France

Ce collège de Lyon ne donne pas de devoirs mais « des étoiles dans les yeux »

« Toutes les émotions sont bonnes à vivre », rappelle Léa, professeure de mathématiques au collège Déclic de Lyon. Ce lundi matin là, une dizaine d’élèves de 4e et 3e sont en cours de « communication non-violente », dans ce collège du 8e arrondissement. Assis sur une chaise, disposé en cercle, chacun prend la parole pour exprimer ses sentiments. « Ces trois quarts d’heures sont l’occasion, quand il y en a, de régler des conflits et d’apprendre à parler en sentiments », ajoute Jean-Armand Barone, cofondateur de cet établissement « alternatif et républicain » en 2019.

« Avec Anne Durand-Reboul, on s’est rendu compte que, dans l’Éducation nationale, ça tournait mal au collège, explique-t-il. C’est à partir de cette période, par exemple, qu’on commence à voir du harcèlement. On a voulu faire autrement et démontrer que cette méthode peut fonctionner, comme c’est le cas au Québec ou encore en Finlande. »

Après la communication non-violente, les enfants sont en « travail personnel », un « temps de coopération ». Ils sont alors mélangés entre tous les niveaux. Justine, en 6e, s’est installée à la table de Zélie et Joséphine, toutes les deux en 5e. L’une effectue une recherche pour un cours de français, les deux autres font des mathématiques. Elles expliquent : « Chaque semaine, on a des travaux à réaliser en fonction des matières. Ce temps nous est donné pour le faire. On peut s’entraider et avancer ensemble. »

« Vraie diversité de milieu social et de nationalité »

Pour Zélie, qui était dans une école classique avant, cette façon de travailler est un vrai « bonheur ». « J’aime cette autonomie. On peut avoir l’impression qu’on travaille moins mais ce n’est pas le cas. De cette manière, on n’a pas de devoirs à faire le soir, explique la jeune fille. Avant, c’était un vrai calvaire pour moi. »

La plupart des 57 élèves inscrits viennent d’enseignements du premier degré qui suivaient les méthodes Montessori, Freinet ou Steiner. D’autres sont là après des « phobies scolaires ». « Le premier critère pour intégrer Déclic, c’est l’envie. On veut que l’enfant ait des étoiles dans les yeux quand il se rend au collège », lance le cofondateur qui précise qu’ici, « on paie l’année en fonction de ses revenus ». « On a une vraie diversité de milieu social et de nationalité entre nos élèves et c’est ce qui fait la force et l’ouverture d’esprit de ces futurs adultes », assure-t-il.

Une 1h30 de cours par jour

Sans être la suite des primaires alternatives, ce collège hors contrat se veut « différent du système » tout en s’insérant dans « ce monde classique ». Ainsi, toutes les matières sont enseignées et le socle commun de connaissances et de compétences de l’Éducation Nationale est respecté, avec le brevet en fin d’année. Pour s’y préparer ? Une heure et demie de cours par jour. L’après-midi est consacrée à d’autres activités comme le théâtre, les jeux de société, la permaculture ou des sports collectifs. Le tout donc, sans devoirs à faire à la maison.

« On utilise les mêmes manuels et on arrive à boucler le programme demandé », confirme Léa, la professeure de mathématiques mais aussi d’ateliers artistiques et de théâtre. Diplômée d’un master de sciences sociales en genre, elle donne également des cours d’éducation affectives, relationnelles et sexuelles. Dans l’établissement, chaque enseignant a sa « spécialité ». Ainsi, celui qui fait de la SVT donne aussi des cours de zététique. « On leur donne des responsabilités et on construit les choses ensemble, poursuit Léa. Ça leur donne des pistes pour affronter le monde. »

Une méthode qui peut laisser perplexe vue de l’extérieur. « C’est souvent la première angoisse des parents. Leurs enfants vont-ils avoir du retard avec si peu d’heures de cours ? Vont-ils pouvoir s’insérer ensuite ? », confie Jean-Armand Barone. Il répond avec un grand sourire : « En quatre ans, on n’a jamais eu d’échecs. »