France

Congrès de la CGT : « Une caisse de résonance » pour le mouvement social en cours

Finie la moustache. Comme il l’avait annoncé cet été, Philippe Martinez, premier secrétaire général de la CGT depuis 2015, ne brigue pas de nouveau mandat. L’homme de 61 ans défilera une dernière fois mardi dans la peau d’un dirigeant syndical, pour la dixième journée nationale de mobilisation contre les retraites.

Jusqu’à vendredi, la CGT réunit son 53e congrès à Clermont-Ferrand pour élire un nouveau premier secrétaire. Ça ne vous aura pas échappé, cette grand-messe syndicale tombe au cœur d’un mouvement social d’ampleur. Un heureux hasard du calendrier ou une coïncidence à même de freiner la mobilisation ?

Une pause mardi matin pour aller manifester

Dominique Andolfatto, professeur de sciences politiques à l’université de Bourgogne et auteur de  Anatomie du syndicalisme, opte pour la première option. « C’est une caisse de résonance pour le mouvement social et ça n’empêchera pas leurs équipes de s’impliquer dans le mouvement social, même cette semaine. C’est une autre façon pour la CGT de se mettre en scène et d’être sur le pont. En 1995, un congrès était tombé pendant les grèves. Ça avait donné des tribunes aux dirigeants pour défendre le mouvement social ». Le congrès se mettra d’ailleurs en pause mardi matin, le temps d’aller manifester dans les rues clermontoises.

A l’époque, déjà contre une réforme des retraites, les grèves concomitantes au conclave avaient même atténué les tensions internes. « Lorsque les échanges se faisaient un peu trop rudes, l’annonce d’une manifestation record ici ou là venait détendre opportunément l’atmosphère », pouvait-on lire dans Libération.

Pour occuper le poste vacant du plus ancien syndicat de France, deux femmes semblent tenir la corde : Marie Buisson, recommandée par Philippe Martinez, et Céline Verzeletti, qui n’est pas officiellement candidate. « Quelle que soit l’élue, par rapport au conflit social en cours, elle sera contrainte par les résolutions du congrès confédéral. Je ne suis pas persuadé que l’élection de l’une ou de l’autre ne vienne changer la donne », tempère Joel Sohier, maître de conférences et spécialiste des questions syndicales.

« La candidate » de Martinez contre l’outsider

« Marie Buisson se situe dans la ligne de Philippe Martinez. L’intersyndicale, les manifestations, la concertation. Si Céline Verzeletti l’emporte, l’intersyndicale ne serait pas remise en cause, mais il y aurait la volonté plus affirmée d’un mouvement plus dur en évoluant vers des grèves reconductibles, sans se limiter aux simples manifestations. L’élection est assez ouverte. Ça va aussi se jouer sur l’image que le syndicat veut se donner : une surveillante pénitentiaire qui incarne plutôt le monde ouvrier (Verzeletti) ou une enseignante (Buisson) », éclaire Dominique Andolfatto.

Plus que l’influence qu’aura ce changement de tête, la future cheffe devra aussi s’atteler à redynamiser la CGT. L’historique première formation syndicale a été doublée par la CFDT durant le mandat de Philippe Martinez, un « échec » qu’a reconnu ce dernier dans les colonnes du Monde. Autour d’un document d’orientation de près de 80 pages, mille délégués vont devoir tomber d’accord pour élire une nouvelle équipe dirigeante… Et historique. Car, pour la première fois de l’histoire du mouvement, une femme va le commander, et devenir la troisième dirigeante d’une organisation syndicale majeure (après Nicole Notat à la CFDT et Carole Couvert à la CFE-CGC).

Et, après une baisse de régime, quoi de mieux qu’une contestation massive pour relancer la machine ? « En quelques semaines, on a eu une augmentation de 12.000 à 14.000 des demandes d’adhésion au niveau national », se réjouissait la semaine dernière João Perreira Afonso, secrétaire général de l’Union départementale du Rhône, témoin du regain d’engouement du syndicat dans les cortèges, notamment chez les jeunes.

« La puissante mobilisation en cours va conduire tous nos débats. A nous d’être ensemble à la hauteur de cette séquence (…). La CGT est revenue au cœur du jeu démocratique. Les énormes mobilisations et les projets de casse sociale nous prouvent que le syndicalisme est central », a exprimé lundi, à la tribune, Marie Buisson, tout en martelant la revendication commune : la retraite à 60 ans.