France

« Certains abandonnent en cours de route… » Malgré son image séduisante, la pâtisserie cherche à convaincre les jeunes

« Je sais que c’est difficile, qu’il demande beaucoup de sacrifices. Mais c’est un métier valorisant, un métier passion, c’est devenu une évidence pour moi. » Aïda, 21 ans, est convaincue : en réorientation après avoir obtenu un CAP cuisine, elle est désormais bien décidée à se lancer dans une nouvelle formation en apprentissage, cette fois en pâtisserie. « Tous nos apprentis trouveront un emploi sans la moindre difficulté, il n’y a aucun doute », sourit Frédéric Brangeon, président de la chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) de Loire-Atlantique.

Il faut dire que la situation est un peu paradoxale. Malgré une image séduisante façonnée par des émissions de télévision, des événements médiatiques (championnat de France des desserts, coupe du monde…) et des photos toujours plus attrayantes sur les réseaux sociaux, la profession ne trouve pas assez de candidats formés pour répondre à ses importants besoins de recrutements. Quelque 20.000 postes sont ainsi à pourvoir en boulangerie-pâtisserie, dont près de la moitié pour le métier de pâtissier. Un handicap pour un secteur déjà fortement pénalisé par la hausse du prix des matières premières et de l’énergie.

« Ce n’est pas exactement comme à la télé »

« On connaît des difficultés de recrutements depuis plusieurs années, comme l’ensemble des métiers de bouche. La tension est peut-être plus importante depuis le Covid, en particulier dans les petites structures », rapporte Frédéric Brangeon, par ailleurs patron d’une boulangerie-pâtisserie en banlieue nantaise. Même Vincent Guerlais, l’un des artisan-chocolatiers les plus réputés de France, dont l’entreprise emploie 140 personnes, peine à embaucher. « On reçoit moins de CV, on a beaucoup de moins de choix », déplore-t-il.

Les horaires, souvent matinaux, souvent décalés, sont l’un des principaux freins à l’attractivité. « A nous d’adapter les horaires et de libérer les week-ends quand c’est possible. Ça évolue, mais on peut encore progresser sur ce sujet », estime Vincent Guerlais. La charge de travail et la fatigue physique (station debout, travail manuel) rebutent aussi parfois les candidats. « Ce n’est pas exactement comme à la télé, il n’y a pas que de la création, il y a aussi des tâches répétitives, surtout quand on débute », admet le maître chocolatier. « C’est un métier exigeant. Ce n’est pas pour rien que certains apprentis abandonnent en cours de route », constate Frédéric Brangeon.

« Dans toutes les grandes occasions le pâtissier est présent »

Pour éviter ces interruptions de parcours et susciter des vocations, la filière multiplie les dispositifs à l’intention des jeunes. Baptisé « Graines de pâtissier », l’un de ces dispositifs vise à « redonner confiance » à des ados ou adultes en échec, en leur faisant découvrir de l’intérieur, pendant cinq mois, les principales facettes de la pâtisserie. A Nantes, dix candidats viennent ainsi de boucler leur formation-découverte, via un partenariat avec les Ecoles de la deuxième chance. « Ils ont testé le métier en centre de formation, l’ont testé chez l’artisan, comme un pré-apprentissage. Après cette période, ils connaissent les avantages et contraintes du métier, ils seront sûrs de leur choix. C’est rassurant à la fois pour l’apprenti et pour l’employeur. Ça permet aussi à la profession de s’ouvrir à des nouveaux profils », explique Camille Collomb, chargée de projets « Graines de pâtissier ».

« Ça m’a confortée dans mon idée, confirme Manon, 21 ans, l’une des dix stagiaires, qui souhaite désormais débuter un CAP pâtisserie. C’est un métier intéressant, qui a du sens. On travaille pour faire plaisir aux autres. » « Les anniversaires, les mariages, Noël, la Saint-Valentin… Dans toutes les grandes occasions, le pâtissier est présent », confirme Frédéric Brangeon. Vincent Guerlais insiste : « C’est un métier avec une vraie mixité hommes-femmes, qui permet de faire plein de choses différentes et de beaucoup évoluer, y compris à l’étranger. Le savoir-faire français est reconnu mondialement. » Depuis 2017, plus de 310 jeunes ont participé au programme « Graines de pâtissier » et près de 40 % d’entre eux ont enchaîné par un CAP.