France

Corse : Une jeunesse entre « quête d’identité » et repli identitaire

« Sur le continent, ils disent :  »la Corse, c’est la France », mais ce n’est pas vrai », introduit Margot, étudiante en langue à l’université de Corte, en centre Corse. « Il n’y a qu’à voir comment nous avons liutter pour faire respecter nos droits de permettre aux prisionniers poltiique d’être incarcérés ici (référence à Pierre Alessandri et Alain Ferrandi) ». Dans la ville universitaire de l’île, entourée de montagne aux sommets dépassant les 2.000 mètres et aux murs décrépis, il est impossible de ne pas mesurer la prégnance du nationalisme politique. Ici plus qu’ailleurs, les slogans, les références aux FLNC dans toutes ses composantes, à une hostilité certaine vis-à-vis du pouvoir central de Paris, sont bien visibles.

« La jeunesse corse est une jeunesse en quête d’identité », perçoit Pierre-Joseph Paganelli, doctorant en géographie et président de la CGC (cunsulta di a ghjuventu corsa, consulat de la jeunesse corse), un des trois syndicats étudiants propre à l’île. Une quête due notamment « à la négation de la langue corse et l’absence de reconnaissance de notre peuple », développe-t-il. Si bien que les jeunes corses « réagissent avec vigueur à tout ce qui touche à la Corse. Bien plus que ce qui à affaires avec la France, on le voit sur la réforme des retraites, par exemple. Parce que ce qui touche à la Corse, va toucher notre orgueil », explique Léa qui suit une licence d’italien. A l’image de l’an dernier, consécutivement à l’agression d’Yvan Colonna dans sa prison où la puissance des émeutes avait pu surprendre vue du continent. Des violences urbaines qui se sont accompagnées d’un regain de violence politique avec l’apparition d’un nouveau groupe clandestin, le GCC, pour « Ghjuventu Clandestina Corsa » (GCC, Jeunesse clandestine corse) et le retour d’un FLNC au-devant de la scène.

Pour Ersilia, « cette quête identitaire écrase toutes les autres, notamment les revendications sociales », explique la jeune étudiante en éco-gestion sous le regard de la fresque géante de Pascal Paoli, décorant un des bâtiments universitaires. De fait leurs revendications et préoccupations tournent autour deux axes : « Un statut de résident afin de parvenir à se loger et la reconnaissance de notre peuple et de notre langue sans pour autant être traité de raciste », résume Léa.

Reste cependant une affirmation ces derniers temps de position d’extrême-droite qui se traduise sur les murs « Français de merde », « Islam Fora [islam dehors] » et dans les urnes. Marine Lepen est arrivée en tête des deux tours de la présidentielle et a collecté 58 %, lors du second en Corse. Une affirmation certes pas propre à la Corse mais qui tranche avec le résultat des élections locales dominé par les nationalistes et indépendantiste corse.

« Si l’identité corse ne se fonde plus sur la langue, alors elle se fera sur le sang »

« La politique ici est très nationaliste mais elle se détourne parfois de l’idée de base avec un problème raciste », constate Liam qui observe de plus en plus du discours expliquant que « si tu fais rentrer des étrangers, on va perdre notre culture ».

Un repli identitaire causé en partie par l’impossibilité d’exprimer la leur. Une interdiction rappelée la semaine dernière encore par une délibération du tribunal administratif interdisant l’Assemblée corse d’utiliser leur langue pour les débats. « Si l’identité corse ne se fonde plus sur la langue, alors elle se fera sur le sang, la religion et là on bascule dans l’extrême-droite », analyse Sébastien Quenot, maître de conférences à l’université de Corte. « C’est bien là le problème », ajoute Pierre-Joseph Paganelli, le président du syndicat étudiant CGC. « Si l’on ne peut plus fabriquer des Corses par la langue, comment les fabrique-t-on, alors ? »

« Tout cela alimente du ressentiment et crée une sorte de  »corsitude » », poursuit l’universitaire. Une attitude où l’on veut être plus corse que les Corses. « Je crois que c’est juste inhérent à notre génération », pense Jade, étudiante en art. « Cette crise identitaire, c’est avant tout pour montrer qu’on existe. Je vois bien sur Instagram des jeunes qui se la joue FLNC, avec des flingues en plastique. Ils s’inventent une vie. On dirait des rappeurs qui se la jouent dealer », raille-t-elle.

Avec une conséquence aussi pour les quelques étudiants venus du continent, telles Maéva et Clémence, qui étudient le droit. « Les Corses ne se mélangent pas trop. Nous par exemple on n’est pas trop au courant de ce qu’il se passe, des réunions », constatent-elles. « On savait, mais à ce point… ».

Un peu plus tard dans la journée, en début de soirée. Une bande d’une quinzaine d’étudiants sortent de la salle en sous-sol d’un bar de Corte. « Pour moi, être Corse, c’est être catholique », raconte un jeune homme à une amie. Il a été difficile d’en savoir plus.