France

Covid-19 : L’hypothèse d’une fuite de laboratoire privilégiée ? Ce que disent les révélations de la presse allemande

Cinq ans après le début de la pandémie de Covid-19, officiellement qualifiée ainsi par l’OMS le 11 mars 2020, la question de l’origine du virus n’a toujours pas été tranchée par la communauté scientifique. Cette semaine, une enquête publiée par la presse allemande est venue apporter de nouveaux éléments au débat.

Selon un article commun de Süddeutsche Zeitung et de Die Zeit, tous deux parmi les journaux de référence outre-Rhin, les services secrets allemands auraient dissimulé depuis 2020 leurs conclusions sur la question. Celles-ci privilégieraient l’hypothèse d’une fuite d’un laboratoire chinois, avec une probabilité de 80 à 95 pour cent.

Que révèle cette enquête ?

L’article raconte comment le service fédéral de renseignement (BND) aurait mis sur pied une opération début 2020, dans le but de déterminer l’origine de l’épidémie. Du nom de code « Projet Saaremaa », elle est désignée par l’enquête comme « probablement été le secret le mieux gardé de Berlin pendant des années ». Et pour cause : c’est l’hypothèse d’une fuite d’un laboratoire chinois qui est privilégiée, bien que l’enquête précise que le service ne dispose pas de preuve définitive. De même, ce n’est pas la piste d’une action volontaire des Chinois qui est suspectée, mais celle d’un accident.

L’investigation avance que la chancellerie allemande aurait été mise au courant dès 2020, en citant notamment le nom de la chancelière de l’époque, Angela Merkel. Avec des conclusions aussi explosives entre ses mains, le gouvernement allemand aurait décidé d’étouffer l’affaire. Ni le parlement allemand ni l’OMS n’auraient été mis au courant. Le secret serait resté bien gardé jusqu’en décembre 2024, où le BND aurait été autorisé à partager ses découvertes avec d’autres scientifiques et les services secrets américains. Les médias allemands assurent également qu’à la suite de l’annonce de la publication de l’enquête, la chancellerie se serait décidée à partager ces informations avec l’OMS et parlement. Jeudi, Angela Merkel a fait savoir par la voix de son bureau qu’elle démentait ces accusations.

Où en sont les recherches sur l’origine du virus ?

En janvier, la CIA a également dévoilé pour la première fois sa position sur le sujet, estimant que cette hypothèse était la plus « plausible ». Comme 20 Minutes le rappelait alors, l’agence de renseignement n’a qu’une « confiance faible » dans cette conclusion, et ne conclut pas que l’hypothèse de la transmission de l’animal à l’homme de façon naturelle est exclue.

Cette seconde hypothèse, appelée zoonotique, est l’autre grande piste débattue. En 2023, l’Institut Pasteur désignait cette dernière est comme « la plus probable selon les scientifiques ». « La force de cette hypothèse est que c’est le processus qui se déroule usuellement, et ce qui a par exemple été démontré pour le SARS-CoV-1. Sa faiblesse résulte du fait que cinq ans après le début de la pandémie, on n’a pas toujours pas identifié l’animal qui était responsable de ce transfert », explique Etienne Decroly, virologue et directeur de recherche au CNRS. De la même manière, « le virus parental de l’épidémie (pro-géniteur), celui qui lui a donné naissance », n’a pour le moment pas non plus été trouvé, fait savoir le spécialiste.

Qu’en est-il de l’autre théorie, celle de la fuite de laboratoire ? « On sait que Wuhan abritait plusieurs centres de virologie reconnus dans le monde pour leur travail sur les coronavirus de cette famille. Les scientifiques collectaient des échantillons chez les Chauves-souris dans les zones où étaient présents ces virus pour les étudier ». Pour autant, là aussi, le « parent direct de l’épidémie » n’a pas été identifié. D’autant plus que la Chine s’est opposée aux enquêtes de l’OMS dans ses laboratoires.

« Il manque des éléments pour étayer totalement une hypothèse ou l’autre », résume Anne Goffard, virologue au CHU de Lille. Les seules certitudes : « Une origine animale, et que le fait que le virus a un moment a été présent chez des chauves-souris. » La piste du Pangolin comme vecteur du virus, très célèbre aux débuts de la pandémie, est quant à elle « totalement écartée », précise aussi la spécialiste.

La fuite de laboratoire gagne en crédibilité

Que penser des prises de position des services secrets allemands, dont on ne connaît par définition pas les détails ? Ces derniers « ne se basent pas que sur des éléments a la disposition des scientifiques, mais aussi sur des événements circonstanciels en s’appuyant sur différentes sources, des moyens de surveillance, des projets et des rapports de recherches qui ne sont pas publiques, qu’ils additionnent avec les éléments scientifiques. Ils ont donc probablement des éléments supplémentaires qui aident à trancher », analyse Etienne Decroly.

Tous nos articles de vérification

Si différents services de renseignements semblent donc pencher vers la théorie de la fuite de laboratoire, « du côté de la communauté scientifique, les positions sont moins tranchées qu’il y a deux ou trois ans, car les éléments prouvant l’origine zoonotique qu’on attendait ne sont pas arrivés ». Un constat partagé par Anne Goffard, bien qu’elle considère toujours la théorie zoonotique comme la plus probable : « On a l’impression qu’on est en train de s’approcher de la théorie de la fuite de laboratoire, en tout cas sa crédibilité est remontée ».

Cet article vous a intéressé ? Retrouvez-nous sur WhatsApp.