Cyclone à Mayotte : Choléra, chikungunya, hépatite A… L’île menacée par les épidémies
Après la pluie, les épidémies ? L’archipel de Mayotte a été dévasté par le cyclone Chido, samedi. Des rafales à plus de 220 km/h ont arraché les toits, dévastés les bidonvilles et déraciné arbres et poteaux électriques. Alors que les secouristes tentent de venir en aide aux victimes, qui pourraient se compter en milliers, une autre menace plane sur le département français : les maladies.
« On peut redouter une situation sanitaire gravissime. En cas de cyclone, les destructions s’accompagnent toujours de dégradations du système d’eau potable et d’assainissement, les eaux usées et l’eau potable se mélangent, amplifiant les problèmes de santé », explique Michèle Legeas, professeure honoraire à l’Ecole des hautes études en santé publique. Or, le 101e département de France fait face à une véritable crise de l’eau depuis des années et ses habitants subissent régulièrement des coupures.
« Le choléra, un risque réel à Mayotte »
Mayotte risque donc de se retrouver face à une épidémie de choléra, notamment, alors qu’elle en sort tout juste. « Il y a aussi eu une épidémie de gastro-entérite sur l’île. Toutes ces pathologies transmises par voie fécale-orale sont liées aux eaux usées et à l’absence de conditions d’hygiène », souligne Michèle Legeas.
A Ouangani, le maire Youssouf Ambdi rapporte que « les gens vont chercher de l’eau à la rivière », faute d’accès à de l’eau courante. « De manière générale, il n’y a pas plus d’épidémie après un cyclone, sauf sur des terrains pandémiques, où il y a des maladies récurrentes. Et c’est le cas ici avec des maladies tropicales mais aussi le choléra qui présente un risque réel à Mayotte », souligne Jean-François Corty, président de Médecins du Monde.
Hépatite A, fièvre typhoïde, leptospirose, tuberculose… Mayotte se bat déjà contre des maladies infectieuses dont la présence est anecdotique dans l’Hexagone. A celles-ci pourraient aussi s’ajouter la dengue ou le chikungunya. « Les moustiques vont rapidement se plaire dans les petites collections d’eau, parce qu’un cyclone s’accompagne de précipitations et de petits réservoirs d’eau stagnante », explique Michèle Legeas qui s’inquiète de « phénomènes de rebonds de problèmes qui préexistaient à Mayotte ».
Un système de santé déjà à bout de souffle
Ainsi, le système de santé était déjà très lacunaire sur l’île. L’hôpital (CHM), seul pour gérer les trois quarts des problèmes de santé des habitants, a été très endommagé par le cyclone. S’il fonctionne encore, « la plupart des centres de santé de proximité ne sont pratiquement plus fonctionnels », glisse Jean-François Corty qui évoque un « système de santé quasiment à plat ». D’après l’AFP, Mayotte ne compte que 260 médecins en activité, soit 81 médecins pour 100.000 habitants contre 353 dans l’Hexagone.
Hors catastrophe naturelle, qui surcharge évidemment l’hôpital de blessés et a endommagé ses équipements, le CHM avait déjà un taux d’occupation moyen de près de 150 % en 2017. « On avait une situation sanitaire dégradée à laquelle vient désormais s’ajouter un cyclone qui a détruit toute une partie du système de santé », souffle Michèle Legeas. Les personnes souffrant de maladies chroniques sont évacuées au compte-goutte à La Réunion pour être prises en charge.
Être soigné sans être expulsé
Pour les épidémies, Santé publique France publiera un rapport détaillé au fur et à mesure mais, comme le rappelle Michèle Legeas, « ces systèmes de surveillance s’appuient sur la notification de cas, mais si les gens ne se signalent pas, se cachent, on a des nombres faussés ». Or, à Mayotte, près d’un tiers de la population serait en situation d’immigration clandestine, selon un rapport du Sénat publié en avril 2023.
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Ces migrants, dont la plupart proviennent des Comores, pourraient choisir de ne pas se faire soigner dans l’espoir d’éviter une expulsion. Et « si les plus précaires ont peur de se faire soigner, ça pourrait entraîner une explosion du nombre de cas de maladie infectieuse », prévient Jean-François Corty qui enjoint l’Etat à « répondre globalement à cette urgence absolue, sans distinguer qui a ou non des papiers alors que les gens sont au bord du précipice ».