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Côte d’Ivoire – Cameroun : Les Lions indomptables ne s’en sortent pas en compétitions

Le Cameroun, quintuple vainqueur de la Coupe d’Afrique des nations, affronte la Côte d’Ivoire ce dimanche. Depuis quelques années, l’équipe a rencontré des tensions internes, notamment entre la Fecafoot et le ministère des Sports, entraînant un changement de sélectionneur à peine trois semaines avant le début de la compétition.

Il y a quelque chose d’intimidant, à l’instar de certains surnoms de combattants de MMA qui provoquent des sueurs froides avant même d’entrer dans l’octo­gone. Les Lions indomptables évoquent la même impression. C’est une équipe féroce, puissante, inarrêtable, prête à déchirer ses adversaires. Pourtant, depuis quelques années, le lion camerounais a pris l’apparence d’un gentil chaton, dont les griffes rencontrent des difficultés à érafler ses opposants.

Le quintuple vainqueur de la Coupe d’Afrique des nations, qui doit affronter la Côte d’Ivoire ce dimanche, a perdu de sa superbe. Il n’a plus cette crinière flamboyante, ce rugissement royal, ni des dents acérées comme des couteaux. La victoire contre les Panthères du Gabon lors du premier match de cette CAN au Maroc n’y change guère, même si elle a apporté un soupçon de sérénité. Le Cameroun se présente au Maghreb dans un désordre total, avec un changement d’entraîneur survenu à peine trois semaines avant le début de la compétition.

Des relations tendues entre la Fecafoot et le ministère

David Pagou, connu localement mais peu reconnu à l’international, a pris la succession de Marc Brys, qui se retrouvait au milieu d’une guerre de pouvoir entre le ministère des Sports et la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), présidée par la légende Samuel Eto’o. Ce dernier n’a pas accepté que le Belge soit désigné en 2024 par l’État sans son accord, alors qu’il avait proposé trois autres candidats.

« L’équipe nationale fonctionne sur la base d’un couple entre le ministère des Sports et la Fecafoot, explique l’ancien international Paul Alo’o Efoulou. Récemment, de nombreuses divergences ont surgi entre eux, provoquant un grand remue-ménage et dégradant quelque peu leur collaboration. Dans un couple, lorsque ça ne va pas, des failles apparaissent et elles n’ont pas été refermées jusqu’ici. »

En juillet, la Fecafoot a donc décidé de « démissionner » Marc Brys après des réunions tumultueuses, agrémentées d’insultes, entre le Belge et les membres de la Fédération, dont Samuel Eto’o. Cette décision n’a pas plu aux hautes instances de l’État, représentées par le ministre des Sports Narcisse Mouelle Kombi, qui ont affiché leur soutien à Marc Brys. Ce dernier a donc conservé son poste jusqu’au début décembre, après l’échec de la qualification pour la Coupe du Monde 2026.

Un avenir flou pour les Lions indomptables

Avant de passer définitivement à autre chose pour les Lions indomptables, Brys a tout de même publié une liste de joueurs qu’il aurait retenus pour cette CAN, quelques heures après celle fournie par Pagou, où des noms comme Onana ou Aboubakar, deuxième meilleur buteur de l’histoire de la sélection, sont absents. Cela n’a pas manqué d’attiser les tensions déjà existantes.

« Le mal profond causé par Marc Brys, c’est d’avoir exploité cette tension entre la Fédé et le ministère pour asseoir son leadership au sein de l’équipe, continue l’ancien joueur de Nancy. Cela a même divisé le groupe. Réparer cela prend souvent beaucoup de temps. C’est quelque chose de vraiment malsain. Ça a été très, très, très dangereux, et je pense qu’on va en pâtir longtemps. »

Le Cameroun est donc arrivé au Maroc dans une atmosphère électrique. « C’est comme si l’on partait d’une feuille blanche, mais débuter une grande compétition sans repères, ce n’est pas l’idéal, juge Jean-Joël Perrier Doumbé, ancien international camerounais ayant joué la CAN 2004. On ne connaît pas le style de l’entraîneur, ni la stratégie qu’il compte mettre en place… »

Pérennité des problèmes

C’est une réalité pour les Camerounais, généralement plongés dans les compétitions majeures entre conflits et querelles internes. Voici quelques exemples récents illustrant cette situation.

  • CAN 2024 : Le gardien André Onana a décidé de rester avec son club jusqu’au 14 janvier (la compétition commence le 13) et a été mis à l’écart par le sélectionneur Rigobert Song pour les matches cruciaux. Par ailleurs, des controverses ont éclaté concernant la sélection de Nathan Doualla (17 ans), dont l’âge a été contesté.
  • Coupe du monde 2022 : André Onana a également été écarté par Rigobert Song pendant la compétition. Samuel Eto’o, pour sa part, a été aperçu à un match du Sénégal en portant le maillot des Lions de la Teranga. En prime, le président de la Fecafoot a asséné un coup de genou au visage d’un youtubeur algérien.
  • CAN 2019 : En tant que tenants du titre, les Camerounais ont refusé d’embarquer pour l’Égypte, réclamant une augmentation de leurs primes. « J’ai passé de nombreuses nuits blanches lorsque j’étais sélectionneur (1999-2001) car les joueurs menaçaient de ne pas jouer en raison de primes non payées », confiait Pierre Lechantre dans Le Monde.
  • Coupe du monde 2014 : Après une défaite inaugurale face au Mexique, la sélection a subi un véritable effondrement face à la Croatie (4-0), un match où Benoît Assou-Ekotto a porté un coup de tête à son coéquipier Benjamin Moukandjo.

« Au Cameroun, on dit que l’équipe n’est jamais aussi bonne que lorsqu’elle est en difficulté, au bord du gouffre, assure Perrier Doumbé. De nombreux matchs le démontrent. C’est une véritable spécialité camerounaise, un dicton qui contient sa part de vérité. » Cependant, tous ces épisodes troubles n’ont jamais mené à une victoire finale des Lions indomptables, à l’inverse de la CAN 2017, remportée sans trop de tracas.

Les attentes des supporters en décalage avec la réalité

Au milieu de toutes ces tensions et avec une sélection relativement renouvelée, sans grandes stars (excepté Bryan Mbeumo, joueur de Manchester United), le Cameroun aborde cette CAN sans objectif précis fixé par les instances. En revanche, les supporters des Lions indomptables espèrent toujours se rapprocher de l’Égypte, détentrice du plus grand nombre de trophées dans cette compétition (sept).

« Le problème avec les Camerounais, c’est qu’ils ne prennent jamais la mesure de la réalité, déplore Paul Alo’o Efoulou. Nous vivons un peu dans le souvenir de nos légendes. Les autres pays nous rattrapent voire nous dépassent. Il ne faut pas penser qu’on y va pour gagner, mais plutôt qu’on est dans une phase de reconstruction. Mettons de côté toutes les querelles et investissons-nous à 200 % derrière la sélection. Les disputes viendront après la compétition. » Sur ce point, il est certain que le Cameroun parviendra à respecter ses engagements.