« C’est fatigant de se battre pour exister »… Agnès, 25 ans, raconte son combat contre l’homophobie

«C’est fatigant de se battre pour exister ». Agnès* a 25 ans et vit à Lyon. Elle a grandi dans une famille nombreuse, bourgeoise et très catholique. Un milieu « très homophobe », résume-t-elle. « J’ai fait la manif pour tous », ajoute-t-elle pour illustrer son propos. C’est dans ce climat qu’elle est tombée amoureuse d’une femme pour la première fois quand elle avait 18/19 ans, puis, une deuxième fois, quelques années plus tard. « Je me souviens m’être dit “mince, je n’ai vraiment pas le choix en fait, je suis vraiment lesbienne” », lance-t-elle, aujourd’hui, « fière ».
Ce moment marque un tournant important dans la vie d’Agnès : c’est le début des violences homophobes au quotidien. Et les premières qu’elle a reçues sont venues… d’elle-même. « Etant croyante, j’ai dû gérer cet aspect de ma vie avec la religion en plus de devoir me libérer de toute mon éducation et ma culture familiale. J’ai dû me battre contre moi-même, contre les croyances et les jugements que j’avais intégrés depuis mon enfance. Comme le fait que les personnes homosexuelles allaient en enfer. Mon début de vie d’adulte a été… très dur », se souvient-elle, marquant une pause dans son récit.
« Ce que je craignais le plus, c’était le rejet »
Agnès a ensuite décidé d’en parler à ses parents. « Ce que je craignais le plus, c’était le rejet », se remémore-t-elle, précisant que dans sa famille, l’homosexualité était considérée comme « une abomination ». Même si ses parents ne l’ont pas reniée, elle classe son coming-out dans « le top 3 des pires jours de [sa] vie ».
« « Qu’est-ce qu’on a fait pour mériter ça ? », « je ne serai jamais fier de toi », « c’est une abomination » ont été les premières réactions de ma mère et de mon père, confie-t-elle, un léger tremblement dans la voix. Le lendemain, ils m’ont proposé une thérapie de conversion. J’ai eu l’impression que ça aurait été moins grave de dire que j’allais mourir que j’aimais une femme. »
Sans avoir été diagnostiquée, elle estime qu’à la suite de cette annonce, elle est tombée en dépression. « C’était il y a trois ans et aujourd’hui, je sais qu’ils ont avancé dans l’acceptation, indique-t-elle. Mais je ne les considère plus comme mes parents. D’après moi, ils n’ont pas rempli leur rôle. Ils ne m’ont pas soutenue ou protégée lorsque j’en avais le plus besoin. »
Faire de la pédagogie pour « changer le regard » des gens
Au-delà de ses parents, elle a dû faire face aux propos violents d’amis d’enfance, qui ont, eux aussi, de l’homophobie « intériorisée » et « décomplexée ». « C’était très dur. J’ai perdu des gens que je pensais proches. » Elle a dû faire face à des remarques comme « tu n’es pas sur le bon chemin » ou « je ne pense pas que ce soit la volonté de Dieu ».
A chaque fois, elle passe son temps à « faire de la pédagogie » ou à devoir « se justifier ». « C’est parfois utile pour changer le regard des gens, qui découvraient clairement ce que c’était d’être non-hétéro pour la première fois de leur vie. Je suis persuadée que la connaissance amène à moins de bêtises. Mais ça a été vraiment violent », conclut-elle.
« Dans un combat pour être considérée comme normale »
Être lesbienne touche également le milieu professionnel d’Agnès. Evoluant dans le milieu viticole, elle a quitté un CDI après des remarques homophobes incessantes de collègues. « Quand j’ai signalé ces agissements à la hiérarchie, le patron a ri. Comment évoluer dans un environnement comme celui-là ? »
Malgré tout, Agnès a décidé de ne plus cacher qui elle est. « Mais cette visibilité m’expose à des insultes, observe-t-elle. Être lesbienne dans l’espace public, c’est avoir des propositions sexuelles explicites quand ce ne sont pas des « sale gouine » dans le métro. »
Après avoir énuméré toutes ces violences, elle reprend : « En fait, c’est fatigant de se battre pour exister. Les amis, la famille, le travail, dans l’espace public… On est constamment en train de lutter pour être considérée comme une personne normale. » Elle souligne par ailleurs la violence des propos qu’elle reçoit et qu’elle a déjà reçus : « Les paroles peuvent avoir un impact très fort pour les personnes qui les reçoivent. Ça nous marque. »
L’importance de témoigner pour faire changer les choses
A travers son témoignage, Agnès insiste pour rappeler que « les LGBTIphobies n’appartiennent pas au passé ». « C’est présent dans ma vie en 2025 et dans celles de tellement de personnes », affirme-t-elle. Elle pousse d’ailleurs les personnes LGBT+ victimes de violences à partager leur histoire. « Si on ne témoigne pas, si on ne raconte pas ce que l’on vit, les politiques et le reste de la société continueront à ignorer la réalité de l’homophobie », insiste-t-elle.
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Avant de rappeler : « Ce n’est pas qui on aime qui n’est « pas normal », c’est ce qu’on subit au quotidien. » Elle espère un jour pouvoir vivre sans se sentir en lutte constante pour son existence, qu’elle soit dans la rue, au travail ou en famille. Mais pour cela, elle sait qu’il faudra encore beaucoup de temps. « La seule chose que je demande aujourd’hui c’est d’être respectée, tout simplement », conclut-elle.
*Le prénom a été modifié à la demande de la personne interviewée.