Cocktails : Les cartes signatures signent-elles la fin du classique mojito ?
Le mojito, roi des terrasses, serait-il en train de tirer sa révérence ? Avec l’explosion des cartes signatures dans les bars à cocktails, la question se pose : ces créations audacieuses signent-elles la fin du célèbre mélange de rhum, menthe et citron vert ?
Pour le Syndicat à Paris et le Paloma à Marseille, l’ère de l’innovation mixologique est en marche, reléguant les classiques au second plan.
La créativité des cartes signatures
Du Cours Julien à Marseille à la rue du Faubourg Saint-Denis à Paris, l’heure est à la créativité. Le Syndicat, pionnier de la scène cocktail parisienne, a frappé fort avec le lancement de sa carte SY2K en mars dernier. « Nous avons voulu réinventer un répertoire cocktail parfois figé, explorer les évolutions du goût des vingt dernières années, et ancrer les spiritueux français dans une culture populaire et accessible », explique Rose-Manon Baux, directrice de la création. Cette carte, imprégnée de l’esthétique des années 2000, invite à un voyage nostalgique au cœur de l’univers Hip Hop, tant par ses saveurs que par son identité visuelle.

Parmi les cocktails phares, le Big Bear revisite l’old fashioned avec un twist au cognac Courvoisier, tandis que le Tropicool joue la carte de la fraîcheur avec un mariage d’armagnac, de Cointreau et de cordial maison.
À Marseille, la carte du Paloma adopte une approche singulière, profondément ancrée dans l’âme du Cours Julien. « Pour cette nouvelle carte, on a voulu célébrer les commerçants du quartier. Chaque cocktail s’est construit de manière unique », confie James, cofondateur du bar. Avec la carte « Marseille à soif », chaque cocktail porte le nom d’un commerçant local, et ses saveurs s’inspirent directement de l’univers de leur boutique.

Le Ziggy ? Un clin d’œil au fleuriste emblématique du quartier, avec des notes florales qui rappellent l’atmosphère parfumée de sa boutique. Le Razzia ? Un hommage à la sandwicherie voisine et à ses racines jurassiennes : « On a voulu intégrer le goût du comté directement dans le cocktail. » Quant au LABC, véritable hommage à une enseigne voisine, il est servi dans les célèbres mugs de celle-ci, renforçant l’immersion et le lien avec le quartier.
Une volonté de transmission pour démocratiser les cocktails signatures
Si les créations signatures explosent, qu’advient-il du mojito ? À Paloma, James insiste sur l’importance de l’échange avec les clients : « À chaque fois que des clients viennent s’asseoir chez nous, on vient directement leur expliquer la carte et le concept. » Une démarche qui rend accessibles des créations parfois audacieuses, tout en conservant la possibilité de servir des classiques : « N’importe quel bar à cocktail doit pouvoir servir des mojitos. On veut avant tout faire plaisir au client. »
Au Syndicat, l’idée est similaire : « Nous avons beaucoup de clients qui arrivent et demandent des classiques comme le mojito, mais notre objectif est de leur faire découvrir autre chose, de les initier à des saveurs qu’ils n’auraient peut-être jamais osé goûter », confie Rose-Manon. Pour elle, il s’agit de déplacer les habitudes de consommation : « On veut démocratiser les spiritueux français tout en bousculant les codes classiques ». Dans les deux établissements, l’accompagnement du client devient essentiel, transformant le simple verre en une véritable expérience.
L’expérience au cœur de la dégustation
Si les cocktails signatures séduisent de plus en plus, c’est parce qu’ils s’inscrivent dans une démarche plus large : celle de l’expérience. Au Syndicat comme au Paloma, l’objectif ne se limite pas à servir un verre, mais bien à plonger le client dans un univers. « Un cocktail signature, ce n’est pas seulement un assemblage de saveurs, c’est une histoire qu’on raconte au client. » explique Rose-Manon. Cette philosophie se traduit par un souci du détail : une sélection de spiritueux français d’excellence, des produits de saison, des pochettes de disques habillent les cocktails du menu SY2K.

Inspiré des compilations CD de 1995-2005, le coffret dévoile huit pochettes originales
revisitant des images emblématiques de cette époque. - Espérance Baux
À Marseille, Marine et James ont voulu faire de Paloma un lieu à part, un bar à cocktails qui redéfinit l’expérience de consommation. « Quand on a créé Paloma, l’idée était de renforcer l’offre cocktail à Marseille, mais avec une vraie attention portée aux produits locaux et de saison », raconte James. Derrière le comptoir, chaque boisson est travaillée avec soin pour atteindre un équilibre parfait des saveurs.
Une nouvelle ère pour la mixologie ?
L’essor des cartes signatures marque-t-il le début d’une nouvelle ère pour les bars à cocktails ? Pour Le Syndicat et Paloma, l’innovation ne se résume pas à la création : elle passe par l’expérience, la transmission et l’ancrage territorial. Si le mojito conserve son aura de classique, il semble désormais dépassé par ces créations audacieuses, témoins d’une évolution plus profonde dans notre façon de boire. La révolution cocktail est en marche.