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Coupe du monde 2026 : Un tirage au sort complexe pour 48 équipes

Gianni Infantino a annoncé que 48 équipes seront qualifiées pour la Coupe du monde 2026. La délégation iranienne ne sera pas présente au tirage au sort en raison du refus des États-Unis de délivrer des visas à plusieurs de ses membres.


Gianni Infantino a des rapports difficiles avec ses équipes. En tant qu’ancien secrétaire général de l’UEFA, il sait que simplifier l’explication des procédures aux autres est un vrai casse-tête. Cela ne l’empêche cependant pas, en tant que président de la Fédération internationale, d’ajouter toujours plus de complexité à ses projets, comme avec les 48 équipes qualifiées pour la Coupe du monde 2026, potentiellement 64 en 2030, voire tous les membres de l’ONU d’ici 2038.

Il faut donc souhaiter bonne chance à Rio Ferdinand et Samantha Johnson, chargés d’animer le tirage au sort qui aura lieu ce vendredi au John F. Kennedy Center de Washington. Le processus devient chaque année plus complexe. Le système de qualification était déjà difficile à comprendre, même pour Didier Deschamps, détenteur d’un doctorat en formules compliquées. Pour le tirage de la phase finale, de nombreuses contraintes sont à prendre en compte. En résumé :

– Les trois pays organisateurs – Canada, États-Unis et Mexique – sont dans le chapeau 1. Le Mexique sera représenté par une boule verte en position A1, le Canada par une boule rouge en B1 et les États-Unis par une boule bleue en D1, afin d’être en mesure de jouer les matches chez eux.
– Leur inclusion dans le pot 1, quel que soit leur niveau, modifie l’équilibre des groupes et du tableau final, nécessitant des ajustements dans le respect d’autres règles.
– Deux tableaux distincts vers les demi-finales ont été créés pour que les premières nations du classement FIFA, Espagne et Argentine, ne s’affrontent pas avant la finale si elles finissent premières de leur groupe.
– Un principe similaire s’applique aux équipes 3 et 4, à savoir la France et l’Angleterre.
– La position de chaque équipe des chapeaux 2, 3 et 4 sera déterminée selon un schéma de répartition prédéfini, tenant compte à la fois du chapeau et du groupe attribué.
– Un seul représentant est autorisé de chaque confédération (Afrique, Asie, Europe, Amérique du Nord, Amérique Centrale et Caraïbes, Amérique du Sud et Océanie) par groupe, à l’exception de l’Europe, avec 16 équipes présentées par l’UEFA.
– Chaque groupe doit compter au moins un membre de l’UEFA, sans dépasser deux équipes.

« Nous sommes sur le tirage au sort le plus complexe du monde du sport collectif, » remarque Sébastien Nonon, data scientist chez Inflow, qui fournit des services en intelligence augmentée. La FIFA doit veiller non seulement à l’attribution des équipes dans des groupes, mais aussi à garantir un repos minimal entre les matchs, des déplacements raisonnables entre les villes, et à éviter que les équipes ne jouent trois matchs dans des régions éloignées. Ainsi, le positionnement dans un groupe (A2, A3, A4, etc.) n’est pas aléatoire, mais suit un schéma technique prédéfini.

On est désormais loin du tirage aléatoire de la Coupe du monde 1982, décrit comme « le plus chaotique de l’histoire », où des contraintes étaient gérées de manière artisanale en fonction des équipes tirées au sort. Aujourd’hui, tout est informatisé grâce à des outils puissants. « Le système peut directement adapter les prochains tirages possibles pour un groupe donné en fonction de ce qui a déjà été tiré, » explique l’expert. La FIFA utilise des algorithmes de validation pour éviter qu’une équipe ne se retrouve dans une position indésirable et effectue des centaines de simulations en amont pour prévoir d’éventuels blocages.

**Boycott et vitrine politique**

Ces complexités ouvrent la porte à d’éventuelles manœuvres. « Théoriquement, il est possible de biaiser le tirage, » ajoute Sébastien Nonon. Cela est particulièrement pertinent en raison de considérations géopolitiques en cours. Un indice de cela est le boycott annoncé par la délégation iranienne, qui ne sera pas présente au tirage suite au refus des États-Unis de délivrer des visas à plusieurs membres. Haïti fait également face à des interdictions d’entrée sur le sol américain émises par l’administration Trump, touchant au total 19 pays.

La Coupe du monde est perçue comme une vitrine pour Donald Trump. « Tous les événements sportifs, surtout ceux avec une large portée internationale, sont une opportunité pour lui, une occasion de monopoliser l’espace médiatique, de promouvoir son agenda et de polariser l’opinion, » explique Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport et auteur de *La France n’est pas un pays de sport ?* La question n’est pas de savoir s’il fera une vitrine politique, mais jusqu’où il ira.

Pour minimiser les problèmes, on peut supposer que l’Iran et Haïti seront orientés vers le groupe A (où cinq matches sur six se joueront au Mexique) plutôt que vers le groupe C (où tous les matchs se dérouleront aux États-Unis). Le calendrier des matches, qui inclut les stades et les horaires des coups d’envoi, ne sera confirmé que samedi. Cependant, il ne sera pas non plus possible que tous les matchs de ces deux pays se déroulent en dehors des États-Unis.

Selon l’expert en géopolitique, la FIFA possède une vaste expérience pour gérer des relations avec des États autoritaires ou des dirigeants omnipotents. « Il y a toujours une sorte de servilité. Gianni Infantino cède sur tout ce qui peut être symbolique, tout en flattant l’ego de Donald Trump pour que tout se passe sans heurts. »

Il se dit, et cela va même au-delà, que le président au teint orangé sera présent à Washington ce vendredi, et certainement pas pour être un figurant. Les chances qu’il reçoive le premier « Prix de la paix » de la FIFA, remis lors de ce tirage, sont très faibles – la réponse à votre question est oui, il vaut mieux en rire. Jean-Baptiste Guégan commente :

« Le football apolitique est historiquement et factuellement faux. Oui, le football est politique, et cette Coupe du Monde le sera. Si Infantino remet le « Prix de la paix » à Trump, cela intensifiera la dimension politique. Entendre le président de la FIFA parler de paix et d’apolitisme, alors qu’il côtoie Vladimir Poutine, Mohammed Ben Salmane ou Xi Jinping, c’est d’une ironie très marquée, voire profondément cynique. Sa relation avec Trump ne fait pas exception, entre flagornerie et volonté de séduire pour des intérêts personnels, et pas seulement ceux du football. »

Le tirage de ce vendredi à Washington n’est que le début d’un grand spectacle qui nous attend cet été, tant sur le terrain que dans les coulisses.