« Ce n’est pas le procès de Paul Pogba ! »… L’absence du joueur au centre de la première journée d’audience
Au tribunal correctionnel de Paris,
Pour nous, vils troubadours du service des sports, qui ne passons pas notre vie au tribunal – d’un côté ou l’autre de la barre, au passage – cette première journée du procès de l’affaire Paul Pogba n’a pas du tout ressemblé à ce qu’on avait imaginé. Comme nous, les six prévenus ont passé la journée les fesses posées sur leur siège, à écouter tantôt la Présidente développer les chefs d’accusations qui pèsent contre eux, tantôt leurs avocats et ceux de la partie civile s’écharper sur des questions d’ordre procédurales.
Avec les restes de grippette qui était les nôtres, la tentation de dormir ne fut jamais loin. Et à regarder Mathias Pogba, les yeux fermés et les mains jointes durant une bonne partie de la journée, on n’était visiblement pas les seuls. Encore qu’il semblait plus en quête de paix intérieure qu’autre chose, lui qui va s’attacher dans les jours suivants à plaider un rôle de victime collatérale, de « marionnette » comme il le laissait entendre dans un docu de L’Equipe, embarquée presque malgré elle dans une affaire qui l’a totalement dépassée.
Bataille procédurale et lunettes de soleil
L’ancien joueur du Tours FC n’a d’ailleurs pas adressé le moindre mot, ni même croisé le regard, des cinq autres accusés, les frères Camara (Adama et Boubacar), les frères Kenali (Machikour et Reshdane) et Mamadou Magassa. Pas plus qu’à sa mère, Yeo Moriba, assise juste derrière lui, avec laquelle les relations se sont logiquement détériorées ces derniers mois, elle aussi faisant partie des victimes des coups de pression exercés par la bande de la Renardière, le quartier où Paul Pogba et sa famille ont grandi.
A la barre pour écouter la présidente lui faire la (longue) liste des faits qui lui sont reprochés, Adama Camara, doudoune sur le dos et basket blanches aux pieds, a surpris cette dernière en débarquant dans la salle d’audience avec des lunettes de soleil sur les yeux. Des problèmes avec les vives lumières du tribunal, paraît-il. Ce fut peu ou prou la seule animation de cette (loooooooongue) journée où, à moins d’être fan de droit et/ou d’aimer les battles de Code civil et d’alinéas 3.8/952, le public venu en nombre dans cette salle un brin étriquée sera resté sur sa faim.
L’absence de Pogba au centre des débats
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il fallait trancher un point important : l’absence du joueur qui, selon ses avocats, « ne souhaite pas venir car il est à l’étranger », du côté de Miami. Pendant une bonne partie de l’après-midi, les avocats de la défense se sont succédé à la barre, telle une équipe d’Avengers sur un ring affrontant le boss final du jeu, pour montrer à la Présidente à quel point son absence, et donc l’impossibilité de le confronter à ses agresseurs supposés, était préjudiciable à « la manifestation de la vérité ». Avec, selon eux, deux options sur la table : soit Paul Pogba saute dans un avion séance tenante direction Paris, soit le procès doit être renvoyé à une date ultérieure.
Révélant « un certain nombre d’approximations, voire de contradictions » dans les déclarations que le champion du monde a faites lors de ses auditions par les enquêteurs, ceux-ci ont tenté par tous les moyens de faire comprendre que la présence du joueur était primordiale « pour que ce procès soit le plus juste possible », dixit l’avocat de Mamadou Magassa. « J’avais une bonne quinzaine de questions à lui poser », embraye une de ses consœurs, jugeant le motif de l’absence de Pogba « parfaitement ridicule ». « C’est important de VOIR les gens », insiste un autre, joignant le geste à la parole, avec l’indexe et le majeur pointés vers les yeux.
Des arguments qui ne feront finalement pas mouche. Après une troisième suspension d’audience, la présidente s’est rangée de l’avis de la partie civile, celle-ci arguant que « ce n’est pas le procès de Paul Pogba que l’ont fait là et que c’est sa liberté en tant que victime de ne pas se présenter ». Les auditions reprendront (ou débuteront, plus exactement) ce mercredi avec, à la barre, Machikour Kenali, plus proche des deux grands frères Pogba que de Paul, Adama Camara et Mamadou Magassa, deux amis d’enfance de la Pioche. Après ce faux départ dont on se serait bien passé, les choses sérieuses peuvent enfin commencer.