France

Condamnation de Marine Le Pen : Quels recours pour la figure de proue du RN en vue de la présidentielle 2027 ?

Elle s’est levée avant même d’entendre sa peine. Marine Le Pen a été condamnée ce lundi à quatre ans de prison dont deux ferme – aménageable sous bracelet électronique – pour détournement de fonds publics. Surtout, la cheffe de fil du Rassemblement national a vu sa peine assortie de cinq ans d’inéligibilité avec « exécution provisoire ». En clair : la mesure entre en vigueur dès à présent, ce qui signifie qu’elle ne peut plus se présenter à aucune élection. Un coup de tonnerre pour celle qui était la grande favorite des sondages pour la présidentielle 2027. Maigre consolation : elle garde son mandat de député du Pas-de-Calais.

Le tribunal correctionnel a estimé que le Front national – les faits datent d’avant la refonte du parti – a signé des « contrats fictifs » à des assistants d’eurodéputés qui « travaillaient, en réalité, pour le parti ». La présidente, Bénédicte de Perthuis, a insisté sur le rôle central de Marine Le Pen dans ce « système » visant à détourner de l’argent du Parlement européen pour justifier cette décision. « Le choix de l’exécution provisoire est conforme au droit mais cela reste une surprise car la semaine dernière, le Conseil constitutionnel a invité les juges à tenir compte de la liberté des électeurs », analyse auprès de 20 Minutes le constitutionnaliste Bertrand Mathieu. Le séisme politique est d’autant plus important que les voies de recours qui s’offrent à Marine Le Pen sont extrêmement limitées.

Option 1 : Croiser les doigts pour un jugement en appel plus clément (et rapide)

Marine Le Pen a d’ores et déjà annoncé son intention de faire appel (il y avait toutefois peu de suspense). Cela signifie que sa condamnation à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, et 100.000 euros d’amende est suspendue jusqu’au nouveau procès… mais pas la peine d’inéligibilité. « L’exécution provisoire » signifie que la peine s’applique même en cas d’appel. « Elle garde son mandat de député, mais s’il y a une dissolution dans les mois à venir, elle ne pourrait pas se présenter », précise Bertrand Mathieu. Qui note que cette décision pourrait avoir des conséquences dans la stratégie politique du RN : difficile, en effet, d’appeler à la dissolution lorsqu’on sait que sa cheffe de groupe perdrait assurément sa place.

Quoi qu’il en soit, Marine Le Pen fera donc face à une cour d’appel. Reste à savoir quand : les délais s’étirent souvent sur de nombreux mois, parfois plus d’un an. Ainsi, dans l’affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy, près de deux ans se sont écoulés entre le jugement en première instance et celui en appel. Il en a été de même pour François Fillon dans l’affaire de l’emploi fictif de sa femme.

Même si le procès était audiencé avant la fin de l’année 2026, quelle sera l’analyse de ces magistrats sur ce dossier ultrasensible ? Iront-ils à rebours de leurs homologues de première instance ? « Si la cour d’appel décide de la relaxer, ou bien même de la condamner sans assortir sa peine d’inéligibilité, elle pourrait se présenter à la présidentielle de 2027. C’est une option envisageable, mais pas forcément le plus probable », insiste Bertrand Mathieu.

Option 2 : Porter son cas devant le premier président de la cour d’appel

Si l’inéligibilité s’applique dès à présent, Marine Le Pen a toutefois une voie de recours : l’article 514-3 du code de procédure civile lui permet de demander au premier président de la Cour d’appel de suspendre cette exécution provisoire. Le texte permet une telle décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. Le juge est alors souverain de sa décision et celle-ci fait effet jusqu’au procès en appel.

Option 3 : Rêver d’une grâce présidentielle

Autant le dire tout de suite, cette option semble plus qu’improbable. « Théoriquement, la grâce présidentielle serait applicable car elle est peu encadrée, mais on a du mal à imaginer un président prendre une telle décision et essuyer des accusations d’ingérence avec le pouvoir judiciaire », estime Bertrand Mathieu.

Option 4 : Se consoler en se disant qu’elle pourra toujours être Première ministre

Si la perspective de la présidentielle s’éloigne très nettement pour Marine Le Pen, elle peut toutefois se rêver en Première ministre si son parti venait à remporter l’élection présidentielle. Le poste de chef du gouvernement n’est, en effet, pas soumis à une élection – il s’agit du choix du président de la République – et n’est donc pas soumis à la peine d’inéligibilité.