France

Covid long : Un lien avéré avec les troubles menstruels

Depuis la crise du Covid-19, 4 % de la population a été touchée par des Covid long, selon des données de Santé publique France publiées en 2024. Les femmes ayant un Covid long présentent plus de risques d’être sujettes à des saignements utérins anormaux, avec des résultats montrant que ce groupe rapporte bien plus de cas de saignements anormaux que ceux qui n’ont jamais eu le Covid ou ceux qui l’ont simplement contracté.


Depuis le début de la crise Covid-19, de nombreuses femmes rapportent des règles plus longues et hémorragiques ainsi que des cycles plus irréguliers. Bien que cette question ait été abordée par les médias, les scientifiques demeuraient prudents : aucune étude n’établissait de lien entre Covid-19, vaccination et troubles menstruels. Cependant, une avancée a été réalisée concernant les cas de Covid long, qui touchent 4 % de la population, d’après des données de Santé publique France publiées en 2024.

Une enquête menée par une équipe de recherche franco-britannique a récemment publié ses résultats dans la revue *Nature communications*. Les chercheurs ont observé que les femmes souffrant de Covid long sont plus susceptibles de connaître des saignements utérins anormaux, ainsi que des règles plus prolongées et abondantes. Alexandra Alvergne, chercheuse au CNRS et à l’Institut des sciences de l’Évolution de Montpellier, qui a dirigé cette étude, revient pour *20 Minutes* sur cette découverte.

### Quel est le lien entre Covid long et saignements anormaux ?

Pour établir un lien entre le cycle menstruel et le Covid long, les chercheurs ont soumis un long questionnaire à 12 187 femmes britanniques, réparties en trois groupes : celles n’ayant jamais eu le Covid, celles l’ayant contracté et celles déclarant un Covid long. Les résultats indiquent que le groupe des femmes souffrant de Covid long signale considérablement plus de cas de saignements anormaux que les autres groupes. « J’avais déjà réalisé une étude montrant que le Covid-19 et le vaccin rallongeaient la durée du cycle d’un jour, mais il s’agissait d’un changement mineur, explique Alexandra Alvergne. Là, on parle de paramètres anormaux. » Les saignements anormaux incluent des cycles très courts (moins de 22 jours) ou très longs (plus de 40 jours), des règles abondantes qui durent plus de huit jours, des saignements entre les règles et des cycles irréguliers (avec plus de neuf jours de différence entre deux cycles).

### Quel est le lien entre intensité des symptômes du Covid long et cycle menstruel ?

Les chercheurs ont aussi voulu déterminer si le cycle menstruel influençait les symptômes du Covid long. Pour cela, ils ont demandé à 54 femmes britanniques malades de remplir quotidiennement un questionnaire pendant trois mois pour consigner leurs symptômes, tels que fatigue, maux de tête et douleurs musculaires. Les résultats ont révélé que les symptômes s’intensifient durant les règles et la phase péri-menstruelle (les jours précédant et suivant les règles). « À cette période, on observe une augmentation de 79 % de la fatigue, de 48 % des douleurs musculaires, et deux fois plus de maux de tête », souligne Alexandra Alvergne. Inversement, « juste après l’ovulation, les symptômes sont moins prononcés ».

### Comment expliquer ces relations ?

Pour mieux comprendre ces résultats, l’équipe de recherche a analysé des échantillons de sang et d’endomètre chez deux groupes de femmes : l’un souffrant de Covid long, l’autre non. L’objectif était d’identifier les mécanismes hormonaux et immunitaires en jeu. « Chez les femmes ayant un Covid long, il semble qu’il y ait une dérégulation dans la production d’androgènes [une hormone sexuelle mâle], souligne la chercheuse. Or, on sait qu’une trop basse ou trop forte dose d’androgènes peut entraîner des troubles menstruels, comme observé dans le cas du SOPK. » L’équipe a également constaté que les femmes ayant un Covid long présentent plus d’inflammation pendant leurs règles. « L’immunité peut varier au cours du cycle menstruel en raison de l’influence des hormones », rappelle Alexandra Alvergne.

### Quelle sera la suite ?

Étant donné que les femmes souffrent deux fois plus souvent que les hommes de Covid long, selon Santé publique France, cette étude met en lumière la nécessité de prendre en compte le cycle menstruel dans les biomarqueurs de cette maladie. « Nous aimerions que ces résultats contribuent au développement de thérapies spécifiquement adaptées aux femmes », espère la chercheuse, tout en reconnaissant que ces mécanismes biologiques nécessitent encore confirmation. « De nouvelles études complémentaires seraient nécessaires, sur un groupe plus large et plus représentatif de la population. » Parmi les 54 femmes ayant répondu à la seconde étude, il s’agissait presque exclusivement de femmes blanches, issues de la classe moyenne et résidant à Édimbourg.

*Les chercheurs s’étaient basés sur l’ancienne définition du Covid long, en vigueur en 2020, qui stipulait que les symptômes devaient durer plus de quatre semaines. Aujourd’hui, l’OMS définit un Covid long après trois mois de symptômes.*