Chute de Bachar Al-Assad : Cette photo montre que Mélenchon est proche du dictateur syrien déchu ? Non, pas du tout
Edit : Cet article a été publié avant les élections européennes de juin 2024
C’est la photo qui n’arrête pas de surgir dans les mentions des Insoumis. Lorsque Manon Aubry s’indigne de l’interview de Benyamin Netanhayou sur LCI, un internaute lui répond en postant cette image de Jean-Luc Mélenchon marchant aux côtés de Bachar Al-Assad. D’autres internautes la postent en réponse aux tweets de Rima Hassan, militante pour la Palestine et septième sur la liste de LFI aux élections européennes.
Une manière pour eux de dénoncer une supposée proximité entre le leader insoumis et le dictateur syrien.
FAKE OFF
Bien loin de démontrer une quelconque proximité ou sympathie entre les deux hommes, cette photo illustre une obligation protocolaire que Jean-Luc Mélenchon a dû accomplir en 2001. Alors qu’il était ministre délégué chargé de l’Enseignement professionnel dans le gouvernement de cohabitation de Lionel Jospin, Jean-Luc Mélenchon avait accompagné Bachar Al-Assad à l’aéroport d’Orly, le 27 juin 2001, à la fin de la visite d’Etat du président syrien en France, indique à 20 Minutes Ammar Abd Rabbo, le photographe qui a pris cette image. Au moment où les deux hommes sont photographiés, ils sont en train de passer en revue des soldats de la Garde républicaine.
Jean-Luc Mélenchon remplissait là une obligation en tant que membre du gouvernement, il n’était pas à l’origine de cette visite du dictateur syrien en France. C’est d’ailleurs ce que confirmait en 2012 au Parisien Arnauld Champremier-Trigano, alors responsable de la communication de Jean-Luc Mélenchon : « Matignon l’a appelé [Jean-Luc Mélenchon] à la dernière minute, pour lui demander de se rendre à Orly. Mais hormis à la descente de l’avion, Jean-Luc Mélenchon n’a pas rencontré [Bachar Al-Assad]. Il n’a pas dîné avec lui et il n’y a pas eu de réunion sur les questions éducatives. Les rendez-vous étaient prévus avec Jacques Chirac, Lionel Jospin ainsi que Raymond Forni, le président de l’Assemblée de l’époque. »
Une visite officielle qui avait été décriée
A l’époque, cette visite officielle avait été décriée. Des manifestations avaient eu lieu et une réception officielle avait été perturbée, rappelait France 2.
En 2001, ce sont plutôt ces éléments que les médias et le grand public avaient mis en avant, et non l’image de Jean-Luc Mélenchon aux côtés de Bachar Al-Assad. « Ce que les magazines avaient retenu à l’époque, c’était la visite d’Etat, la visite à la Mairie de Paris [qui avait été perturbée] et l’une des premières apparitions officielles de Asma Al-Assad, la jeune épouse de Bachar Al-Assad », se souvient Ammar Abd Rabbo.
La photo fait parler d’elle onze ans plus tard
Ce n’est que onze ans plus tard, en 2012, alors que Jean-Luc Mélenchon est candidat à la présidentielle pour le Front de gauche, que cette photo avec le président syrien fait parler d’elle. Ammar Abd Rabbo la poste sur son compte Twitter (depuis devenu X) le 17 avril, à quatre jours du premier tour, avec cette légende : « il y a des photos que l’on voudrait vraiment oublier. »
« Je l’avais ressortie car Jean-Luc Mélenchon se présentait comme hors du système, confie Ammar Abd Rabbo. Cela m’amusait de montrer que c’est un politicien. » Rapidement, Twitter s’emballe et la photo devient virale. Le photographe est visé par des insultes. « On m’a dit que c’était une opération télécommandée par Hollande [alors lui aussi candidat à la présidentielle] ou que je faisais partie d’un cabinet noir ! »
Une plainte de Jean-Luc Mélenchon
A la veille du premier tour de l’élection présidentielle, à quelques heures de la fin de la campagne officielle, le cliché se retrouve dans les colonnes du quotidien Métro pour illustrer un article sur le candidat Mélenchon. Dans la légende, le contexte n’est pas rappelé, suscitant la colère dans le camp du candidat, qui annonce vouloir porter plainte contre le journal.
Douze ans plus tard, et vingt-trois ans après avoir été prise, cette photo continue, telle un chewing-gum numérique, à coller au leader de LFI et à ses proches, brandie par des opposants qui ne s’embarrassent pas toujours de donner son contexte.