Coupe du monde 2022 : « Comme un défi de jeu vidéo », oui, Mbappé est bien le « cheatcode » des Bleus

Wojciech Szczęsny avait prévenu, avant le huitième de finale de la Coupe du monde : « Je suis la clé pour stopper Mbappé. » Deux buts et une passe décisive plus loin, le gardien de la Juve est parti consoler l’héritier et a fait ses valises pour Turin. Bien vu, l’artiste. Lundi, le Times, un peu plus prudent, une petite semaine avant que ses ouailles n’affrontent les Bleus en quart de finale, se réjouissait que Gareth Southgate ait pris trois arrières droit dans sa liste pour bloquer le TGV de Bondy. Suffisant ? Bien sûr que non.

Car le n°10 des Bleus est inarrêtable. Même quand il sort un match moyen, il est capable d’envoyer deux minasses sorties de nulle part pour envoyer les siens au tour suivant. Le « cheatcode de Bondy », comme il est surnommé sur les réseaux sociaux, les soirs où il régale. Comme si Didier Deschamps avait décidé, au moment où son équipe était en difficulté, de prendre sa petite tablette, de taper « Kylian, mets-moi le boxon dans la défense » et de regarder les dégâts provoqués par le missile.

  • Mbappé est-il au foot ce que le cheatcode haut, haut, bas, bas, gauche, droite, gauche, droite, B et A est à Konami ?

Tous ceux qui ont grandi dans les années 1990-2000 se souviennent de cette petite manipulation sur leur manette pour s’ouvrir les portes de nouveaux mondes. Et bien, avec Kylian Mbappé, c’est la même chose. Activez le « Kyky de Bondy » et vous pouvez avoir deux (voire trois) étoiles, des records à ne plus savoir qu’en faire. « Je ne sais pas si Mbappé est un cheatcode, car même si c’est un joueur très fort, il ne rend pas les matchs complètement déséquilibrés, tempère Cyrille de Monneron, développeur et créateur de jeu vidéo. On pourrait parler d’un joueur de foot cheaté ou OP [overpower]. » A lire les réactions des adversaires du joueur du PSG, on a quand même l’impression d’avoir en face de nous une créature sortie tout droit de Microsoft Studios.

Prenez Matty Cash, l’arrière droit polonais, qui a passé son match, dimanche, à se prendre des rafales de Noisette en pleine tête : « J’ai passé l’après-midi à regarder ses clips, mais je regarde les vidéos allongé dans mon lit. Dans la vraie vie, il me brûle les jambes. Il est d’un niveau différent. Vitesse, mouvement, regardez sa finition, il a tout. » Comme si on avait boosté toutes ses caractéristiques au maximum. Et même si vous parvenez à contrôler le jeu (et le joueur) pendant un certain temps, arrivera toujours un moment où, avec ses gros sabots, il viendra vous mettre game over.

« Mbappé est en quelque sorte un boss de fin pour chaque équipe, reprend Cyrille de Monneron. Vaincre la France avec un joueur comme lui en face est probablement un des défis les plus compliqués de la Coupe du monde. » Et n’allez pas faire l’analogie avec les cheatcodes qu’on pouvait trouver dans NBA Jam et Tony Hawk Pro Skater 2 qui permettaient de mettre des têtes de géant sur ses persos, Kylian Mbappé « n’a pas d’ego », a répété Didier Deschamps. Si DD l’a dit, c’est que c’est vrai, non ?

  • Mbappé est-il au foot ce que le cheatcode Tom Cruise est au cinéma ?

Avoir Kylian Mbappé dans son équipe, c’est forcément gageure de réussite (on n’a pas dit de titre). Un peu comme mettre à l’affiche un film avec Brad Pitt ou Tom Cruise ?  « Aujourd’hui, il n’existe plus personne dont le seul nom soit synonyme de succès, hormis peut-être Brad Pitt, nous explique la spécialiste cinéma de 20 Minutes, Caroline Vié. Est-ce que les films marchent grâce à lui, oui sans doute. Bullet Train, ça n’aurait pas fait d’aussi bons chiffres s’il n’y avait pas Brad Pitt. Il arrive à faire venir des gens en salles, c’est l’un des seuls, avec Tom Cruise, qui est une équipe à lui tout seul. »

Ça n’empêche pas, quelques fois les grosses déceptions, de part et d’autre. L’élimination à l’Euro, avec le penalty raté face à la Suisse pour Mbappé, le film La Momie, sortie en 2017, qui a été un énorme flop aux Etats-Unis. Mais la comparaison avec le foot s’arrête là : « Au cinéma, un acteur ne peut pas changer la donne à lui tout seul si le film est pourri, reprend Caroline Vié. Dans une équipe, les joueurs ont des rôles bien définis, et quelqu’un peut changer la donne à lui tout seul. » Comme Mbappé face à la Pologne, le Danemark et tant d’autres pays avant cette Coupe du monde.

Tant qu’on est sur Tom Cruise, on a remarqué que Kylian Mbappé arrivait aussi, comme le scientologue (attention, danger) à ramener de plus en plus de fidèles. Même les plus réfractaires, qui au début de carrière voyaient en Mbappé un vulgaire Djamel Bakar, sont devenus de vrais Mbappistas. Il ne lui reste plus qu’à convaincre, de nouveau, les supporters du Real Madrid qu’il est toujours l’homme qui lui faut. Deux, trois sorties de folie suffiront à les ramener dans le droit chemin.

  • Mbappé est-il au foot ce que le cheatcode « tube de l’été » est à la musique ?

Si on vous parle de Sabrina, Lou Bega ou Luis Fonsi, vous répondez directement : Boys, Boys, Boys, Mambo n°5 et Despacito, évidemment. Que des tubes de l’été sur lesquels leurs auteurs ont surfé pendant des années. Alors, pour réussir à pondre de tels hits, et ne quasiment plus rien faire derrière, il y a bien un cheatcode spécial : « Pas une recette miracle, plutôt des ingrédients, répond Alain Pozzuoli, auteur de 101 tubes de l’été (éd Le Layeur). Le point commun, c’est une mélodie, parce qu’il faut que ça reste dans la tête, un gimmick et un texte pas trop compliqué. »

Un peu comme pour Kylian Mbappé qui, match après match, surfe sur la même mélodie, celle du meilleur joueur du monde, qui commence à bien entrer dans la tête de tous ses adversaires. Pour le gimmick, il n’y a pas à aller chercher très loin : une célébration de but connue de tous, et quelques expressions qui font déjà fait le tour du monde : « Nooooow, defense, men » ou « Tu me parles pas d’âge ». Ça peut agacer, mais ça reste en tête. Comme Despacito.

« Mais ça ne suffit pas toujours, ça dépend de plein de choses, comme le matraquage, reprend l’auteur. Si une chanson passe dix fois par jour à la radio, elle a des chances de “contaminer” le public. » Un peu comme les frappes intérieur du pied de Kylian qui finissent, presque toutes, en lucarne à force de les répéter. « Beaucoup de chanteurs ont les mêmes ingrédients, mais pour certains ça ne marche pas », conclut Alain Pozzuoli. Kylian Mbappé, souvent imité, jamais égalé. Marco Asensio en sait quelque chose. Pas besoin d’en reparler dans deux ans.