Condamnation de Marine Le Pen : Bénéficie-t-elle d’un traitement de faveur en obtenant un procès en appel rapidement ?

Faut-il y voir une première victoire pour Marine Le Pen ? Au lendemain de la condamnation de la cheffe de fil du Rassemblement national, la cour d’appel de Paris a indiqué mardi soir qu’elle examinerait ce dossier « dans des délais qui devraient permettre de rendre une décision à l’été 2026 ». Ainsi, malgré la peine de cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire prononcée en première instance, la porte de l’élection présidentielle – qui se déroulera en avril 2027 – n’est pas encore tout à fait close. Même si tout dépendra, évidemment, de l’issue de ce nouveau procès.
Cet empressement à audiencer un nouveau procès est inhabituel. Interrogé sur les délais classiques, le ministère de la Justice renvoie vers la cour d’appel de Paris… qui se refuse à communiquer sur ce sujet. Si les délais sont assez variables – en fonction notamment du nombre de prévenus ou d’éventuels recours – ils tournent « autour de deux ans, voire trois » lorsque personne n’est incarcéré, assure une magistrate parisienne. François Fillon a, par exemple, dû patienter près de deux ans après sa condamnation en première instance dans l’affaire de l’emploi fictif de sa femme pour être fixé sur son sort en appel. Idem pour Nicolas Sarkozy dans le dossier des écoutes. « Ce qui est inhabituel surtout, c’est que la cour d’appel communique aussi rapidement sur une date de délibéré, cela n’arrive absolument jamais », poursuit cette magistrate.
« Trouver un juste équilibre »
« Évidemment, c’est un traitement qui sort de l’ordinaire, mais c’est parce que l’affaire elle-même ne l’est pas », analyse Aurélien Martini, vice-procureur à Melun et secrétaire général adjoint de l’Union Syndicale des magistrats. Il voit dans cette décision un « geste d’apaisement nécessaire » après la polémique suscitée par la condamnation de Marine Le Pen, et une manière de répondre aux accusations d’une justice « politique ». « C’est une manière de trouver un juste équilibre entre l’émotion suscitée par cette condamnation et la nécessité de préserver une égalité de traitement devant la loi », poursuit une magistrate parisienne.
Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, avait lui-même appelé de ses vœux à un procès en appel avant la présidentielle. Une déclaration qui n’a, selon Christophe Soulard, premier président de la Cour de cassation, aucunement joué dans la décision de la cour d’appel. « La justice n’a pas réagi sous la pression, la justice n’est pas déconnectée, et aucune décision n’a pu influencer cette décision […] La cour d’appel avait conscience, sans aucun propos politique, des échéances électorales », a-t-il déclaré ce mercredi matin sur France Info.
Un procès en appel avancé mais « pas un désaveu »
Si les plus hautes instances judiciaires ont donc estimé nécessaire la tenue d’un procès en appel avant l’échéance de la présidentielle, cette décision n’a rien d’une remise en cause du jugement rendu lundi, contrairement à ce que clame le RN. « C’est une très bonne nouvelle, dans laquelle je veux voir le trouble qu’a créé le jugement », a elle-même estimé Marine Le Pen. « Ceux qui parlent de désaveu sont soit ignorants de la justice, soit dans une posture politique, assure Aurélien Martini. Cette décision d’audiencer plus rapidement l’appel ne présage en rien de la suite. C’est une affaire particulière mais il n’y a pas de traitement judiciaire particulier. Et au fond, tous les justiciables devraient pouvoir avoir un procès en appel dans un délai d’un an. »
L’audience devrait donc se tenir au début de l’année 2026 et durera probablement deux mois, comme ce fut le cas lors de ce premier procès. Pour tenir ces délais, faudra-t-il décaler quelques affaires déjà programmées ? « C’est probable, on ne peut pas pousser les murs du tribunal, donc il va bien falloir trouver une solution », estime Aurélien Martini. Si elle est une nouvelle fois reconnue coupable, Marine Le Pen pourra encore se pourvoir en cassation.