France

Couronnement de Charles III : Les Anglais vont-ils dévaliser les boutiques d’alcool à Calais ?

Au bon vieux temps d’avant le Brexit et la pandémie de Covid-19, les Britanniques avaient pris l’habitude de reconstituer leurs stocks d’alcool à Calais avant de prendre le bateau pour retourner dans leur pays. Si le flux de Britanniques chez les commerçants locaux était plus ou moins régulier toute l’année, il se transformait parfois en véritable ruée, notamment en amont des fêtes de Noël. Et si l’occasion fait le larron, doit-on s’attendre à un phénomène équivalent en amont du couronnement de Charles III qui doit avoir lieu samedi prochain ? Pas si sûr.

Soixante-dix ans après sa mère, Elisabeth II, décédée le 8 septembre dernier, Charles III sera officiellement couronné roi du Royaume-Uni, samedi 6 mai. Un événement qui marquera à coup sûr tout un peuple, dont une grande partie boira un coup pour fêter ça quand certains autres lèveront le coude pour oublier. Quoi qu’il en soit, il faudra à nos ex-partenaires européens faire des provisions. « A l’ouverture des frontières, dans les années 1990, les Anglais débarquaient en masse pour acheter en France, notamment l’alcool et le tabac qui coûtent bien moins cher ici que chez eux », se souvient François Lurette de l’office de tourisme de Calais Côte d’Opale. Il raconte encore que les compagnies maritimes avaient mis en place des « day trips », des allers-retours sur une journée au cours desquels les Britanniques dévalisaient les marchands de vins, de bières et de spiritueux. « On avait même vu fleurir des boutiques spécialisées dans la détaxe, tenues par des Anglais pour des Anglais », assure Olivier Versmisse, caviste à Calais.

« Avant, les Anglais ne faisaient que passer »

Tout ça, c’est terminé. « Entre l’épidémie de Covid, le Brexit, l’inflation chez eux et le prix de la traversée, ce n’est plus du tout rentable pour les Anglais de venir faire leurs courses ici », reconnaît François Lurette. En effet, avec les restrictions de déplacements mises en place pendant la pandémie, les Britanniques avaient complètement disparu du paysage. Sauf qu’aujourd’hui, ils tardent à revenir selon l’Insee, qui a déterminé un déficit de touristes anglais de près de 20 % en 2022 dans les Hauts-de-France par rapport au niveau d’avant la crise sanitaire. « On en voit un peu plus ces derniers temps, mais ce n’est pas lié au couronnement à venir de Charles III », estime le patron des Vins du calaisis. « Il y en a eu davantage à Pâques, et maintenant parce que c’est l’époque des mariages », renchérit Thierry Leprêtre, gérant associé du Calais wine superstore.

En fait, le Brexit a poussé les Britanniques à voyager autrement. « Avant, ils ne faisaient que passer alors qu’aujourd’hui, ils séjournent sur place une nuit ou deux. Ils dorment à l’hôtel, vont au restaurant et font du shopping », reconnaît Rodolphe Leprince, président de l’Union des commerçants de Calais. Du shopping de tout, y compris d’alcool, même si c’est en moindres quantités qu’avant le Brexit. « Les Britanniques ont une franchise beaucoup moins importante aujourd’hui, portée à 73 litres d’alcool par personne contre 230 litres avant le Brexit », explique à 20 Minutes la Direction régionale des douanes et droits indirects de Dunkerque. Des quantités qui restent honorables pour le gérant du Calais wine superstore : « Pour un mariage, on voit débarquer le marié et deux témoins qui remplissent la voiture, assure-t-il. Ça nous fait quand même des paniers à 600 euros. »

Alors, même s’ils sont moins nombreux à traverser la Manche, les Anglais qui le font ne repartent jamais les mains vides. « Qu’ils viennent pour une raison ou pour une autre, le retour est toujours pour eux l’occasion de faire les courses », assure le porte-parole de l’office de tourisme de Calais Côte d’Opale. Et le gérant des Vins du calaisis le reconnaît, « souvent, ils prennent les quantités maximums ». Et si peu de commerçants misent sur le couronnement de Charles III pour faire exploser leurs ventes d’alcool, tous misent en revanche gros sur un autre événement : la coupe du monde de rugby qui doit se dérouler en France du 8 septembre au 28 octobre. « Nous préparons déjà la communication pour cet événement », se réjouit Olivier Versmisse. « On s’attend à beaucoup de retombées pour le littoral, d’autant que l’équipe d’Angleterre va résider au Touquet », espère l’office de tourisme. Et en fonction du parcours du Quinze de la rose, comme pour le couronnement du roi, les Anglais boiront à la victoire ou pour noyer leur chagrin.