César 2025 : « T’as JAMAIS maté Star Wars ? ! ? »… Ces relous qui hallucinent quand on n’a pas vu un film « culte »

Le fan de running qui débarque lundi au bureau avec son tee-shirt « finisher » arraché la veille au marathon d’on-ne-sait-où. Celui ou celle qui va vivre son concert à travers l’écran de son smartphone, ou encore ceux qui disent « Noyeux Joël »… L’idée de départ est simple : s’intéresser à ces petits gestes qui nous titillent au quotidien. A ce « sentiment de toute-puissance qui nous fait dire “si je ne le fais pas, l’autre le fera, donc autant le faire moi” », comme le décrit le psychologue Robert Zuili, auteur du Pouvoir des liens (éd. Mango, sept. 2023).
En pleine saison des César et des Oscars, on part en territoire relou pour se faire un ciné. Ou plutôt NE PAS s’en faire un, puisqu’on parle de celle et ceux qui sautent au plafond quand on leur dit que non, on n’a jamais vu Le Parrain ou tout autre film « culte ».
Le fait relou
Il est 12h54, au self inter-entreprises. Par ce froid mardi de février, ils sont peu à avoir bravé la pluie pour aller chercher leur déjeuner de l’autre côté du boulevard. Au self, finalement, c’est plutôt bon, pas cher, et il fait chaud. Il y a la queue pour le saucisse-purée.
Un attroupement qui fait dire à votre collègue Sylvain : « on dirait le réfectoire de Poudlard dans Harry Potter ». Ce à quoi Julie répond : « Ah, je n’ai jamais maté Harry Potter ». La scène suivante est alors digne de l’univers du petit sorcier : le ciel s’ouvre au-dessus de Sylvain, déchiré par de violents éclairs. Devenu violet, il lâche son plateau de rage (adieu, flan coco). Puis fixe Julie et lâche d’une voix aussi froide qu’un Détraqueur : « Tu n’as JAMAIS vu HARRY POTTER ? ». Il est 12h56, un monde s’écroule en direct.
Ce type de « scandale », Brune connaît bien. « Le nombre de fois où on a failli me sauter à la gorge quand j’annonce que je n’ai jamais vu un seul épisode de Star Wars, raconte cette sympathique mère de famille. « Hein ? Quoi ? Mais comment c’est possible ? Mais c’est quoi ta culture ? Dans quel monde tu vis ? Tu viens de Corée du Nord ? » », énumère-t-elle avec fatalité.
Pourquoi c’est méga relou ?
Parce que c’est légèrement disproportionné. Julie a-t-elle volé les tickets Kadéos de Sylvain pour Noël ? A-t-elle envoyé un mail à toute l’entreprise pour se plaindre de sa mauvaise haleine ? Non. Sa seule « faute », c’est de ne pas avoir vu la saga Harry Potter. « Je m’en fout de savoir que c’est culte, reprend Brune. C’est culte pour toi peut-être, mais pas pour moi, et c’est O.K. Il ne devrait y avoir aucune pression à avoir tout vu, tout lu, tout écouté ».
Le coup de gueule continue : « C’est insupportable d’avoir l’impression d’être une sous-catégorie d’humain car on n’a jamais vu Retour vers le Futur ou qu’on déteste les films de Christopher Nolan ». Prends ça, Hollywood. Ajoutons que ces remarques reloues sont reproductibles à l’infini. Illustration : « T’as pas vu Indiana Jones ? ». « T’as pas vu Les dents de la mer ? ». « T’as pas vu La Momie : La Tombe de l’empereur Dragon ? ».
Que dit la Science ?
Selon le Centre national du cinéma et de l’imagerie animée (CNC), pas moins de 716 longs-métrages sont sortis dans les salles françaises en 2023. Soit en moyenne un peu plus de 13 par semaine.
Poussons plus loin les maths en prenant l’exemple d’une personne de 40 ans. Si l’on part du principe qu’elle n’a pas été au ciné avant ses 15 ans, elle a eu à disposition, durant les 25 années suivantes, un catalogue total de…. 18.000 films. Donc la personne qui vous dit « je vois à peu près tout ce qui sort au ciné » ment.
Les arguments des relous
A la barre pour se défendre, Théo parle avec son cœur : « Il y a des œuvres qui ne sont pas simplement des films, mais qui constituent une part de l’histoire culturelle mondiale. On peut ne pas être fan de science-fiction ou de fantasy, mais si des sagas comme Star Wars ou Le Seigneur des Anneaux sont aussi mythiques, c’est qu’elles ont une qualité et une profondeur qui méritent au moins d’être découvertes ».
Etiqueté « relou » dans notre affaire, ce quadragénaire – fort sympathique lui aussi – passe ensuite à l’offensive : « Pourquoi s’obstiner à ne pas les voir ? Par principe ? Pour se distinguer ? Parce que « ce n’est pas mon univers » ? C’est une forme d’étroitesse d’esprit. » Aie.
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Comment répondre à ce relou ?
Erreur classique : ne criez pas face à Sylvain (qui vient de vous crier dessus). Car si, comme Julie, vous rétorquez haut et fort en plein milieu du self inter-entreprises que « non, vous n’avez jamais vu Harry Potter et que tout va bien », d’autres relous risquent de se manifester dans la salle. « – Il se passe quoi, là-bas ? – Je crois qu’ils s’engueulent parce qu’elle n’a jamais vu Harry Potter… – QUOI ? Elle a JAMAIS vu Harry Potter ? ! ? ». Le cercle infernal.
Alors première solution, flatter l’ego de Sylvain (pour le calmer et parce qu’il est le seul à savoir faire marcher la photocopieuse). Exemple : « Non, je n’ai jamais eu la chance de le voir mais j’essaierai. Tu as un préféré ? » Vous sous-entendez par là que Sylvain est « chanceux » et que son expertise compte.
Deuxième solution, signée Brune : relativiser. Voilà ce qu’elle dirait à Sylvain et aux autres relous : « J’ai d’autres films cultes, et donc une autre culture ciné ». Puis une dernière estocade : « C’est relou de devoir justifier ses goûts ». Fin du débat ?