Censure du gouvernement : Le RN a-t-il commis une erreur stratégique en faisant tomber Michel Barnier ?
Lorsque la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, annonce la censure de Michel Barnier, mercredi soir, le Rassemblement national ne bronche pas. Les exclamations de joie de la gauche tranchent avec le silence des élus RN sur leurs bancs. Loin de l’hémicycle, déjà, Marine Le Pen arbore un air grave sur le plateau de TF1 pour justifier d’avoir fait tomber le gouvernement avec le Nouveau front populaire.
« Je ne considère pas que ce soit une victoire », souffle la triple candidate à la présidentielle. Mais face à « un budget toxique », « c’était la seule solution digne » pour « protéger les Français ». En faisant tomber un Premier ministre globalement à son écoute, et en plongeant le pays dans la crise politique, le parti de Jordan Bardella a-t-il commis une erreur stratégique ?
« Le RN a créé du chaos »
Emmanuel Macron a dénoncé jeudi soir « l’union de l’extrême droite et de l’extrême gauche dans un front antirépublicain » et accusé le parti à la flamme « d’avoir choisi le désordre ». Depuis mercredi, le « bloc central » tente d’accabler le RN. « Je suis très surpris du positionnement de Marine Le Pen. Elle a ruiné en un vote ses tentatives des dernières années pour institutionnaliser son parti », accuse Eric Pauget. « En réalité, elle montre son vrai visage, celui des extrêmes qui ne veulent pas gouverner mais simplement renverser la table », ajoute le député de la Droite républicaine. Même tonalité côté macroniste : « C’est une décision d’irresponsabilité. En choisissant l’instabilité, elle va prendre un gros coup dans l’opinion publique », veut croire Mathieu Lefèvre, député EPR (Ensemble pour la République).
Au RN, on balaie bien entendu ces critiques. « Encore une réussite des droitards de salon et experts à 2 balles qui prophétisaient que le vote de la censure disqualifierait le RN », a réagi jeudi sur X l’élu RN de la Somme Jean-Philippe Tanguy, en partageant un sondage de Harris Interactive qui place le RN en tête des préférences pour former une majorité à l’Assemblée. Mais ce choix historique et l’incertitude budgétaire pourraient quand même coûter cher à la stratégie de normalisation du parti. « Le RN a créé du chaos en s’alliant avec les insoumis. C’est un message qui passe mal à droite, je le vois chez moi dans les Alpes-Maritimes », cingle Eric Pauget. Un autre sondage, de l’institut Elabe, montre ainsi que l’électorat de droite, que le RN tente de séduire, est globalement mécontent (à 78 %) de cette censure.
Une perte d’influence ?
Et si Marine Le Pen ne cesse d’évoquer le « mépris » de Michel Barnier pour les électeurs de son mouvement, jamais un Premier ministre n’aura accordé autant d’importance à l’héritier du Front national. « C’est la première fois qu’un chef de gouvernement prend son téléphone pour parler avec un Le Pen. Il la reçoit, la cite dans un communiqué. Qu’est-ce qu’elle voulait de plus, un sourire et un bouquet de fleurs ? », raille Eric Pauget, en référence à toutes les concessions proposées par l’ex Premier ministre pour amadouer le RN.
Alors que les grandes manœuvres ont débuté ce vendredi sous la houlette d’Emmanuel Macron pour trouver un nouveau Premier ministre, le RN est écarté des consultations. « On se fiche d’être plus ou moins dans le game. Ce sont les Français qui nous ont mis à cette place, en faisant du RN le premier groupe à l’Assemblée, pas Michel Barnier », évacue Franck Allisio, député RN des Bouches-du-Rhône. Mais si le président de la République choisissait de recentrer vers la gauche la prochaine coalition gouvernementale, le RN perdrait son arme de la censure. Et avec, une grande partie de son influence.