FranceSport

« C’est la folie qui parle », Rayan Cherki signe une roulette d’anthologie

Au Parc OL,

Ce n’est quand même pas commun de voir un joueur célébrer seul, d’une glissade sur les genoux… sa frappe à bout portant repoussée le gardien adverse. Mais depuis sa première apparition professionnelle au Parc OL, à tout juste 16 ans, il n’y a pas grand-chose de commun dans le parcours de Rayan Cherki. Figure de proue depuis très longtemps de la fameuse académie lyonnaise, le prometteur milieu offensif a livré vendredi contre l’AS Monaco (3-1) l’illustration ultime de la schyzophrénie qu’il provoque de partout. Coéquipiers, entraîneurs, supporteurs ou journalistes sont tous bien embarrassés au moment de juger les performances du milieu offensif, qui fêtera ses 20 ans dans trois mois.

Exaspérant par les fioritures de son jeu qu’il peine tant à gommer et par son criant manque d’efficacité, comme sur son wagon d’occas’ encore gâchées vendredi (9e, 20e, 65e), l’international Espoirs a fait se lever vendredi plus de 50.000 spectateurs, à la 57e minute de jeu, avec LE geste de la soirée, de la semaine, voire de la saison en Ligue 1. Servi par son pote Maxence Caqueret en pleine surface, Rayan Cherki enrhume d’abord Caio Henrique sur sa prise de balle. Puis il martyrise Chrislain Matsima avec une roulette effectuée à 3.000 à l’heure, le tout avec une facilité déconcertante. « Dans la surface, c’est un autre Rayan qui parle, je n’arriverai pas à l’expliquer », commente spontanément l’intéressé lorsqu’on lui demande de raconter son coup de génie après la rencontre.

« Pas tous les jours qu’on fait des roulettes »

Ah oui, on oublierait presque de vous préciser que le jeune Lyonnais a ensuite buté sur Alexander Nübel, avant de voir avec soulagement son partenaire Maxence Caqueret conclure (2-1, 57e). « Le coach m’a dit « Tu es bête ! Sur celle-là, tu es censé mettre le but de l’année », s’est amusé Rayan Cherki au micro de Prime Video. Il n’a pas tort. Il est très dur, très exigeant avec moi. C’est pour mon bien, on a une relation que je n’ai jamais eue avec un autre coach. C’est ce qui m’apporte le plus de bonheur et d’envie de tout donner à l’équipe. »

Cette envie ne se voit pas tout le temps, particulièrement sur les transitions défensives, le jeu sans ballon, et des excès d’individualisme persistants. Mais sa créativité apporte une joie contagieuse au stade. « Il a des qualités de dribble extraordinaires. Il peut déclencher à n’importe quel moment une action de folie », souligne Maxence Caqueret, qui connaît tellement par cœur le loustic qu’il a anticipé la parade de Nübel sur le coup. Finalement, comment le natif de Lyon a-t-il pu croquer ce qui semblait être la partie la plus facile dans cette action ?

Arrivé au dernier geste, j’ai douté entre trois choix : le piqué, le pointu, le côté, résume Rayan Cherki sur Prime Video. Au final j’ai fait les trois et ça n’a pas marché. Ce n’est pas tous les jours qu’on fait des roulettes sur un défenseur qui tacle, donc ça fait plaisir, même si j’aurais aimé marquer. Mais je suis content pour mon ami Maxence. »

« Il faut être tolérant avec lui »

A un duel maîtrisé avec sang froid près, il voyait sa quasi masterclass entrer dans la catégorie des buts d’exception de notre Ligue 1, au même titre que le chef-d’œuvre d’un ancien protégé de Laurent Blanc, Yoann Gourcuff, en janvier 2009 contre le PSG (4-0). « C’est ce style de joueurs qui peuvent faire des roulettes, note l’ex-coach des Girondins. Il y en avait aussi un avec la lettre Z qui en faisait beaucoup ». Lolo White oserait-il déjà comparer l’aisance technique de son jeune talent brut à l’efficacité d’un Zinédine Zidane ? Depuis sa prise de fonction il y a sept mois, il gère en tout cas Rayan Cherki entre chambrage et soutien infaillible en public. « Un joueur de talent ne peut pas tout réussir, rappelle-t-il. Il faut être tolérant avec lui car il peut te faire gagner des matchs, en espérant qu’il t’en fasse plus gagner que perdre. »

Dans les mauvais soirs de Rayan Cherki, la question peut légitimement se poser. Mais vendredi, mis en confiance par son dribble mémorable sur Chrislain Matsima, il a ensuite brillamment conclu une autre action déroutante. Une transversale parfaite d’Alexandre Lacazette, et le meneur de jeu s’infiltre depuis le côté droit dans un pur numéro d’ambidextre face à un Caio Henrique encore en apnée (3-1, 78e). Cette fois, la maîtrise totale avec sa patte gauche (son « mauvais pied » supposé) n’est pas sans rappeler un festival de Nabil Fekir à Caen (0-4) en août 2015, six jours avant sa grave blessure au genou. « Je pourrais vous dire que c’est mon secret, sourit Rayan Cherki sur Prime Video. Mais en réalité il n’y a pas grand-chose à dire. C’est l’instinct qui prend le dessus dans la surface. C’est dur à défendre, parce que même moi, je ne sais pas où je vais aller ! Au final, c’est la folie qui parle. »

100 matchs pros avec l’OL, « une immense fierté »

Et côté folie, le garçon a prouvé comme jamais vendredi qu’il n’en manquait pas. Reste à la canaliser pour la rendre en phase avec les exigences du monde professionnel. « Les gens me mettent souvent une étiquette du mec qui n’a aucune exigence alors que je suis tout aussi exigeant avec moi-même que ne l’est le coach », glisse à ce propos, sur un ton plus sérieux, le joueur franco-algérien, qui fêtait un drôle d’anniversaire à l’occasion de cet OL-ASM. Il s’agissait en effet de son 100e match professionnel (14 buts et 15 passes décisives au total) sous le maillot de l’OL.

C’est une immense fierté. Quand tu es gamin, tu ne te dis jamais que tu vas faire 100 matchs dans ton club formateur, dans le club de ta ville, que tu allais voir jouer petit. C’est passé très vite. Quand je regarde derrière moi, je me dis que j’ai parcouru un bon petit chemin ici. J’aimerais encore apporter énormément de choses au club. »

Son contrat jusqu’en juin 2025 à Lyon, celui qui a fini le match « carbo » vendredi semble déterminé à grandir encore à l’OL, aux côtés de son ami au rôle de mentor Alexandre Lacazette (32 ans le 28 mai). « Alex apporte au groupe de la sérénité, estime Rayan Cherki. Mais pour ma part, je ne pense pas qu’il puisse m’aider là-dessus parce que je suis quelqu’un d’assez serein. » On l’avoue, ce n’est pas le premier qualificatif qu’on aurait attribué au phénomène.