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Changement climatique : Le Giec conclut son rapport titanesque par un nouvel appel à agir… et vite

C’est un nouveau pavé que publie ce lundi le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Comptez 10.000 pages cette fois-ci, synthétisées comme chaque rapport de l’organe scientifique d’un résumé pour décideurs de 37 pages, négocié au mot près puis signé par 195 Etats membres réunis toute la semaine dernière à Interlaken, en Suisse.

Difficile de faire plus concis, tant la tâche est titanesque. Ce nouveau rapport est à voir comme le point final du sixième cycle d’évaluation entrepris par le Giec depuis sa création en 1988. Un travail que le groupe d’experts ne réalise que tous les six ou sept ans et qui est à voir comme la grande mise à jour des connaissances scientifiques mondiales sur le changement climatique.

Responsabilité sans équivoque de l’homme

En août 2021, le groupe I du Giec avait déjà dégainé un premier rapport dans le cadre de cette sixième évolution. Il se penchait alors sur la physique du changement climatique et dressait le constat d’une crise climatique qui s’aggrave partout et à des niveaux sans précédents. En février 2022 le groupe II prenait le relais avec un rapport sur « l’adaptation », soit les impacts déjà réels et à venir du changement climatique et les façons de s’y préparer. Un mois plus tard, le groupe III publiait à son tour sa partie, cette fois-ci consacrée à l’atténuation, soit les solutions à mettre en œuvre pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

Ce nouveau rapport publié ce lundi est la synthèse de ces trois premiers chapitres*, dont elle reprend alors un à un les grands enseignements. Avec une certitude rappelée d’emblée : « Les activités humaines, principalement par les émissions de gaz à effet de serre qu’elles émettent, ont sans équivoque provoqué le réchauffement climatique ». Plus d’un siècle de combustions d’énergies fossiles et d’utilisation non durable des terres a entraîné un réchauffement climatique de 1,1°C en moyenne par rapport à la période préindustrielle (1850-1900), cadre le Giec. De la même façon, le niveau des mers est monté de 20 cm depuis 1901, la superficie de la banquise arctique n’a jamais été aussi réduite depuis 1850…

« Entre 3,3 et 3,6 milliards déjà très vulnérables »

« Entre 3,3 et 3,6 milliards de personnes vivent d’ores et déjà dans des régions très vulnérables », redit le rapport. Ils sont exposés à l’insécurité alimentaire, les pénuries d’eau, mais aussi des évènements extrêmes, liés au changement climatique, qui engendre de la mortalité, des maladies, des déplacements de populations. Les humains ne sont pas les seuls impactés. Si le changement climatique n’est pas (encore) la première cause d’érosion de la biodiversité, le GIEC évoque tout de même « des centaines de pertes locales d’espèces causées par des épisodes de chaleurs extrêmes » déjà constatées, de même que « des épisodes de mortalités intenses ». Surtout, certains de ces impacts approchent de l’irréversibilité. Le Giec cite le recul des glaciers dans les écosystèmes de montagne ou encore le dégel du pergélisol (sol perpétuellement gelé) et ses conséquences sur l’Arctique.

D’où l’impératif de se préoccuper d’adaptation aux conséquences déjà réelles du changement climatique, un enjeu de la crise climatique jusque-là passé au second plan par les Etats. Certes, le Giec note des progrès en la matière « La sensibilisation croissante aux impacts climatiques ont conduit au moins 170 pays et de nombreuses villes à inclure l’adaptation dans leurs politiques climatiques ». Pas de quoi pour autant crier victoire.  « La plupart des réponses d’adaptation observées sont fragmentées, progressives […] et inégalement réparties entre les régions », ajoute tout de suite le Giec qui liste un grand nombre de freins encore : des ressources limitées, un manque de financement, une trop faible conscience encore de l’urgence de la situation… Plus inquiétant, le Giec signale déjà des cas de « mal-adaptations » dans divers secteurs et régions et craint même qu’ils augmentent à l’avenir.

« Il existe de multiples options »

Cet appel à se mettre au niveau de l’urgence de la crise climatique ne vaut pas seulement pour l’adaptation. Le Giec le réitère aussi sur le volet atténuation, soit tout ce qui est fait pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, principal moteur de la crise climatique. Là encore, le groupe d’experts note des lois et politiques bien plus nombreuses qu’en 2014, date de son dernier grand rapport d’évaluation. Mais là encore, il ajoute dans la foulée qu’on est encore loin d’être à la bonne échelle. La preuve : les émissions de GES continuent de croître « quand il faudrait les réduire de près de la moitié d’ici 2030 pour espérer limiter le réchauffement climatique à +1,5°C », indique le rapport.

Les contributions nationales déterminées, ces plans d’actions pour réduire leurs émissions que chaque pays devait réviser à la hausse et soumettre aux Nations unies, ne permettront pas plus de rester sur cette trajectoire. Le Giec dit en tout cas « probable » que le réchauffement climatique excède les +1,5° C au cours de ce siècle » et « qu’il sera dur de rester sous les 2°C ».

Efficacité énergétique, énergies renouvelables, réduction du gaspillage alimentaire, meilleure gestion des forêts, cultures et prairies… « Il existe de multiples façons, réalistes et efficaces, de réduire les émissions de GES et s’adapter aux impacts inévitables du changement climatique, martèle ce rapport de synthèse. Et elles sont accessibles dès à présent, insiste le Giec, en soulignant par exemple que les coûts de production de l’énergie solaire (85 %) et éolienne (55 %) ont drastiquement chuté entre 2010 et 2019.

Le Giec souligne deux raisons de s’y mettre sans attendre. D’une part, « des réductions durables des émissions de GES conduiraient à un ralentissement perceptible du réchauffement dans les deux décennies », assure le Giec. D’autre part, mettre le paquet sur ces politiques d’atténuation et d’adaptation aura de nombreux co-bénéfices. Sur l’emploi, la qualité de l’air, la santé humaine et celle-ci aussi de nos écosystèmes.