France

Cocaïne, ecstasy : « Dans les zones rurales, on ne trouve pas que de l’herbe »

En 2024, les gendarmes ont saisi 6,6 tonnes de cocaïne, contre 700 kg en 2022. Le nombre de cachets d’ecstasy saisis a atteint 2 millions en 2024, après 4.000 en 2023.


Dix fois plus de cocaïne saisie en deux ans. D’après les derniers chiffres disponibles, les gendarmes ont intercepté en 2024 6,6 tonnes de cocaïne, contre 700 kg en 2022. Les forces de gendarmerie ont également saisi l’année dernière 2 millions de cachets d’ecstasy, un chiffre en hausse par rapport aux 4.000 de 2023.

« Il y a une expansion du trafic qui touchait, il y a plusieurs années, un peu plus les centres urbains », souligne à 20 Minutes la colonelle Marie-Laure Pezant, porte-parole de la gendarmerie. Les trafiquants ont réorganisé leurs méthodes pour « toucher plus de monde », notamment en livrant les consommateurs dans des zones rurales. « Parallèlement, il y a eu une baisse du prix de la cocaïne, devenue une drogue plus accessible. Elle a une image un peu festive », poursuit Marie-Laure Pezant. Face à cette situation, la gendarmerie renforce ses actions.

Peut-on parler d’explosion de saisies de cocaïne en zone gendarmerie ?

La gendarmerie a enregistré des saisies record de cocaïne l’année dernière. Cependant, l’augmentation des saisies se constate depuis plusieurs années : environ une tonne en 2020, 700 kg en 2022, 5 tonnes en 2023 et 6,6 tonnes en 2024.

Cette hausse s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, la lutte contre le trafic de stupéfiants est devenue une priorité nationale. De plus, l’activité des services de gendarmerie a augmenté. Les gendarmes sont plus présents sur les routes et saisissent fréquemment des stupéfiants lors de contrôles. De nombreuses opérations en mer ont également été mises en place, car la drogue n’arrive pas uniquement par containers, mais aussi via des bateaux de plaisance discrets.

En 2024, plusieurs découvertes de ballots de cocaïne sur les plages, notamment dans la Manche, ont contribué à cette augmentation des saisies. Deux tonnes ont également été retrouvées au port du Havre.

Cela veut-il dire que les zones rurales sont beaucoup plus touchées qu’auparavant ?

Le trafic a évolué, touchant davantage les petites villes des zones rurales, une tendance qui s’est intensifiée au cours de la dernière décennie. Cette amplification a été favorisée par la crise du Covid, entraînant des changements dans les modes d’action des trafiquants. C’est à cette époque que sont apparus les systèmes de livraison de drogue.

En livrant la drogue, les trafiquants ont pu élargir leur clientèle et approvisionner des zones auparavant moins touchées. Auparavant, les consommateurs devaient se rendre sur un point de deal, ce qui pouvait les dissuader. Aujourd’hui, les dealers se déplacent vers eux. Les commandes peuvent être passées en ligne via le dark web ou les réseaux sociaux.

Certaines villes ou métropoles connaissent davantage de concurrence entre les groupes de trafiquants, incitant certains à s’établir dans des zones rurales moins peuplées pour éviter d’attirer l’attention. En parallèle, le prix de la cocaïne a chuté, la rendant plus accessible. Son image étant quelque peu festive, certains professionnels de métiers difficiles pourraient y recourir pour se donner de l’énergie.

Le nombre de cachets d’ecstasy saisis a aussi beaucoup augmenté. Comment l’expliquer ?

Les chiffres sont très variables. En 2020, près de 70.000 cachets ont été découverts, mais ce chiffre est tombé à 11.000 en 2021, 7.000 en 2022 et 4.000 en 2023. En 2024, cependant, ce nombre a atteint 2 millions, principalement grâce à une opération de la SR de Grenoble qui a saisi 500 kg de cachets.

Le cannabis, avec 7,8 tonnes saisies en 2024, reste la principale drogue consommée en zone gendarmerie…

Aujourd’hui, on trouve un large éventail de drogues partout. Le cannabis, en particulier, est profondément enraciné dans les zones rurales. On observe parfois des individus fumant au vu de tous dans les rues. Dans certaines campagnes, il est cultivé pour une consommation personnelle, mais on découvre aussi de plus en plus de cultures indoor destinées à de petits trafics. Les cultivateurs vendent souvent un peu de produit pour financer leur propre consommation.

Cependant, il existe également des trafics plus structurés, utilisant des hangars équipés contenant des centaines de pieds de cannabis. Ces espaces isolés dans les zones rurales servent de hubs logistiques pour le trafic, rendant leur surveillance plus difficile pour les forces de l’ordre.

Comment la gendarmerie fait-elle face ?

Un volet préventif est jugé essentiel. Il est crucial d’informer les jeunes, notamment au collège, des risques liés à la consommation ou au trafic de drogues, tant sur le plan de la santé que sur le plan légal. L’objectif est de retarder au maximum la première consommation.

Par ailleurs, la gendarmerie accentue sa présence sur le terrain et déploie des patrouilles en fonction des informations obtenues. Des enquêtes sont également menées pour identifier les réseaux et comprendre leurs méthodes. Cela leur permet d’adapter leur lutte en fonction des pratiques des trafiquants. Les gendarmes réalisent à la fois des surveillances physiques et des investigations financières, en pénétrant également le monde numérique avec 10.000 enquêteurs formés, dans le but d’atteindre les têtes de réseaux.