France

Crise bancaire : En quoi les banques françaises sont-elles mieux armées qu’en 2008 contre les risques ?

Un mauvais souvenir qui se rappelle à nous : en 2008, une crise bancaire et financière née aux Etats-Unis se propageait à l’échelle mondiale. La faillite de plusieurs banques régionales américaines la semaine dernière, dont la Silicon Valley Bank (SVB), a provoqué des troubles sur les marchés financiers français. D’autant qu’elle a été suivie par la très mauvaise passe traversée par le Crédit Suisse, l’une des plus grandes banques européennes, qui a connu la pire séance de son histoire en Bourse mercredi (- 24,24 % à la clôture).

La Bourse de Paris a elle aussi dévissé de 3,58 % mercredi. Victimes d’un effet domino, les valeurs bancaires européennes (dont Société générale, BNP Paribas, le Crédit agricole) se sont effondrées de plus de 10 %. 20 minutes fait le point sur les craintes de contagion sur le système bancaire français et sur ses capacités de défense aujourd’hui par rapport à 2008.

Le Crédit Suisse pourrait-il faire faillite ?

« Les difficultés du Crédit Suisse ne sont pas surprenantes, car ses dirigeants ont fait des choix hasardeux depuis plusieurs années », explique Norbert Gaillard, économiste et consultant indépendant. Cet établissement fait partie des trente banques mondiales considérées comme trop grosses pour qu’on puisse les laisser sombrer. D’où la décision de la Banque centrale suisse de venir à sa rescousse mercredi soir en mettant à disposition jusqu’à 50 milliards de francs suisses (50,8 milliards d’euros) pour renforcer ses liquidités. 

Les marchés ont visiblement été rassurés, car l’action de la banque a rebondi de 32 % à l’ouverture ce jeudi matin. Elle a clôturé la séance en hausse de 19,15 %. « On a pris le problème à la racine, cette décision devrait suffire à sortir d’affaire le Crédit Suisse. D’autant que ses dirigeants prévoient une réorganisation complète de l’entreprise », indique Norbert Gaillard.

Quels liens entretiennent les banques françaises avec le Crédit Suisse ?

« Il y a des liens dus aux opérations sur les marchés financiers, qui font que chaque banque est à la fois le créditeur et le débiteur de l’autre. D’où une interdépendance forte », souligne Norbert Gaillard. Ce qui explique que l’on ne peut pas laisser un établissement comme le Crédit Suisse en difficulté très longtemps, au risque d’une contagion. C’est cette même interdépendance qui avait entraîné de très nombreux établissements dans la tourmente en 2008, avec la crise des subprimes comme détonateur.

L’état de santé des banques françaises est-il meilleur qu’en 2008 ?

Leurs résultats 2022 étaient bons. « Et par rapport à 2008, leur configuration a évolué. BNP, Crédit agricole et Société Générale ont un profil moins risqué, car à l’époque, il y avait beaucoup d’investissements dans l’immobilier, ce qui les avait plombées pendant la crise. Cela pèse beaucoup moins dans la balance aujourd’hui », estime Norbert Gaillard.

Autre point rassurant, selon l’économiste : « La plutôt bonne solvabilité des ménages français, due au fait que les banques ouvrent moins les vannes du crédit qu’il y a quelques années. Par ailleurs, le chômage a nettement baissé ces dernières années, et cela devrait durer en raison des départs en retraites de la génération du baby-boom. »

Quelles sont les garanties mises en place depuis 2008 ?

La régulation internationale a été fortifiée depuis la crise de 2008. Les accords de Bâle ont renforcé les obligations en matière de fonds propres des banques pour garantir leur solvabilité face aux pertes qu’elles pourraient endosser. Des règles en matière de ratios de liquidités ont aussi été mises en place. « Par ailleurs, la surveillance des banques par la BCE est plus stricte qu’en 2008. Cette dernière est beaucoup plus sur le qui-vive qu’à l’époque, car elle a plus d’expérience dans la gestion des crises.

Les Etats eux-mêmes sont davantage rodés à la gestion de crise et à la manière d’éviter la contagion. Ils ont traversé celle des subprimes, comme on l’a dit, mais aussi celle de la dette grecque, du Covid-19 », souligne Norbert Gaillard. Les « stress test » (tests de résistance bancaire) à grande échelle ont aussi été multipliés depuis 2008. Il s’agit d’exercices simulant des crises financières extrêmes, permettant d’évaluer la capacité de résistance des banques.

Les Français sont-ils sensibles à ce qui se passe sur les marchés financiers, et ont-ils tendance à retirer leurs billes en cas de remous bancaires ?

La crainte des banques françaises est de se retrouver en difficulté si leurs clients retirent leurs fonds en cas de panique générale. Mais selon Norbert Gaillard, « les Français ont confiance dans le système bancaire, comme le montre notamment la collecte record en janvier du livret A, alors même que la situation internationale est complexe ».

L’économiste souligne aussi l’une des spécificités françaises : « Une bonne partie du cash des grandes banques est à la BCE. Ce qui est rassurant s’il faut mobiliser les liquidités rapidement. On n’a pas de risque de ventes rapides d’actifs qui ne seraient pas optimales ».

Quels sont les montants garantis pour les clients d’une banque ?

En France, c’est le Fonds de garantie des dépôts et des résolutions (FGDR) qui garantit les dépôts à vue à hauteur de 100.000 euros par compte (comptes courants, autres comptes et plans d’épargne sur livret) en moins de 7 jours ouvrables. Le FGDR rembourse en plus les livrets garantis par l’Etat : Livret A, livret d’épargne populaire, livret de développement durable et solidaire, là aussi dans un délai maximum de 7 jours ouvrables et dans une limite de 100.000 euros par client.

Le rebond des bourses européennes ce jeudi est-il rassurant ?

Les Bourses européennes ont rebondi après leur chute mercredi, un peu rassurées par la confiance affichée de la Banque centrale européenne sur la santé du secteur. Paris a ainsi pris 2,03 % jeudi. « Cette crise devrait finir par passer », estime Norbert Gaillard.

La BCE a augmenté ses taux de 0,5 point. Est-ce bon signe ?

La Banque centrale européenne ne s’est pas laissée effaroucher par le risque d’une nouvelle crise bancaire et a tranché ce jeudi pour un nouveau relèvement des taux de 0,5 %, afin de combattre l’inflation. Le secteur bancaire « est actuellement dans une position beaucoup plus solide qu’en 2008 », a justifié Christine Lagarde face à la presse. « Nous surveillons de près les tensions sur les marchés et restons prêts à réagir », a-t-elle poursuivi. « C’est une bonne décision, car elle signifie qu’on a augmenté les taux à l’aune du niveau d’inflation, sans tenir compte de ce qui se passe sur les marchés », commente Norbert Gaillard.