France

Carnaval : Pourquoi les déguisements pour enfants sont-ils toujours hypergenrés ?

Un festival de clichés sexistes pour carnaval ! Ce mardi, dans les écoles et les crèches, de nombreux enfants seront déguisés afin de célébrer Mardi gras. Dans les publicités des catalogues des grandes enseignes de distribution, toujours la même rengaine, les stéréotypes de genre ont la vie dure. Au programme, des costumes superhéros, astronautes et autres pirates pour les garçons et les habits de princesses et autres sirènes pour les filles.

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« Mais pour quoi faire ? Les déguisements permettent de rêver, de se projeter, de tout imaginer : et si on sortait des clichés réducteurs ? », épingle Pépite sexiste, association de sensibilisation au sexisme ordinaire et aux stéréotypes diffusés par la pub et le marketing, sur Instagram. Pourquoi les publicités destinées aux déguisements pour enfants sont-elles toujours hypergenrées ?

Les déguisements, une « zone grise » encore très genrée

Si l’association a notamment épinglé le catalogue de Lidl sur son compte, l’enseigne allemande n’est pas la seule à perpétuer ces stéréotypes. « On est encore majoritairement dans les stéréotypes, surtout dans le domaine des déguisements », note Auriane Dumesnil, cofondatrice et directrice de l’association Pépite sexiste.

Dans les catalogues de jouets pour enfants, on note pourtant de gros progrès. En effet, le ministre délégué chargé de l’Industrie et la ministre déléguée en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes ont réuni les représentants du secteur des jouets pour signer une « Charte pour une représentation mixte des jouets ». « Les déguisements sont un peu dans une zone grise, entre les jouets et les vêtements, encore très genrés », explique l’experte.

Dans les catalogues dédiés aux déguisements, on frôle donc la caricature : « Les superhéros et les métiers d’action et de rêve pour les petits garçons, les licornes, sirènes et les princesses pour les petites filles », se désole Auriane Dumesnil.

Des conséquences sur la future vie d’adulte des enfants

Même si la mention « petit garçon » ou « petite fille » est absente, le choix des mannequins qui présentent ce dernier en dit long sur les progrès qu’il reste à faire en matière de stéréotypes. « La société continue d’enfermer les petites filles et les petits garçons, et plus généralement les femmes et les hommes dans des rôles hypergenrés. Et cela continue en 2025, même si on a l’impression que cela s’améliore », déplore l’experte.

Des images qui peuvent apparaître anodines de prime abord, mais qui « enferment les enfants dans des cases dès leur plus jeune âge et c’est dommage pour eux », rappelle la cofondatrice et directrice de l’association Pépite sexiste.

Et d’expliquer : « A force d’être tout le temps mis dans des cases et confronter à ces stéréotypes, les enfants vont estimer que c’est la norme et essayer de rentrer dans ces cases et donc, reproduire ces stéréotypes. Et c’est sans fin, si les petites filles ne peuvent pas se projeter dans des métiers de mécaniciens, de pompier ou d’astronaute, cela va se ressentir dans leur parcours scolaire et professionnel. Et pour les garçons, ils vont être moins présents dans les métiers du soin par exemple. Cela paraît anodin comme cela, mais cela nous poursuit toute notre vie. Cela peut avoir des conséquences importantes. »

Evidemment, les parents peuvent agir et offrir un costume d’astronaute à leur petite fille. « Reste quand même que sur l’étiquette, c’est marqué petite fille ou petit garçon et que l’enfant, pour pas être moqué à carnaval à l’école, ne va pas oser prendre le costume qu’il aime », précise la spécialiste.

Lorsque l’homophobie s’ajoute au sexisme

Sous une publication dénonçant les déguisements hypergenrés sur la page Pépite sexiste, une professeure des écoles témoigne : « En classe, je sors les déguisements pour travailler sur les longueurs (trouver un déguisement à sa taille). Un petit garçon a sauté sur la robe de La Reine des neiges et il était aux anges. Et une fille a choisi pirate et une autre, cuisinier. Ce sont les familles qui conditionnent les enfants. Quand ils ont vraiment le choix, ils se fichent de genre supposé du costume ».

« Si mon fils m’avait demandé un déguisement rose, j’aurais eu peur que les enfants se moquent de lui », témoigne ainsi une maman. « C’est dur de dépasser ces règles, à cause de la pression sociale. C’est un vrai questionnement que j’ai : mon fils adore le rose, mais qu’est-ce que je fais s’il veut des lunettes roses par exemple, ou s’il veut mettre une robe rose à l’école ? », témoigne une autre.

« La société accepte plus qu’une fille joue à la voiture et se déguise en pompier qu’un garçon joue à la poupée et se déguise avec une robe. L’homophobie s’ajoute au sexisme… »

Le retour de Donald Trump au pouvoir et la montée du masculinisme n’arrangent rien à l’affaire. « Les marques ont peur qu’on les traite de wokiste, ou d’aller trop loin en présentant un petit garçon en robe, ils ont peur du regard de leur client », analyse Auriane Dumesnil.

La sensibilisation, meilleure alliée des parents

Que peuvent faire les parents pour préserver les enfants de ces clichés sexistes ? « Il faut partager ces publications qui épinglent les marques qui véhiculent des stéréotypes de genre. Cela permet aux gens de se rendre compte du souci », recommande l’experte.

« On peut aussi simplement demander au vendeur, pourquoi une licorne serait une fille ? On ne sait tellement pas quoi pas répondre à cette question que cela montre l’absurdité de la mention de fille ou garçon sur ces déguisements et cela permet de prendre conscience du problème », suggère Auriane Dumesnil.

Dernier moyen d’agir : « Aborder la question avec les enfants. La sensibilisation et l’éducation, c’est le plus important, leur dire qu’ils sont libres de faire les choix… Nous ne disons pas que tous les petits garçons doivent être en princesse et les petites filles en pompier. L’idée est de laisser l’enfant choisir selon ses goûts ! »