Consulter sur les retraites ? « Le référendum est plus risqué qu’une dissolution », réagit un spécialiste du droit

Consulter directement les Français sur les retraites ? L’hypothèse du recours à un référendum sur la réforme des retraites a été évoquée par le premier ministre François Bayrou dans un entretien accordé au Figaro. Il y envisage une consultation sur cette question s’« il n’y a pas de résolution possible », alors que les discussions entre les organisations syndicales et patronales sur ce dossier complexe viennent de s’engager. Michel Lascombe, professeur agrégé en droit public, répond aux questions de 20 Minutes sur cette éventuelle consultation directe des citoyens.
Un recours au référendum est-il bien possible sur le dossier des retraites ?
Je ne pense pas qu’il y ait de soucis sur le plan des règles fixées par l’article 11, car il s’agit bien d’une politique sociale et du service public qui concourt à cette politique. Sur un sujet comme l’immigration, on pourrait discuter de savoir s’il s’agit d’une politique sociale tandis que c’est plus net pour les retraites, sur lesquelles cela ne fait aucun doute. Reste que le recours à cet article 11 relève d’une décision du président de la République. Le premier ministre peut, lui, proposer mais c’est in fine le président de la République qui décide de le faire ou pas.
Quelle forme pourrait-il prendre ?
Dans le cadre d’un référendum, vous ne pouvez pas poser une question du type : « êtes-vous pour ou contre la retraite à 62, 64 ou 70 ans ? » Ce sont des projets de loi qui sont soumis à la consultation. Le travail réalisé par les partenaires sociaux va déboucher (ou pas) sur un accord. Les services du gouvernement vont transformer cet accord en un projet de loi qui pourra alors être soumis au référendum.
La question est de savoir si tout ce que proposent les partenaires sociaux sera dans le projet de loi et si tout le projet de loi sera soumis au référendum. On peut couper en plusieurs tronçons, faire plusieurs projets de loi qui « s’emboîtent ».
Est-ce que le texte soumis au référendum doit être légalement compréhensible par le plus grand nombre ?
Le conseil constitutionnel n’intervient pas avant le référendum et une fois que le peuple s’est prononcé, il ne peut plus intervenir. Il n’existe donc pas de moyen pour vérifier si le texte est suffisamment clair pour être compréhensible. C’est possible dans le cadre d’autres systèmes de référendum, mais pas celui qui nous occupe.
Or, on ne voit pas trop comment on peut soumettre un texte simple sur un sujet compliqué. Si on suppose que le projet de loi comprend 60 articles par exemple, il faut que tout le monde ait lu les articles et, en s’opposant à un article, on s’oppose à tous les articles. C’est tout ou rien.
Et enfin, les Français vont-ils répondre à la question qu’on leur pose ? Rien n’est moins sûr. En général, ils répondent à la question de savoir s’ils veulent que le président de la République continue son mandat ou l’arrête. C’est toute la difficulté du référendum, c’est encore plus risqué qu’une dissolution.
De votre point de vue, le recours au référendum est-il crédible sur le dossier des retraites ?
Le président de la République ne me semble pas être dans des dispositions qui l’incitent à poser un référendum sur cette question-là. Il n’y en a encore jamais eu sur ce sujet, les précédents concernaient soit l’organisation de pouvoirs publics soit la ratification d’un traité.
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Dans la mesure où une majorité de Français ne sont pas très favorables à la retraite à 64 ans et que de grandes formations politiques sont hostiles à ce report de l’âge légal de départ à la retraite, la campagne électorale risque également d’être assez compliquée. Je pense qu’avant tout, même si le Premier ministre le propose, pour éviter le passage devant l’Assemblée, je ne suis pas sûr que le président de la République le décide.