Couples ne faisant plus l’amour : c’est normal.
Moins d’un Français sur deux (43 %) affirmait avoir en moyenne un rapport sexuel par semaine, selon une étude de l’Ifop en 2024 intitulée « sex recession ». Le Dr Gilbert Bou Jaoudé, médecin sexologue, précise qu’il n’y a rien d’anormal à cette baisse d’activité sexuelle dans un couple.
Wow, c’est vraiment gênant ! Si vous souhaitez mettre vos amis dans l’embarras lors d’une soirée, demandez-leur s’ils ont encore des rapports intimes avec leur partenaire. Mieux encore, dites-leur que vous, qui êtes célibataire depuis longtemps, n’avez pas eu de relations sexuelles depuis des mois. « Ah ? Mais… Heu… ah bon ? » Et encore, c’est la réaction la plus rassurante. En général, les voix s’assourdissent, les regards se détournent, les corps se ratatinent sur le canapé, et personne n’osera aborder (à voix haute) ce sujet délicat.
C’est incroyable cette capacité que l’on peut avoir à partager certains des détails les plus intimes de notre vie – « Quoi frérot, tu ne l’as jamais fait dans un avion ? Moi, c’était dans un vol Beauvais – Madère, et je peux te garantir que… » – sans jamais réussir à briser le tabou qui entoure encore la sexualité. « On parle aujourd’hui beaucoup plus facilement de sexe que par le passé, mais on ne discute toujours pas de sexualité. Faire des blagues osées lors d’une soirée est facile, mais avouer à des proches que l’on ne fait plus l’amour, c’est plus compliqué », explique le Dr Gilbert Bou Jaoudé, médecin sexologue et thérapeute de couple.
Ce sujet est devenu un véritable tabou. « C’est le secret le mieux gardé du monde. De nombreuses personnes, de nombreux couples, n’ont pas de rapports sexuels, ou très peu, et ils se portent très bien », affirmait Ovidie, auteure de *La Chair est triste hélas*, lors d’une interview sur France Culture, le 10 septembre dernier. Les chiffres sont néanmoins révélateurs : les Français font moins l’amour, qu’ils soient en couple ou non, comme l’indiquait l’Ifop en 2024 dans son étude sur la « sex recession ». Moins d’un Français sur deux (43 %) déclarait avoir en moyenne un rapport sexuel par semaine. Un chiffre qui a suscité de nombreux débats, mais qui n’a (toujours) pas incité à s’exprimer.
### Moins de sexe, la fin du couple ?
Retour au moment gênant de notre soirée entre amis. Le silence finit par être rompu – au grand dam de votre cœur blessé par tant de sincérité. « Tu n’as pas peur qu’il/elle aille voir ailleurs ? », « Vous êtes sûrs que vous vous aimez encore ? », et la phrase choc : « C’est peut-être la fin, non ? ». Le verdict est sans appel : ce n’est pas normal.
Car (évidemment), avoir moins de relations sexuelles, dans l’imaginaire collectif, ne correspond à aucune norme communément admise. « Les personnes qui consultent en sexologie pensent que leur problème est inhabituel. Lorsqu’on leur dit qu’ils ne sont pas seuls, ils sont souvent très surpris. Ils pensent que tout va bien pour les autres car personne n’en discute », confirme Gilbert Bou Jaoudé.
Le médecin sexologue est néanmoins formel. Il n’y a rien d’anormal à une diminution de l’activité sexuelle dans un couple. « Tous les couples, même les plus passionnés, traversent, ou traverseront, au moins une période où cela ne fonctionne pas sur le plan sexuel ». Il n’existe pas de lien évident, contrairement à ce que les pressions sociales suggèrent, entre l’absence ou la rareté des rapports sexuels et une rupture imminente. « On peut aimer passionnément un partenaire avec qui on ne fait plus ou peu l’amour, et ne pas apprécier une personne avec laquelle les rapports sont fréquents et réguliers », rappelle le spécialiste.
### « On a perdu le fil »
Il va même plus loin en qualifiant cette baisse de fréquence des rapports de « salvatrice ». Pour une raison simple : il serait épuisant de maintenir la séduction des débuts, avec tout ce que cela implique, tout au long d’une relation, voire d’une vie. Vous imaginez-vous, vous, afficher votre plus belle apparence chaque jour à 6h du matin, en étant prête comme jamais après avoir veillé sur le plus jeune ? Stresser chaque jour parce qu’il n’a pas répondu en une minute à votre dernier message ? Afficher un sourire permanent comme si vous viviez dans un film Disney ? Au début, c’est génial, mais à long terme, cela devient épuisant.
« L’objectif n’est pas de maintenir cela tout au long de la relation, mais de le retrouver régulièrement, même si c’est une fois par mois », poursuit le Dr Bou Jaoudé. La plupart des couples qui viennent le voir pour un manque d’intimité avouent simplement « avoir perdu le fil ». Quelle que soit la raison ayant mené à cette situation, ils ne parviennent pas à retrouver la connexion, même s’ils en éprouvent le désir. La sexualité, synonyme de plaisir et de spontanéité, devient alors un puzzle à résoudre et à organiser. Un cercle vicieux.
Dans ce cas, et contrairement aux idées reçues, ce n’est pas nécessairement la libido qui diminue, mais tout ce qui l’alimente. Si les deux partenaires souhaitent retrouver une vie sexuelle épanouie, le spécialiste recommande de se poser régulièrement, par exemple une fois par mois, la question suivante : « Qu’est-ce que j’aurais fait de différent aujourd’hui si c’était l’une de nos premières rencontres ? ». Toutes les contraintes quotidiennes, comme sortir les poubelles, ranger le lave-vaisselle ou payer les factures, n’auraient probablement pas été prioritaires.
### La seule norme admise : être épanoui
Celles et ceux qui pensent avoir « perdu le fil » et souhaiteraient le retrouver peuvent entreprendre plusieurs démarches pour y parvenir. Il est d’abord essentiel d’aborder le sujet avec son partenaire et de s’assurer que chacun désire vraiment se reconnecter sur le plan sexuel. Le sexologue suggère également de prendre du temps pour soi, tant sur le plan physique que mental, puis de passer du temps ensemble, sans rapport sexuel, mais de qualité. Il est évident qu’il ne s’agit pas d’aller faire les courses ou des démarches administratives, mais de prendre le temps de discuter plus léger.
Dernier point fondamental, il est important de garder à l’esprit qu’il n’existe aucune norme en matière de sexualité, encore moins en ce qui concerne la fréquence des rapports. « Ce n’est pas l’absence de vie sexuelle qu’il faut interroger, mais l’impact que cela peut avoir sur l’un ou l’autre », souligne le spécialiste. Et de préciser : « Je dis toujours aux couples qu’ils ne doivent pas retrouver une vie sexuelle régulière, mais celle qui leur convient ». L’essentiel est d’être épanoui. Plus de raisons donc de murmurer ou de détourner le regard quand il s’agit de sexualité.

