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Cannes : Pourquoi les posidonies mortes, échouées sur les plages, sont renvoyées en mer ?

Ce n’est pas pour rien si les posidonies sont aussi choyées. Considérées de leur vivant comme le « poumon vert de la Méditerranée », où elles apportent de l’oxygène et servent de « nurserie » à de nombreuses espèces, ces plantes à fleur (et oui, elles n’entrent pas la famille des algues) sont utiles même mortes, échouées sur les plages. En tout cas l’hiver. Agglomérées en un tapis végétal, elles offrent alors un rempart contre l’érosion dont profitent les stations balnéaires. Mais quand vient l’été, et qu’il faut faire place nette pour les touristes, elles sont évacuées.

Depuis quelques années, au lieu de les mettre en décharge, la mairie de Cannes, comme d’autres localités de la Côte d’Azur, les prélève pour les rejeter au large. Organisée il y a quelques jours près de la Croisette, cette opération, dite de « clapage », s’inscrit dans une démarche en faveur de l’environnement mais surtout légale. Car « même mortes, les posidonies sont protégées ». 20 Minutes vous explique.

Un « rôle écologique majeur » même après son vivant

A Cannes, c’est surtout sur la plage de Gazanière, à l’une des extrémités du boulevard de la Croisette, que ces petits bouts de feuilles lavés de toute leur chlorophylle arrivent en masse chaque année. « Surtout quand il y a du vent d’est », explique Thierry Gaudineau, le directeur de la propreté urbaine à la mairie. « Beaucoup de gens nous appellent pour nous demander de les enlever, parce que  »ça ne fait pas propre ». Mais ce n’est pas un déchet, c’est même un très bon marqueur de la qualité de l’eau s’il y en a », rappelle le responsable. Utiles pour « stabiliser le bandeau de sable », elles ne sont enlevées qu’après les vacances de Pâques. « Avant, pour nous en débarrasser, on faisait appel à un prestataire qui les valorisait. Mais, réglementairement, on n’était pas dans les clous », reconnaît Thierry Gaudineau.

Les posidonies récoltées sur la plage de Gazanière, à l'est de Cannes
Les posidonies récoltées sur la plage de Gazanière, à l’est de Cannes – Mairie de Cannes

Espèce endémique de la Méditerranée, Posidonia oceanica est en effet protégée, même après son vivant. Selon la ville d’Hyères, dans le Var, ces « banquettes de posidonie » échouées sur le littoral sont « la base de l’alimentation pour de nombreux animaux », « une faune particulière » composée de « crustacés amphipodes, décapodes et isopodes ». Pas question donc d’en faire n’importe quoi. Si, elles sont déplacées, ce ne doit pas être pour rien. Depuis 2021, un arrêté conjoint des ministres de la transition écologique, de la mer et de l’agriculture, qui souligne leur « rôle écologique majeur », fixe « les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets » quand elles s’accumulent notamment dans des voies de navigation.

Ce même texte souligne que « le rejet en mer des volumes enlevés ou collectés […] doit être systématiquement privilégié ». Il précise aussi que cette option, choisie depuis plus de trois ans par la ville de Cannes, mais aussi celles Beaulieu-sur-Mer et Golfe-Juan pour désencombrer leurs plages, doit être organisée « après récupération des macrodéchets et étude de la dispersion de feuilles en fonction de la courantologie, pour le choix du site de la nouvelle immersion. »

« On reproduit un phénomène naturel »

Au large de la cité des festivals, le « clapage », dont le nom vient du « bateau-clapet », une barge dont tout ou partie de la coque s’ouvre en deux pour déverser son contenu, s’est effectué ces derniers jours à 7 km au sud de l’île Saint-Honorat. Un site choisi avec les services de l’Etat « parce que le fond est situé entre 500 et 700 m et que cela permet d’éviter de les voir revenir sur la Côte », note Frédéric Poydenot, le directeur du Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) des Iles de Lérins et Pays d’Azur.

« Dans cette fosse, à cette profondeur-là, la faune présente n’est pas spécialement adepte des feuilles de posidonie [qui poussent jusqu’à -40 m], mais on reproduit un phénomène naturel », note le spécialiste. Ces plantes à fleur se décomposent dans leur milieu au lieu d’être exportées dans une décharge.

Au total, comme chaque année désormais, près 3.000 m3 de ces herbiers « ont été rendus à la mer » ces dernières semaines, se félicite la ville de Cannes. Une opération qui a un coup, un peu plus de 200.000 euros, mais qui s’inscrit dans un programme complet de préservation de ce « poumon vert ». Des arrêtés en vigueur depuis 2020 ont notamment été signés pour interdire le mouillage des yachts dans ces champs de végétaux sous-marins. Au risque de les arracher.