France

Certification halal : Le recteur de la Grande mosquée de Paris victime collatérale de la crise entre Paris et Alger

Les tensions diplomatiques actuelles entre Paris et Alger mettent la pression sur Chems-eddine Hafiz. Le recteur de la Grande mosquée de Paris se retrouve en effet mis en cause autour du système de certification halal géré par son institution.

Jeudi lors de ses vœux, le recteur a dénoncé avec force « une cabale scandaleuse et infondée » et « une campagne médiatique sans précédent ». En cause : un récent article du journal L’Opinion accusant la Grande mosquée de Paris d’avoir organisé, avec l’appui des autorités algériennes, un système monopolistique de certification halal pour les produits européens destinés à l’Algérie. Le dispositif, qui s’apparenterait selon le quotidien « à une taxe obligatoire », serait très rentable avec 5 millions d’euros de chiffre d’affaires attendu en 2024.

Chems-eddine Hafiz y voit la main de ses adversaires

Depuis, l’eurodéputé LR François-Xavier Bellamy a alerté la Commission européenne et le député RN Matthias Renault a annoncé saisir la procureure de Paris sur un système qui selon lui « pourrait relever de l’extorsion ».

Des arguments réfutés par Chems-eddine Hafiz, qui se dit transparent sur ce système piloté par une société commerciale affiliée à la Grande mosquée. « Tout avait été rendu public » dès la signature des accords avec les autorités algériennes en décembre 2022, a-t-il assuré lors de ses vœux. Et « l’ensemble des dividendes sert à financer l’exercice du culte musulman ». « Aujourd’hui, comme par hasard, tout est mauvais. Il y a un contexte particulier entre l’Algérie et la France, et on voit comment mes adversaires sont en train de m’attaquer », a-t-il ajouté sur BFMTV.

Un « double discours »

« La Grande mosquée de Paris est la victime collatérale de la dégradation des relations avec Alger », estime Franck Frégosi, chercheur au CNRS et auteur de Gouverner l’islam en France. Inaugurée en 1926, elle bénéficie depuis le début des années 1980 d’un financement annuel de l’Etat algérien d’environ 2 millions d’euros, et tous ses recteurs sont nés dans ce pays. Ce qui lui a valu l’accusation récurrente – contestée par Chems-eddine Hafiz – de « seconde ambassade d’Algérie ».

Avocat franco-algérien, Chems-eddine Hafiz a plusieurs fois dénoncé l’islamisme, lancé un prix littéraire, une réflexion sur « l’adaptation du discours musulman en France » et récemment appelé ses 150 imams à une « invocation pour la France » à la fin des prières du vendredi. Mais d’autres bons connaisseurs sont plus critiques : « Certains pensent que l’homme tient un double discours », note l’un d’entre eux, en rappelant par exemple qu’il avait reçu en mai Rima Hassan de LFI.

Notre dossier sur l’Algérie

Depuis que l’exécutif a rompu avec le Conseil français du culte musulman (CFCM), le recteur de la Grande mosquée est de fait devenu l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics. En filigrane se joue donc la question de la représentation de l’islam en France.