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Capitaine russe, trajectoire douteuse… Pourquoi la collision en mer du Nord est vraiment étrange

Le Stena Immaculate était tranquillement au mouillage, ancré à une quinzaine de kilomètres du port de Grimsby, tout près de la ville de Hull. La météo était alors clémente et la navigation en mer du Nord ne posait pas vraiment de difficulté. Un brouillard assez dense mais pas inhabituel dans cette zone. Ce lundi, à 11 heures, il n’y avait ni houle, ni coup de vent. Et pourtant. En pleine journée, le navire battant pavillon américain transportant environ 220.000 barils de kérosène a été éperonné par le Solong, un porte-conteneurs battant pavillon portugais.

Une collision particulièrement violente qui a provoqué d’importants incendies particulièrement toxiques. Un membre d’équipage porté disparu n’a toujours pas été retrouvé. Si la catastrophe environnementale tant redoutée semble écartée, de nombreuses questions continuent de se poser après cet accident rarissime. Notamment depuis la révélation de l’identité du capitaine du navire et de sa nationalité. Cet homme de nationalité russe âgé de 59 ans a été arrêté par la police britannique et placé en garde à vue pour « homicide involontaire par négligence grave ».

Pour l’heure, aucune explication n’a été apportée par l’équipage du Solong. Le secrétaire d’Etat aux transports, Mike Kane, avait reconnu que quelque chose s’était « terriblement mal passé » pour en arriver à une telle collision. Il n’y a cependant « aucune preuve » d’un acte criminel à ce stade, a-t-il assuré, pour mettre fin aux spéculations. Le Premier ministre anglais Keir Starmer a également exclu toute piste criminelle. Mais les spécialistes s’interrogent. Comment un porte-conteneurs de 122 mètres de long a-t-il pu percuter un pétrolier de 183 mètres qui était à l’arrêt ? Sur des images enregistrées par un navire se trouvant dans la zone, on peut apercevoir un épais brouillard altérant la visibilité. Les images captées avec la caméra thermique montrent quant à elle une collision directe.

Plusieurs défaillances révélées

Mis à l’eau en 2017, le Stena Immaculate était vraisemblablement affrété par les Etats-Unis pour livrer un carburant dédié à l’aviation militaire américaine déployée en Angleterre. Quant au Solong, il est exploité par la société allemande Ernst Russ mais navigue sous pavillon portugais. L’équipage de ce cargo construit en 2005 était composé de marins russes et philippins. Plusieurs défaillances avaient été relevées lors d’un contrôle réalisé en 2024 mais corrigées, assure son armateur. De nombreux experts se succéderont pour analyser si, oui ou non, un défaut technique a pu entraîner un tel accident.

Le flanc du Stena Immaculate a été sérieusement amoché par le Solong, un porte-conteneurs qui lui a foncé dessus.
Le flanc du Stena Immaculate a été sérieusement amoché par le Solong, un porte-conteneurs qui lui a foncé dessus. - Sky/AP/Sipa

Ce qui interroge les spécialistes, c’est l’absence totale de changement de cap opéré par le navire. Un accident « très rare », souligne Abdul Khalique. Le chef du centre maritime de l’université John Morre, à Liverpool, se demande « pourquoi le Solong n’a pas été capable d’agir pour éviter la collision ». « Le navire suivait une trajectoire rectiligne. Il aurait pu changer de cap pour éviter tous les navires présents au mouillage à ce moment-là, mais il ne l’a pas fait. De nombreuses occasions semblent avoir été manquées », poursuit le spécialiste.

Les « boîtes noires » vont parler

Autre élément troublant : les navires de cette taille sont aujourd’hui dotés d’un système appelé AIS, pour « automatic identification system ». Un « système d’identification automatique » qui permet aux bateaux d’afficher leur position même en cas de faible visibilité ou quand le trafic est dense. Il permet aussi aux capitaines d’échanger, de connaître le cap et la vitesse des navires qui les entourent. A-t-il été utilisé ? Il faudra attendre que les « boîtes noires » des deux navires soient exploitées pour le savoir. Il faudra sans doute attendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines pour comprendre ce qui peut être à l’origine de cette collision aussi rare que spectaculaire.