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Covid-19 : Quatre questions pour comprendre la dernière vidéo du « Project Veritas » sur Pfizer

Depuis mercredi, une nouvelle vidéo du « Project Veritas » tourne massivement sur les réseaux sociaux. Sur Twiter, elle a été aimée plus de 134.000 fois et retweetée 70.000 fois à l’heure où nous écrivons ces lignes. D’après le fondateur du « Project Veritas », la vidéo est désormais l’une des plus vues de leur site.

L’image donne l’impression d’une caméra cachée. L’homme filmé s’appellerait Jordon Trishton Walker et serait directeur en recherche et développement chez Pfizer. L’ambiance est intimiste et l’heure est à la confession. Le prétendu salarié de Pfizer avoue au cours de la discussion que l’entreprise serait en train de fabriquer une mutation du Covid-19. « Ne le dis à personne, tu dois me promettre de ne le dire à personne, souligne l’homme. Ce n’est pas dit au public ».

Lors de la discussion, Jordon Trishton Walker explique également le but de cette mutation. L’idée serait pour Pfizer de créer de nouveaux virus pour, à terme, pouvoir développer de nouveaux vaccins. Le prétendu salarié rappelle également le danger derrière : laisser le virus s’échapper du laboratoire. « Je suspecte que c’est ce qu’il s’est passé à Wuhan », avoue-t-il enfin.

Pour comprendre ce que vaut cette confession, 20 Minutes fait le point sur cette vidéo à travers quatre questions.

FAKE OFF

  • Cet homme est-il vraiment un salarié de Pfizer ?

A travers une recherche Google, nous essayons de retrouver une trace de Jordon Trishton Walker, qui travaillerait chez Pfizer. Mais aucune occurrence n’apparaît sur le moteur de recherche, ni sur le réseau des professionnels LinkedIn. Nous tentons également une recherche sur le moteur de recherche Yahoo. Cette fois, bingo, « Jordon Walker salarié chez Pfizer » apparaît. Mais son compte a été supprimé et n’est plus visible.

Sur le site SignalHire – qui référence les coordonnées professionnelles – le profil de Jordon Walker est également visible. Les informations sont tirées de son profil LinkedIn, qui n’existe plus. Il serait directeur des recherches et du développement depuis près d’un an et demi auprès de Pfizer. Auparavant, l’homme aurait travaillé en tant que consultant dans le cabinet BCG. Nous retrouvons par exemple un article signé par Jordon Walker en mai 2020. Il s’intitulait : « Les perspectives à court terme pour les traitements thérapeutiques contre le Covid-19 ».

Par ailleurs, le fondateur du « Project Veritas » James O’Keefe a partagé sur son compte Twitter des éléments sur Jordon Walker. Il publie des captures d’écran de l’organigramme interne sur la plateforme Teams. On y voit notamment ceux d’Albert Bourla et Mikael Dolsten, respectivement directeur général et président de la recherche et du développement médical chez Pfizer. Plusieurs noms de potentiels collègues de Jordon Walker sont également cités : Allison Blum, Colin Bond, Efrain Cermeno, Eileen Elliott ou encore Nina So. Tous ont des profils LinkedIn visibles et travaillent effectivement chez Pfizer.

La présence numérique de Jordon Walker reste donc très mystérieuse et il est difficile de connaître sa réelle activité chez Pfizer. Soit l’homme travaille réellement chez Pfizer mais reste très secret, soit toute son identité est inventée. Nous avons contacté Pfizer à ce sujet qui ne nous a pas encore répondu.

  • C’est quoi le « Project Veritas » ?

Le « Project Veritas » a été fondé à la fin des années 2000 par James O’Keefe. D’une chaîne YouTube, c’est devenu une organisation non gouvernementale en 2010, explique le site Conspiracy Watch. Toujours d’après l’observatoire du conspirationnisme, le « Project Veritas » adhère aux idéologies ultraconservatrices américaines.

« Aujourd’hui, « Project Veritas » enquête et dénonce la corruption, la malhonnêteté, les transactions personnelles, le gaspillage, la fraude et d’autres inconduites dans les institutions publiques et privées pour parvenir à une société plus éthique et transparente », explique le site de « Project Veritas ». Parmi ses investisseurs, on retrouve l’association conservatrice Donors Trust, mais aussi Donald Trump.

  • Cette vidéo est-elle la première ?

Ce n’est pas la première vidéo de la sorte publiée par « Project Veritas ». En octobre 2021, sur la chaîne YouTube, le « Project Veritas » avait publié une vidéo d’une dizaine de minutes montrant trois employés de Pfizer. Toujours filmés en caméra cachée, les prétendus scientifiques soutenaient des discours très critiques des vaccins contre le Covid-19 qui seraient de moins en moins efficaces contre la maladie. Ils critiquent également leur entreprise qui ferait passer les valeurs financières devant l’éthique.

Comme le révélaient à l’époque nos confrères de la cellule de fact checking de Libération, Check News, cette vidéo faisait partie d’une série nommée « Expose ». En octobre 2021, elle comprenait cinq vidéos en tout. Le schéma est le même : des salariés de Pfizer critiquent leur entreprise à leur insu. Chaque vidéo prétend révéler une lourde révélation alimentant les thèses conspirationnistes : création d’un virus, inefficacité du vaccin ou preuves sur l’immunité naturelle.

  • Que sait-on sur les mutations de virus ?

La dernière vidéo publiée par « Project Veritas » concerne cette fois la mutation du virus. Jordon Walker avoue que c’est Pfizer qui cherche à créer cette mutation pour développer de nouveaux vaccins. Une pratique dangereuse, selon le salarié filmé secrètement, qui entraînerait la fuite de certains virus. « Je suspecte que c’est ce qu’il s’est passé à Wuhan », avoue-t-il encore.

Une théorie née aux premières heures du Covid-19. Selon de nombreuses rumeurs, le Covid-19 aurait été fabriqué en laboratoire, à Wuhan. Dans un article publié en juin 2021 dans la revue Nature, des scientifiques se sont interrogés sur les connaissances et les inconnus au sujet de cette fuite d’un laboratoire. Ils y expliquent que la majorité des scientifiques optent pour son origine naturelle transmise de l’animal vers l’humain. Mais ils ajoutent que des caractéristiques du virus ont interpellé les scientifiques car elles étaient utilisées par les chercheurs lors de manipulations génétiques. Aucune des deux thèses n’est écartée à ce jour. Toutefois, la participation de l’entreprise Pfizer n’a jamais été démontrée.

Qui plus est, l’expérience décrite par le prétendu salarié s’appelle « un gain de fonction ». Il s’agit d’une pratique consistant à modifier génétiquement des virus pour les rendre soit plus transmissibles soit plus virulents. D’après un article du magazine Québec science, les recherches restent très controversées. Certains chercheurs estiment que cela permettrait de comprendre l’émergence de nouveaux pathogènes et donc de mieux s’y préparer. D’autres estiment que c’est un risque trop important et peu sécurisé. Toutefois, ces pratiques restent hautement contrôlées.