France

Congrès du PCF à Marseille : Des débats, des goodies et 1.200 communistes dans un palais

Fabien Roussel est bien là, dans son éternel costume bleu clair, mais il n’y a pas l’ombre d’un barbecue. Au palais du Pharo, à Marseille, où le Parti communiste français (PCF) tient son 39e congrès, l’ambiance est studieuse et les sandwichs jambon-fromage vite avalés. Près de 1.200 communistes sont venus de toute la France s’y réunir jusqu’au bout de ce long week-end de Pâques. Une grande messe pour un parti qui doit déterminer sa stratégie et (ré) élire son leader pour les années à venir – avec peu de suspens à ce propos tant Fabien Roussel semble s’être imposé.

Près de 17 % pour la réforme des retraites

En ce vendredi, le soleil baigne l’esplanade sur laquelle a été installée une buvette. Quelques-uns des trois cents bénévoles, qui permettent une organisation à moindres frais, profitent de ce temps calme où l’essentiel des délégués est occupé à débattre dans l’amphithéâtre. Mais pas moyen de boire un coup. « Pas d’alcool avant 18 heures. » Le couperet est tombé comme un glaçon dans un verre de kir.

– « Oh, mais c’est pire que l’université d’été de la LFI », s’indigne un jeune communiste, badge « la retraite, c’est à 51 ans », sur la poitrine.

– « Comment tu sais, tu étais là-bas ? », s’étonne-t-on.

– « On m’a raconté ».

Nous voilà rassurés.

Voilà aussi les débats assurés de garder une certaine efficacité. Les prises de parole sont limitées à trois minutes afin que toutes les orientations puissent être exprimées, et le cas échéant, votées. Des votes qui se font pour la première fois à l’aide d’un petit boîtier. Le tour de chauffe de ce nouvel outil, que chacun doit s’approprier, se fait avec une question sans enjeu : « Pour ou contre la réforme des retraites ? » 16,92 % de pour sur les près de six cents votes exprimés. Les communistes sont taquins et ce tour de chauffe était peut-être bien utile pour bien saisir comment ce boîtier de vote électronique fonctionne.

A l’extérieur de l’amphithéâtre, Roselyne, de la librairie Renaissance à Toulouse, propose différents ouvrages. On y trouve les auteurs classiques du Panthéon communiste – Lénine et Marx, naturellement. Mais aussi Gramsci ou Althusser, et également des romans et ouvrages d’intellectuels contemporains, comme Piketty ou Lordon. « Les jeunes demandent souvent les classiques », observe la libraire communiste, qui cherche avant tout à faire « rencontrer des œuvres et des publics », sans perdre de vue « qu’il s’agit d’un congrès politique ». A bien chercher, Houellebecq n’était pas dans les cartons. A l’inverse de Servir les riches d’Alizée Delpierre.

1.200 communistes dans un palais

Un peu plus loin dans le hall, c’est le Parti communiste qui vend quelques goodies. Sans oublier la tradition chocolatée de Pâques avec une tombola dont le tiré au sort remportera un œuf géant qu’un seul homme ou femme ne saura manger seul.e. Une invitation au partage peut-être ? Au-delà du livre de Fabien Roussel, Les jours heureux sont devant nous, leurs best-sellers sont des « tote bag », vendus neuf euros, qui dans plusieurs langues au choix (français, anglais, allemand, russe) clament, en prolongeant le célèbre slogan de l’armée US : « Nous avons besoin de vous pour la révolution. » Chez les Jeunes communistes, c’est un briquet, figurant la tête de Fidel Castro cigare au bec, et légendé « la flamme de la révolution », qui s’achète bien. « Sans doute parce que c’est aussi utile », souligne une jeune de l’organisation.

De révolution, il en est bien peu question dans les débats, même si l’orientation anticapitaliste des prises de parole est sans ambiguïté. La satisfaction de voir un Parti communiste revivifié par les percées médiatiques de son secrétaire national, sacré personnalité politique de gauche préférée des Français, se fait ressentir. Ce dernier ne s’est pas privé de tacler la LFI, contre qui les communistes gardent la dent dure, dans son discours d’ouverture. « Mélenchon nous a quand même bien craché dessus depuis 2012 et le Front de gauche. Et encore lors de la dernière présidentielle lorsqu’il a dit que nous sommes ‘‘la mort et le néant’’ », abonde Hervé, un délégué de la fédération de Haute-Saône, dont le look fait penser à un chanteur Renaud qui n’aurait pas sombré dans les excès. Une analyse à laquelle souscrit Emmanuelle, sous le charme du personnage de Fabien Roussel. « Je me réveille avec lui, confesse-t-elle volontairement. J’ai une alerte Google avec son nom. Je lis tout ce qui sort sur lui. » Elle rêve « de partager un barbecue » avec le secrétaire national du parti. C’est le « chouchou des femmes », estime l’habitante de Besançon, qui n’avait pas vu la mer depuis vingt ans faute de moyen pour partir en vacances.

Face au Vieux-Port, qui s’étire en contrebas des jardins du palais du Pharo, la buvette a déballé les canettes de bière et sorti les pichets d’eau nécessaires à l’anisette locale tandis que le soleil commence à plonger derrière les îles du Frioul. Naïma, administratrice de la fédération PCF des Bouches-du-Rhône endosse le rôle de DJ. « Ce soir, ce sera très chill. Des musiques décontractées pour apaiser après les débats », explique-t-elle tandis que la voie d’Alicia Keys enveloppe l’assemblée.

Pendant que tout le monde semble apprécier le cadre, il est vrai un des plus beaux de Marseille, où Emmanuel Macron était venu donner son meeting d’entre deux tours en 2022, il serait juste de s’étonner de voir 1.200 communistes s’épanouir dans l’enceinte d’un palais construit par Napoléon III sans tout brûler. « Enfin, ce n’est quand même pas lui qui l’a fait avec ses mains », corrige un jeune communiste. Ne jamais perdre de vue qui travaille et produit la richesse. Voilà, ici, ce qui rassemble sans discussion.