Europe. Cette adaptation du récit autobiographique de Magnus Ernström, Ett halvt år, ett helt liv, suit quatre jeunes casques bleus, appartenant à la première unité suédoise de l’ONU déployée en Bosnie en 1993.

Portée par le dilemme éthique leur commandant, Andreasson, tiraillé entre son devoir et l’urgence d’agir, rappelant que rester neutre dans le chaos peut s’avérer une forme d’impuissance déchirante, l’histoire éclaire avec sensibilité les liens que l’on tisse en plein conflit. Une série qui interroge en profondeur la question du poids de l’engagement militaire, de l’interventionnisme et des sacrifices nécessaires au maintien de la paix.

« The Deal » pour mieux comprendre les négociations diplomatiques

Un huis clos sous haute tension derrière le calme apparent du lac Léman. The Deal, série en 6 volets créée par Jean-Stéphane Bron et Alice Winocour à découvrir prochainement sur Arte, met en scène, ce que l’on ne voit jamais, les tractations qui conduisirent à la signature de l’accord international sur le nucléaire iranien en juillet 2025. Et même si les Etats-Unis se retirèrent de l’accord en 2018, le réalisateur explique qu’il veut montrer le « monde d’avant à un monde où l’on ne négocie plus » à nos confrères du Monde.

Tout commence à Genève en avril 2015 dans les salons de l’Hôtel du Grand Lac Excelsior lorsque s’ouvrent des négociations internationales entre les USA et l’Iran, soupçonné de développer en secret l’arme atomique. Alexandra Weiss (Veerle Baetens), cheffe de la mission diplomatique suisse, tente de maintenir un équilibre fragile entre les parties qui manœuvrent en coulisse. L’arrivée inattendue de son ancien amour, Payam Sanjabi, un ingénieur iranien dont la vie est menacée, va lui compliquer dangereusement la tâche… La neutralité suisse subsistera-t-elle ?