C’est quoi une bonne musique de générique de série ?
Le Festival de la Fiction se tient du 16 au 21 septembre à La Rochelle. Il a été observé que de nombreuses séries n’ont plus de générique de début, notamment sur les plateformes.

Des douze secondes captivantes de Lost à la réinterprétation du tube de 1964 de Jacques Dutronc dans Fais pas ci, fais pas ça, en passant par la bande-son épique de Game of Thrones, chacun de nous peut chanter un générique de série. À l’occasion du Festival de la Fiction, qui se déroule du 16 au 21 septembre à La Rochelle, 20 Minutes s’interroge sur les caractéristiques d’une bonne musique de générique. Zoom sur cette signature sonore inconfondable.
Une « sirène » pour capter l’attention du public
« Avant, on appelait ça “la sirène”. C’était amusant et révélateur. Un bon générique, c’est véritablement une excellente fusion entre musique et images, suscitant l’envie immédiate chez les amateurs de la série de s’y replonger », déclare Eric Neveux, compositeur de la musique de L’Affaire Laura Stern.
« Cela me plonge directement dans l’univers de la série. C’est le moment où l’on s’installe avec une tablette de chocolat et un plaid. Le générique permet de s’immerger dans cet univers », affirme Audrey Ismaël, compositrice de la bande originale de Désenchantées et Belphégor.
Un résumé de « l’ADN de la série »
Les rôles du générique sont multiples : capter l’attention du public, instaurer une ambiance et définir le ton de la série (drame, comédie, suspense, etc.). « Un bon générique n’est pas forcément très proche de la musique de la série. Il n’est pas nécessaire d’être totalement similaire sur le plan stylistique, mais il doit, selon moi, correspondre à l’esthétique fondamentale de la série », précise Eric Neveux.
« Les génériques de Succession ou de The White Lotus en sont de bons exemples. Ils renferment pleinement l’ADN de la série et sa couleur musicale. On ne peut pas utiliser de la musique trop expressive pendant la série à cause des dialogues. Ce passage annonce la série, ses personnages et son atmosphère. C’est une manière de décliner l’identité intégrale de la série », explique Audrey Ismaël.
Un bon générique « se sifflote sous la douche »
Pour fidéliser le public, le générique doit être facilement mémorisable. « Il doit pouvoir se siffloter sous la douche. Avec très peu d’éléments, tout un univers doit émerger. Le générique de The White Lotus est remarquable car il établit toute l’atmosphère de la série en une minute », analyse Julie Roué, compositrice de Pécheresses.
Quentin Boniface, fondateur de Grande Ourse, une agence de compositeurs de musique à l’image, partage le même avis : « C’est un marqueur extrêmement fort ! On doit pouvoir entendre ce son dans la cuisine et le reconnaître immédiatement. En réalité, le générique se rapproche un peu de la musique publicitaire. En très peu de temps, il faut faire passer une foule d’émotions, une couleur, un peu comme l’ADN d’une marque. »
Le titre « emblématique de la série »
Bien qu’il arrive parfois que la musique d’un générique soit un tube existant, de nombreux génériques sont composés par les compositeurs de la bande originale de la série. « En France, dans la majorité des cas, c’est le compositeur ou la compositrice de la série qui réalise le générique. Aux États-Unis, le générique est distinct du reste de la musique, car un budget spécifique y est affecté », indique Quentin Boniface.
« Lorsque j’ai composé la musique d’Un village français, nous n’avions pas prévu de générique. Puis, j’ai réécouté un thème que j’avais créé pour une scène. En l’entendant, j’ai pensé : “ce thème, c’est Un village français”. Le réalisateur et le producteur étaient d’accord. Cela est devenu le générique, qui est devenu le morceau un peu emblématique de la série », se remémore Éric Neveux.
Le morceau « sur lequel tout le monde flippe »
Julie Roué est à l’origine du générique de la série Zorro avec Jean Dujardin, disponible sur Paramount+. « Comme cette série évoque une certaine nostalgie, le showrunner voulait un générique. J’ai proposé une chanson et il a directement dit : “ok”. Il y a peut-être trois mots qui ont changé dans les paroles. C’est un gros coup de chance », raconte-t-elle.
Il en va de même pour la chanson qui sert de générique à la série OCS HP. « J’ai fait écouter aux réalisatrices des chansons que j’avais écrites, car j’écris aussi des chansons », révèle celle qui, en plus d’interpréter les chansons des génériques qu’elle compose, vient de sortir un premier EP d’électropop intitulé Vague sous le nom de Jo Vague. Les créatrices de HP repèrent une chanson qui « ferait un bon générique ». La production n’est pas convaincue par cette musique jugée « trop féminine ». Les réalisatrices décident d’inclure la chanson au montage. « Personne n’a jamais trouvé mieux. Le générique est resté », confie Julie Roué. Elle ajoute : « Le générique, c’est quelque chose qui inquiète tout le monde, mais une fois que le public l’adopte, cela ne devient plus un sujet. »
Des séries « sans générique de début »
Le générique est aussi en voie de disparition. « De plus en plus de plateformes offrent la possibilité de passer cette introduction, ce qui m’irrite, en tant que passionnée de séries », souligne Julie Roué. « Les boutons skip sur les plateformes de replay sont problématiques », acquiesce Audrey Ismaël. « De nombreuses séries n’ont plus de générique d’introduction, notamment sur les plateformes », observe également Quentin Boniface.
Les génériques se résument désormais à de « simples virgules de 10-15 secondes », remarque Audrey Ismaël. Un carton avec le titre de la série, quelques notes, et place à l’action ! « Ces génériques très courts ont été expérimentés avant l’avènement des plateformes », tempère Éric Neveux. « Le générique de Lost était un son, comme un coup de gong qui disait : “c’est parti”. »
Assiste-t-on à la fin des génériques ? Pas si sûr. « Ce sont des modes. La tendance est aux génériques courts. Mais les génériques sont utiles pour la promotion », juge Eric Neveux. Et Audrey Ismaël d’ajouter : « J’ai l’impression qu’il y a un retour des génériques. Dans Désenchantées, présentée à La Rochelle, nous avons un vrai générique de 45 secondes. » Elle conclut : « Une série emblématique a nécessairement un générique ! »

