France

Crise agricole : Les panneaux de villes bâchés ou retirés, indices d’une nouvelle colère des agriculteurs

Neuf mois après la crise qui avait paralysé la France, y aura-t-il un acte II ? Depuis plusieurs semaines, la colère gronde dans le monde agricole, persuadé de ne pas avoir été entendu. La mobilisation est visible, mais encore silencieuse. Des panneaux bâchés ou retirés des communes ont été déposés devant les préfectures. « Parce qu’on avance à l’aveugle, on ne sait plus où on va », souligne Thibaut Trucchi, animateur du syndicat des Jeunes agriculteurs du Gard.

« On passe de plus en plus de temps dans les tracteurs pour éviter les maladies liées à l’humidité, comme le mildiou, pour des prix de vente qui s’effondrent et des charges qui explosent, poursuit-il. On nous parle de souveraineté alimentaire. On ne demande qu’à pouvoir l’assurer, sans être étranglé de normes, sans la suppression de molécules alors qu’il n’existe aucune solution de remplacement, et avec une rémunération à sa juste valeur. »

Des annonces ministérielles

En début d’année, ces mêmes panneaux avaient été retournés, « parce qu’on marchait sur la tête ». Pour les agriculteurs, trop peu de choses ont changé depuis. « On a bien obtenu quelques avancées », estime Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA. Comme les « modifications européennes sur les contraintes environnementales ». Ou encore les taxes sur le gazole non routier. Mardi, en visite dans l’Aude, la ministre Annie Genevard a également présenté deux outils de soutien à la trésorerie des agriculteurs les plus en difficulté. « Un prêt à court terme pour des difficultés conjoncturelles », a précisé la ministre, alors que L’Etat négocie avec le secteur bancaire un taux réduit, « entre 1,5 et 2 % ». Un prêt à plus long terme, pour ceux qui sont dos au mur et pourront restructurer leurs dettes.

Mais d’autres promesses sont quasiment au point mort. La question des normes, qui prend à la gorge de nombreux professionnels. Et celle, essentielle, qui touche le revenu. « On a le sentiment que ça n’avance pas », reprend Arnaud Rousseau. A Bagnols-sur-Cèze (Gard), les agriculteurs ont vidé les rayons de Côte du Rhône proposés à 1,39 euro la bouteille. « Les viticulteurs ont subi ça comme une trahison, une dégradation de leur travail. Ce sont des pratiques intolérables, explose Roman Angelras, président des Jeunes agriculteurs du Gard. Quand on connaît les prix de revient d’une bouteille… »

Nombreux problèmes, multiples annonces

Chaque secteur est confronté à des problèmes différents. Comme la terrible crise viticole dans le sud de la France, la réduction de la collecte de lait par Lactalis dans l’Ouest. Ou encore les conséquences des intempéries sur les niveaux de vendanges historiquement bas partout dans le pays (chute de la production de 23 %), et ceux du climat sur la récolte des fruits et légumes. Entre d’un côté le manque d’eau dans le Roussillon et les excès de pluies ailleurs. « La France connaît sa pire récolte de blé depuis quarante ans », soulignent Pierre Thomas et Frédéric Mazier, vice-présidents du Modef. Les crises sanitaires avec la fièvre catarrhale ovine, la maladie hémorragique épizootique et la grippe aviaire qui touchent de nombreux élevages… Chaque secteur attend des réponses.

Y aura-t-il de nouveaux blocages ? Les agriculteurs ne sont pas forcément d’accord sur la manière d’agir. D’un côté, les tenants d’une ligne dure, comme la coordination rurale du Lot-et-Garonne qui menace « de bloquer le fret ferroviaire dans le Sud-Ouest » et « d’affamer Toulouse ». D’autres qui estiment que les blocages de février ont coûté énormément d’investissement, pour un maigre bénéfice, et réfléchissent à d’autres formes d’action.

Rejet de l’accord avec le Mercosur

Mais tous se retrouvent autour d’un défi commun : la possible ratification à la mi-novembre des accords entre l’Union européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay et Bolivie). « Cet accord, c’est 99.000 tonnes de viande bovine importées en Europe […] provenant de pays d’élevage utilisant des antibiotiques, hormones de croissance ou insecticides interdits en France, avec une traçabilité quasi inexistante », prévient la FNSEA.

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