France

Dans un monde où les femmes n’auraient plus le droit de rire, « Les rieuses » appuie sur la force de la sororité

Et si, dans un futur proche, avec l’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite, et une victoire de la pensée masculiniste, les femmes étaient privées de leurs droits, notamment celui de rire ? Non mais, imaginez. C’est en tout cas ce qu’ont fait deux artistes, Audrey Baldassare, comédienne et stand uppeuse, et Lou Zidi, scénariste et réalisatrice, à travers une mini-série intitulée « Les Rieuses » qui devrait sortir d’ici avril 2025 sur Instagram.

Dans quatre épisodes de cinq minutes, des femmes se retrouvent dans un comedy club clandestin et utilisent le rire comme une arme pour lutter contre le patriarcat, le racisme et pour récupérer leurs droits. «  »Les Rieuses » est une série qui résonne avec l’actualité », expliquent les deux femmes derrière ce projet, qui ont besoin du soutien du public pour « lui donner vie ».

Une cagnotte participative pour soutenir le projet « Les rieuses »

« Tout est parti du visionnage du documentaire  »Le sexe du rire » cet été », raconte Audrey Baldassare. L’humoriste se souvient avoir été marquée par ce qu’il raconte : jusqu’au XXe siècle, le rire des femmes a été très controversé et très sexualisé. « Les femmes qui rigolaient étaient vues comme des hystériques, des folles, des perverses, résume-t-elle. Etant une femme dans le milieu des comedy club, ça m’a touchée parce qu’on entend encore des réflexions comme quoi on serait moins drôle. Je me suis dit que les gens ne devaient pas être au courant de tout ce qu’on avait traversé pour avoir le droit de rire et de s’exprimer de cette manière. C’était comme une évidence qu’il fallait le raconter, le partager au plus grand nombre. »

« Et quand j’ai une idée, généralement, je peux la sortir le soir même sur scène. Mais difficile de parler du sujet du rire dans un sketch », développe Audrey Baldassare. Au même moment, la comédienne venait de terminer le tournage de Laissez-moi danser, un film de Lou Zidi. « J’adore son travail, la façon dont elle filme, elle rend tout beau. Je me suis dit qu’une série fiction, avec elle en tant que réalisatrice, c’était le meilleur moyen pour qu’un public se rende compte de l’importance du sujet. Les images sont une arme super puissante de sensibilisation », ajoute-t-elle.

Mais avoir une idée dans le cinéma demande de la patience et de faire « beaucoup de demandes ». « Sauf qu’on voulait vraiment être les premières à mettre ce sujet-là en images en fiction », lance Lou Zidi. Elle décide alors de le faire « de façon indépendante », via sa société de production Braquage, montée pour le projet.

« En parallèle, on a lancé cette cagnotte en ligne participative parce que tout le monde dans ce projet est bénévole, indique la réalisatrice. C’est aussi en voyant la motivation de toutes ces personnes talentueuses pour ce projet qu’on s’est rendu compte à quel point le sujet était important et que la série devait voir le jour. »

Une des premières séries pensées pour Instagram

Au casting, on retrouve des comédiennes et standuppeuses engagées comme Camille Giry ou Amandine Lourdel. Si la majorité de l’équipe se compose de femmes, deux personnages masculins ont aussi un rôle dans cette série. « On voulait aussi s’adresser à tous les mecs qui peuvent être nos alliés, déclare Audrey Baldassare. L’histoire passe aussi à travers leurs regards par moments. »

Autre innovation pour cette série, elle sera tournée à la fois en 16/9 pour une diffusion dans des salles mais en même temps, « on va tout cadrer pour la publier en réels sur Instagram », détaille Lou Zidi. Avant d’ajouter : « On veut que ce soit une des premières séries pensées pour ce réseau social. C’est un défi mais c’est hyperintéressant parce que c’est vers ça qu’on tend aussi. Ces outils vont devenir des vraies plateformes de diffusions. Et puis, c’est là où sont les gens. Si on veut montrer notre série au plus large public, c’est là où il faut le faire. Mais l’idée c’est que ce soit une vitrine, une sorte de pilote pour en faire un format plus long ensuite car il y a tellement de choses à dire. »

Une série qui verra le jour « dans tous les cas »

Les deux artistes précisent que cette mini-série « verra le jour dans tous les cas », même si elles n’atteignent pas l’objectif de la cagnotte. « Le scénario est déjà écrit, les dates et lieux de tournage déjà calés, l’équipe technique et les comédiens, comédiennes, déjà opérationnels… Rien ne nous arrêtera », prévient la réalisatrice.

Mais alors, pourquoi ? « Pour plein de raisons propres à chacune, enchaîne Lou Zidi. Dans le cinéma, par exemple, encore aujourd’hui, les projets des femmes sont moins bien financés que ceux des hommes. C’est aussi pour ça que c’était important pour moi d’avoir majoritairement des femmes qui travaillent sur le projet. Puis, avec cette série, on veut aussi montrer la puissance de la sororité, la force du collectif. On veut éveiller les consciences grâce à l’art et l’humour et sensibiliser sur ces questions de liberté et d’égalité. »

Notre dossier « Humour »

De son côté, Audrey Baldassare, qui est aussi la première femme à gagner le Prix du Jury du Festival d’Humour de Paris, sent « qu’il y a une bascule qui est en train de s’opérer aussi dans le milieu du stand up et qu’il faut agir ». « Comme c’est un monde individualiste très compétitif, il existe beaucoup de jalousies. La parole, – notamment après le #Metoostandup –, le travail et la place des femmes sont sans cesse discrédités. Pour moi, le seul moyen de garder la face et la force, c’est de faire front ensemble entre meufs et de pas se tirer dans les pattes les unes et les autres. Et ce projet, c’est la parfaite illustration pour contrer tout ça », conclut-elle.