Crise énergétique : Le casse-tête des transports publics pour amortir l’explosion de leur facture d’énergie

En début de semaine, l’université de Strasbourg a pris une décision radicale pour faire face à l’explosion de sa facture d’énergie : la fermeture du campus deux semaines de plus cet hiver. En coupant les interrupteurs et les chauffages, l’établissement d’enseignement supérieur espère réduire ses dépenses. Mais ce qui est possible pour des bâtiments, ne l’est pas pour les réseaux de transport public qui ne peuvent pas stopper du jour au lendemain l’activité des métros, trams et autres bus au gaz de la France entière.

Et pourtant, rares sont ceux qui ne cachent pas leurs préoccupations face à la flambée du prix de l’électricité et du gaz. « En 2022, le montant de notre facture d’électricité est de 6 millions d’euros. Notre contrat s’achève à la fin de l’année et nous sommes en train de renégocier les tarifs pour l’an prochain. Selon les projections, nous pourrions passer à un montant de 24 millions d’euros », explique Jean-Michel Lattes, le président de Tisséo Collectivités, l’autorité organisatrice de la mobilité (AOM) à Toulouse.

Hausse des tarifs ou réduction des fréquences à l’étude

De quoi donner des sueurs froides lorsqu’on sait que cela ferait passer le coût de l’énergie dans le budget du réseau toulousain de 2,5 % à près de 10 %. Le plus simple serait de le répercuter sur les tarifs en vigueur. Mais cette solution serait très impopulaire en cette période d’inflation, surtout quand les usagers toulousains viennent de voir leur ticket à l’unité prendre 10 centimes et qu’à compter de cette année, les titres et les abonnements Tisséo vont augmenter de 2 % tous les ans jusqu’en 2026.

« Nous avons regardé quelles étaient les pistes d’économie, notamment celle de réduire la cadence des rames de métro, alors qu’aujourd’hui nous avons à certains moments un passage à moins de deux minutes d’intervalle », avance Jean-Michel Lattes, qui écarte la piste de la hausse de tarifs.

A Bordeaux, la réflexion est sur la table. « Les surcoûts sont conséquents, et pourraient atteindre de l’ordre de 20 à 25 millions d’euros pour l’année 2023 », prévient le directeur de Keolis Bordeaux, la société gérant le réseau de transport en commun. Comme les tarifs n’ont pas augmenté depuis trois ans, une augmentation pourrait jouer le rôle d’amortisseur.

« Pour l’année prochaine nous verrons, mais je suis certaine que le président de la métropole demandera que cela reste plus que raisonnable, pas plus de 2 %, si augmentation il y a », assure Béatrice de François, la vice-présidente de la métropole en charge des Transports.

Baisse de la TVA réclamée

Valérie Pécresse, présidente d’Ile-de-France Mobilités, n’exclut pas non plus cette possibilité, même si elle ne veut pas imputer la flambée des prix aux seuls voyageurs. Sur les 950 millions d’euros de surcoûts, le syndicat francilien a déjà raclé les fonds de tiroirs et trouvé 200 millions. Reste 750 millions qu’il faudra financer, soit par une contribution plus élevée des collectivités, soit sur les marges de la SNCF et la RATP.

Valérie Pécresse ne serait pas non plus contre une baisse de la TVA de 10 % à 5,5 %. Une mesure réclamée aussi par le Groupement des autorités responsables de transport, L’association qui regroupe au niveau national l’ensemble des réseaux attend de connaître les remontées de tous ses adhérents pour monter au créneau auprès du gouvernement. Mais elle a déjà émis l’hypothèse que les aides remboursables versées durant le Covid-19 soient transformées en subvention. Et appelle à décorréler le prix du biogaz de celui du gaz naturel.

De nombreuses autorités organisatrices de la mobilité se sont en effet engagées dans la transition énergétique en achetant des bus hybrides ou roulant au biogaz. Ces explosions de factures énergétiques pourraient pousser certains à freiner leurs projets, et conserver encore quelques années leurs bus qui roulent au gazole. A Lyon, le Sytral n’a pas l’intention de faire marche arrière, même si son budget énergie va passer de 40 millions d’euros cette année à 55 millions d’euros l’an prochain. Il continuera à changer la motorisation de son réseau bus pour de l’électrique et du GNV. Mais si cette hausse devait perdurer, « l’équilibre financier de Sytral Mobilités serait naturellement fragilisé sans compter les conséquences du Covid », indique un de ses porte-paroles.