France

Concert de casseroles, chants contestataires… On a suivi le déplacement chahuté de Sarah El Haïry à Versailles

« On est là, on est là ! ». Il est midi sur la place du marché de Versailles et on n’entend qu’eux. Une centaine de manifestants sont postés devant une rangée de policiers. Au ciel flottent des drapeaux de différents syndicats : Sud, Snes-Fsu, CGT, Solidaires… Tous sont venus pour perturber le déplacement de Sarah El Haïry, secrétaire d’Etat en charge de la Jeunesse et du SNU (service national universel), qui doit visiter le village SNU, un espace de promotion du dispositif pour informer les jeunes susceptibles d’être intéressés. C’est la onzième étape de la tournée prévue à travers la France pour inciter les 15-17 ans à s’inscrire aux séjours de cohésion prévus notamment cet été.

Ces derniers jours, le moindre déplacement d’un membre du gouvernement donne lieu à un comité d’accueil hostile, avec son concert de casseroles. Sarah El Haïry en a déjà fait l’expérience la semaine dernière à Nantes, où le village SNU a du même tirer le rideau précocement. Idem à Caen, samedi dernier, où le même village a été bloqué par les manifestants. L’information selon laquelle la secrétaire d’Etat à Versailles allait venir ce mercredi à Versailles a été relayée sur les réseaux sociaux, plusieurs syndicats et collectifs de citoyens lançant un appel à la mobilisation.

« On veut maintenir la pression sur le gouvernement »

Bruits de casseroles et de poêles, sifflets et chants résonnent sur la place, d’ordinaire très calme. Une grogne qui s’exprime avant tout contre la réforme des retraites. « On veut la fête à 60 ans », « Pas de retrait, pas de JO », tonnent-ils en chœur. Chloé, venue de Paris, est déterminée : « C’est notre moyen de rappeler que le pays n’est pas apaisé. Que même dans une ville de droite comme Versailles, il peut y avoir une mobilisation. Et qu’on ne lâchera pas le gouvernement. » Drapeau à la main, Aude, secrétaire départementale de la CGT éducation des Yvelines, ne compte pas désarmer non plus : « A chaque déplacement d’un ministre, on se fera entendre. On veut maintenir la pression sur le gouvernement. On est dans une stratégie d’images », explique-t-elle.

Sarah El Haïry avec des volontaires du SNU
Sarah El Haïry avec des volontaires du SNU – D.Bancaud

Pour éviter le blocage de l’accès au village SNU, les policiers maintiennent les manifestants à distance. Des forces de l’ordre à cheval sont aussi là. Après plus d’une heure de retard, Sarah El Haïry finit par arriver discrètement. Tout sourire et la mine sereine, elle salue les officiels et remercie les équipes du SNU, avant d’échanger avec les jeunes volontaires. Elle se prête même à un quiz avec eux, en leur posant des questions : « Quand célèbre-t-on la journée mondiale de l’environnement ? », interroge-t-elle. Les jeunes se prêtent au jeu. « Merci de témoigner de votre expérience auprès des autres jeunes. C’est précieux pour lever la timidité de ceux qui n’osent pas s’engager », déclare-t-elle, avant de se prêter à une séance photo.

Les manifestants ont aussi une dent contre le SNU

Au loin, les chants des manifestants résonnent : « Le SNU, c’est dégueulasse », crient-ils. « On veut plus de profs, pas du SNU ». Car le dispositif suscite toujours des critiques. « Le SNU, ce sont des semaines d’endoctrinement. On ne veut pas que la jeunesse soit marquée par des valeurs libérales », lance Chloé. « On n’est pas d’accord avec la militarisation de la jeunesse. On a besoin de moyens dans l’éducation et le coût du SNU est exorbitant. On espère que personne n’ira sur les stands », renchérit Aude.

Le concert de casseroles a visiblement fait fuir les familles et les jeunes qui auraient voulu obtenir des informations sur le dispositif. Depuis le début de la matinée, seulement une trentaine de personnes sont venues sur le stand. Mais selon l’entourage de Sarah El Haïry, les séjours de cohésion de juin et juillet ont enregistré de très bons taux de réservations, même si aucun chiffre n’est dévoilé, certains jeunes pouvant renoncer au dernier moment à partir.

« Notre pays s’apaisera dans le dialogue »

Pas question non plus pour la secrétaire d’Etat de rester cloîtrée dans son ministère parisien : « Je continuerai à me déplacer, même si la période appelle un accueil en musique », nous explique-t-elle. Une présence sur le terrain encouragée par Emmanuel Macron lui-même : « Le président nous invite à être au contact des Français. Notre pays a besoin d’unité et s’apaisera dans le dialogue », affirme-t-elle.

Un dernier tour de piste, quelques poses photos, et la secrétaire d’Etat remonte dans son véhicule. Les manifestants ne semblent même pas avoir remarqué son départ. Mais ils continuent à occuper, eux aussi, le terrain.