France

Condamnation de Marine Le Pen : Pourquoi le plan B Bardella n’est pas (encore) une évidence

Après le coup de massue, le Rassemblement national s’organise. Marine Le Pen a lancé la contre-attaque au lendemain de sa condamnation à cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire pour détournement de fonds publics. « Le système a sorti la bombe nucléaire parce que nous sommes sur le point de gagner […] L’objectif déclaré de la magistrate est de m’empêcher d’être élue à la présidence de la République », a dénoncé mardi la cheffe de file du RN devant ses troupes à l’Assemblée nationale.

A ses côtés, Jordan Bardella, impassible, a appelé à « faire bloc » derrière la responsable du mouvement. A aucun moment, depuis l’annonce de la condamnation, la question du passage de relais n’a été évoquée en interne. Pourquoi le plan B Bardella n’est-il pas encore une évidence ?

Marine Le Pen ne lâche pas

Marine Le Pen a quitté le tribunal de Paris, lundi midi, avant même l’annonce de sa peine, le visage fermé. A cet instant, l’incertitude demeure : nul ne sait si la députée d’Hénin-Beaumont entend poursuivre le combat politique. Mais la patronne du groupe RN à l’Assemblée nationale a vite clarifié la situation, lundi soir, sur le plateau de TF1. « Je ne vais pas me laisser éliminer ainsi », a assuré l’intéressée. La triple candidate à la présidentielle indique qu’elle n’a pas encore mis de côté ses ambitions pour l’élection de 2027, malgré l’impossibilité de s’y présenter pour le moment. « Il y a un chemin, il est étroit, mais il existe », a-t-elle poursuivi. Marine Le Pen mise sur un procès en appel avant le dépôt des candidatures pour la présidentielle. La cour d’appel de Paris a indiqué ce mardi soir dans un communiqué qu’elle « examinera ce dossier dans des délais qui devraient permettre de rendre une décision à l’été 2026 ».

Un parti en état de choc

Jusqu’au bout, le Rassemblement national a refusé d’imaginer ce scénario de l’inéligibilité. Et depuis l’annonce de la condamnation, les cadres du mouvement semblent en état de choc. « A partir du moment où on dit que Marine Le Pen, avec ses 13 millions de voix, ne peut pas se présenter, n’importe qui peut être touché derrière. La question n’est pas de dire  »bon, Jordan va la remplacer », mais voir que la démocratie ne fonctionne plus », balaie un de ses proches conseillers.

« Ce jugement paraît tellement incroyable. Il va provoquer une indignation générale et une grave crise politique », ajoute l’eurodéputé RN Gilles Pennelle. « Il est encore trop tôt pour parler de la suite. On vient d’apprendre cette décision, le RN est plus uni que jamais, nous allons évidemment faire bloc », poursuit l’eurodéputé. En clair, le temps n’est pas venu d’envisager un changement de tête pour la couronne.

Le mouvement nationaliste préfère concentrer son temps à la riposte. « La colère est immense, on ne va pas se laisser faire, il va y avoir une réaction populaire », souligne un député, proche de la triple candidate. Dans une lettre aux sympathisants RN, Jordan Bardella a indiqué que le mouvement serait « partout sur le terrain au cours des prochaines semaines ». Un premier meeting de soutien se tiendra ce dimanche après-midi place Vauban à Paris. Le RN a aussi lancé lundi une pétition intitulée : « sauvons la démocratie, soutenons Marine ».

Des doutes sur Jordan Bardella ?

Ce n’est pas un scoop, Marine Le Pen a de longue date imaginé Jordan Bardella lui succéder à long terme. Dès 2019, en lui offrant la tête de liste des européennes à seulement 23 ans, puis la présidence du parti par intérim lors de la présidentielle 2022. « Elle l’a dit à plusieurs reprises : si elle passait sous un camion, elle sait que Jordan [Bardella] serait là pour reprendre la main », confie un député RN. « Jordan Bardella est un atout formidable pour le mouvement. J’espère que nous n’aurons pas à user de cet atout plus tôt qu’il n’est nécessaire », a toutefois estimé lundi Marine Le Pen. Une manière de rappeler qu’elle gardait intactes ses propres ambitions, mais aussi peut-être que le jeune président du RN n’était pas encore tout à fait prêt.

Après une victoire éclatante aux européennes 2024, l’eurodéputé a laissé entrevoir quelques limites lors des débats ou par ses tergiversations programmatiques pendant la campagne législative. L’élu de 29 ans, qui n’a connu que le Parlement européen et le conseil régional d’Ile-de-France, avait d’ailleurs reconnu des « erreurs » personnelles après avoir échoué à entrer à Matignon. Son action à la tête du parti est aussi parfois critiquée en interne, preuve que son autorité n’est pas aussi naturelle que celle de la triple candidate à la présidentielle. Ce qui pourrait ouvrir le champ à d’autres ambitieux, en cas d’empêchement définif de Marine Le Pen.