France

Comment les « experts » de la police résolvent-ils les causes d’un incendie ?

Thermodésorbeur, chromatographe en phase gazeuse, spectromètre de masse… Les machines sont aussi modernes que le bâtiment de briques rouges qui les abrite est ancien. Il a été construit en 1937 dans le 15e arrondissement de Paris pour accueillir les locaux du laboratoire central de la préfecture de police (LCPP). « On a un très beau parc, mais les infrastructures sont un peu vieillissantes », reconnaît Christophe Pezron, son directeur. Au mur, la peinture s’écaille. Blouse blanche sur le dos, un ingénieur chimiste manipule des tubes dans lesquels se trouvent des résidus prélevés sur les lieux d’un incendie. « Il peut s’agir de cendres, de morceaux de bois, de tissus, récupérés là où potentiellement le feu a démarré », poursuit le patron des « experts » parisiens.

Des appareils surpuissants vont ensuite les analyser. Objectif : déterminer, grâce à la science, les causes d’un incendie ou d’une explosion, et aider les policiers dans leurs investigations. Une mission confiée depuis près de 140 ans au LCPP. En 1887 et en 1897, le Bazar de la Charité et l’opéra-comique ont été ravagés par les flammes, tuant des centaines de personnes. Des tragédies étudiées par ce qui s’appelait encore le Laboratoire municipal de chimie. Depuis, la technologie a évolué. Mais le travail des techniciens et des ingénieurs, qui interviennent à Paris où dans les départements limitrophes, reste le même. « Est-ce que quelqu’un a mis de l’essence ? Pour le savoir, on va chercher dans les décombres des hydrocarbures. On peut aussi analyser un tableau électrique pour déterminer s’il y a pu avoir une étincelle qui a conduit au feu », détaille Christophe Pezron.

900 enquêtes par an

« Le développement du feu se lit sur les murs, sur les plafonds. On va rechercher le lieu de départ de l’incendie et tenter de déterminer ce qui a pu le provoquer. Est-ce qu’il y a des bougies ? Une cuisinière ? Des résidus étranges ? On va aussi chercher à savoir si un suspect qui a été interpellé n’a pas des traces d’essence sur les mains ou sur ses vêtements. Et si oui, s’il s’agit du même liquide que celui qui a provoqué l’incendie », ajoute cet ingénieur à la tête de ce service depuis sept ans. Le rapport des experts est envoyé aux policiers chargés des investigations. En moyenne, le labo participe à 900 enquêtes de ce type chaque année.

Ses personnels ont travaillé sur les sinistres les plus importants de ces dernières années : l’explosion de la rue de Trévise, l’incendie criminel de la rue Erlanger, ou celui de la cathédrale Notre-Dame. Une catastrophe avec un retentissement mondial sur laquelle ses équipes ont travaillé « des semaines entières ». « On a dû fouiller dans la nef avec les archéologues tous les décombres pour récupérer les morceaux qui les intéressaient et qu’il fallait sauvegarder. Nous, nous voulions savoir si, dans ces débris, il n’y avait pas des éléments qui étaient révélateurs des causes de l’incendie. » Le labo a aussi « identifié et cartographié la pollution au plomb », causée par l’incendie qui a ravagé l’édifice religieux.

« Adapter le labo aux nouvelles menaces »

Un travail qu’il continue d’effectuer après chaque sinistre d’ampleur, comme l’incendie du centre de tri des déchets du 17e arrondissement début avril. Le laboratoire central de la préfecture de police a réalisé plusieurs jours durant environ 80 prélèvements autour du site afin de « cartographier et d’évaluer la toxicité des fumées, les retombées de poussière et de tout ce qu’on retrouve au sol ».

Le labo a notamment développé en interne des outils permettant à ses experts de comprendre « comment se développe l’incendie, se dispersent les nuages, s’il y a un impact sur le sol ». « Ce sont des maths, de la physique », souligne Christophe Pezron, ajoutant que ses équipes sont désormais « capables de fournir au préfet de police des analyses de plomb en deux ou trois heures ». Grâce à leurs « modélisations », les experts savent « où chercher » et où placer leurs « têtes de prélèvement » – des « aspirateurs » à particules. Les données sont transmises aux autorités qui décident en fonction des résultats des mesures à prendre, comme la fermeture des parcs et jardins par exemple.

Le rôle du labo ne s’arrête pas là. Il aide aussi les pompiers à « évaluer l’efficacité de nouveaux moyens d’extinction ». « S’ils ont un doute sur un équipement, on peut les aider et le tester ». « Ce sont pour nous des sujets de recherche. On essaie de comprendre ce que provoquent les incendies en matière d’émanation mais aussi comment font les pompiers pour les éteindre », insiste Christophe Pezron. Le LCPP travaille sur les incendies de batteries stockées ou ceux qui se propagent dans « un bâtiment en bois ». « Ce n’était pas un sujet avant. La partie recherche et développement est importante car nous devons nous adapter aux nouvelles menaces. »