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Calanques de Marseille : début du chantier de dépollution des sols.

Un chantier pharaonique se prépare sur le littoral sud de Marseille depuis le 1er septembre pour « dépolluer les calanques », en raison de sols chargés de métaux lourds. La première phase de ce chantier à 14 millions d’euros commence avec l’évacuation de 2.500 tonnes de résidus, du 15 septembre jusqu’à mars 2026.


Entre les Goudes et Callelongue, dans le 8e arrondissement de Marseille, un promontoire rocheux offre une vue dégagée sur l’horizon. La mer et le ciel bleu contrastent avec les roches calcaires. Une nouvelle couleur s’ajoute à cette scène, le jaune d’une tractopelle en pleine action. Depuis le 1er septembre, un vaste chantier débute sur le littoral sud de Marseille, avec pour objectif de « dépolluer les calanques », dont les sols sont contaminés par des métaux lourds tels que l’arsenic et le plomb.

Bien que ce territoire soit un lieu prisé par de nombreux touristes, le parc naturel a autrefois été un centre de l’industrie métallurgique et chimique. De Montredon à Callelongue, les vestiges de cet héritage polluant des XIXe et XXe siècles sont visibles, notamment sous forme de scories et de dépôts de résidus solides. Ces déchets sont présents un peu partout : au bord des routes, sur les plages, à l’orée de l’eau. Mélody Gros, cheffe de projets « Sites et sols pollués » à l’Ademe, indique : « Par méconnaissance, les résidus de ces usines ont été utilisés comme remblais pour créer les routes et les parkings du littoral. »

Le risque sanitaire lié à une exposition prolongée n’est pas à négliger, en particulier pour les enfants et les femmes enceintes. En 2005, l’Institut de veille sanitaire (INVS) avait déjà averti sur les dangers des concentrations d’arsenic et de plomb, notamment sur le site de l’Escalette ou sur la plage de Saména. Le risque majeur réside dans l’ingestion de ces substances, que ce soit par contact main-bouche ou à travers les produits de la mer. « Les gens ne savent pas, ils posent leurs serviettes sur un dépôt par exemple. Les enfants jouent sur des résidus », rappelle Mélody Gros. De plus, chaque coup de vent ou forte pluie contribue à la dispersion de ces métaux lourds dans l’environnement.

**2.500 tonnes de résidus évacués**

Vingt ans plus tard, et après une condamnation de l’État par le tribunal administratif de Marseille à dépolluer d’ici le 30 juin 2028, la première phase de ce chantier, qui représente un coût de 14 millions d’euros, débute enfin. Du 15 septembre jusqu’en mars 2026, sept dépôts, allant de Saména à la calanque des Trous, seront « mis en sécurité », comme l’indique l’Ademe sur le site Internet dédié au projet. Ensuite, de septembre 2026 à mars 2027, treize autres scories, des Goudes à Callelongue, seront traitées. En tout, vingt dépôts sur les 77 estimés dans la zone sont priorisés en fonction du risque de dispersion, d’instabilité et d’accessibilité.

Chaque dépôt sera traité presque « au cas par cas », précise Mélody Gros, avec deux scénarios envisagés : l’évacuation des résidus polluants vers une société spécialisée dans le traitement des déchets dangereux ou la mise en confinement sur place. « La première année, 2.500 tonnes de résidus vont être évacuées », estime Jérémy Durand, de la société Antea Group, maître d’œuvre de l’Ademe.

**Sous surveillance**

Pour les riverains, un long chantier se profile, s’étalant de septembre à mars, du lundi au vendredi, entre 8 heures et 18 heures. Dans un souci de prévention des risques sanitaires, plusieurs mesures de précaution ont été mises en place : brumisation des zones de terrassement pour limiter la dispersion de poussières, systèmes de protection pour éviter les déversements en mer, aspiratrices équipées de filtres haute performance… « Une tente de confinement de 250 m² sera également installée sur site pour permettre une manipulation sécurisée des résidus », explique Jérémy Durand. Les conditions climatiques, notamment le mistral, ont également été prises en compte avec des tests d’arrachement effectués.

Le chantier sera supervisé de près. Des capteurs de particules PM2,5 et PM10 ont été installés, avec des seuils d’alerte pouvant conduire à un arrêt des travaux. Des analyses en laboratoire seront effectuées chaque semaine. « En dix ans, il n’y a eu aucune plombémie anormale dans le secteur », rassure Cécile Morciano, responsable du service santé environnement à l’ARS Paca. Selon elle, le chantier contribuera à réduire les impacts environnementaux des métaux lourds et à limiter les risques sanitaires associés.

Les habitants craignent aussi une organisation difficile dans une zone déjà mal desservie. La rotation des camions et des engins de chantier pourrait aggraver la congestion de l’unique route, tandis que l’implantation des bases de vie du chantier risque de réduire le nombre de places de stationnement. Les Comités d’intérêt de quartier restent attentifs. « À nous tous de partager nos informations et nos doutes », exhorte notamment le CIQ des Goudes sur sa page Facebook. Le début officiel des travaux est prévu pour lundi.