« Ça progresse, mais on n’est pas au niveau espéré… » L’après-Paris 2024 mi-figue mi-raisin du parasport

Devant l’Hôtel de Ville, au milieu de la nouvelle forêt urbaine, les ballons fusent. La municipalité a installé un parvis paralympique, jusqu’à dimanche, pour clore son programme d’animations estivales, en adressant un clin d’œil au premier anniversaire des Jeux paralympiques de Paris 2024.
« Fervent défenseur de la boccia », Pierre Rabadan, adjoint à la maire chargé du sport, estime qu’il faut « saisir toutes les occasions » de mettre le parasport en lumière : « On a vu l’impact sociétal de ces Jeux. C’est quelque chose qu’il faut entretenir et répéter, il faut marteler les messages pour qu’ils passent. » Basket-fauteuil, cécifoot, volley assis et boccia sont ainsi à l’honneur chaque après-midi, pendant quatre jours, pour entretenir la flamme des Jeux. En tout cas, pour essayer.
Les licences en plein boom
« À la faveur des Jeux, un lien s’est tissé avec le grand public, rappelle Gaël Rivière, champion paralympique de cécifoot, qui porte aussi la casquette de président de la Fédération française handisport. Beaucoup de nos athlètes ont gagné une petite place dans l’imaginaire collectif sportif des Français. C’est l’occasion de retrouver le public, d’échanger et de continuer à faire parler du handisport. »
En moyenne, chaque Français a regardé 4 heures des Jeux paralympiques sur France Télévisions l’été dernier. Les licences ont augmenté de manière substantielle, atteignant + 17 % en cécifoot et + 30 % en goalball. « Ça a même eu un effet sur les sports d’hiver, avec une hausse de 27 % », se félicite le président de la FFHandisport, qui espère désormais « que cette progression s’inscrive dans la durée ».
En quête de visibilité
Si le parasport a l’honneur du parvis de l’Hôtel de Ville pendant quatre jours, il cherche encore une visibilité régulière. Les Championnats du monde de paracyclisme sur route se tiennent jusqu’à dimanche à Ronse (Belgique). Malgré les 21 médailles paralympiques décrochées l’été dernier par Mathieu Bosredon, Heïdi Gaugain et compagnie, l’événement n’est pas diffusé. Les prochaines semaines seront riches avec les Championnats du monde d’escrime-fauteuil (2-7 septembre), de paranatation (21-27 septembre) et de paraathlétisme (26 septembre-5 octobre), mais encore faudrait-il que les fans de sport puissent les voir.
« Avant les Jeux, il n’y avait rien, ou presque rien, donc il y a un progrès, tempère Gaël Rivière. France TV a diffusé un match de championnat de cécifoot, il y a eu du foot fauteuil sur beIN Sports récemment… Par contre, on n’est pas au niveau où on espère être. » Les connaisseurs se tournent généralement vers Sport en France pour suivre des compétitions. « 15 % de notre grille est consacrée à ces disciplines », explique Romain Schindler, directeur de la chaîne.
« Nous visons plus de 50 heures de compétitions parasportives diffusées d’ici la fin de l’année, et plus de 100 heures par an d’ici 2028 », annonce-t-il. Le nombre de compétitions diffusées a doublé par rapport à 2024, « avec des dispositifs renforcés, par exemple la couverture en direct de tous les matchs de l’équipe de France aux Championnats d’Europe de boccia en juillet ».
De manière générale, « les audiences sont très bonnes, comparables à celles des disciplines dites “valides” », souligne le directeur. Grâce aux Jeux de Paris 2024, « notre message – rendre le parasport plus visible et démontrer son potentiel d’audience – est désormais mieux entendu par les institutions, les annonceurs, les fédérations et le public », se félicite Romain Schindler. Bémol : « Il faut de l’argent et des budgets, et c’est toujours aussi compliqué. »
De la compassion à la passion
Le sport français a haussé le ton ces derniers mois pour contester la baisse drastique de ses moyens. Le contexte budgétaire n’incite malheureusement pas à l’optimisme pour les années à venir. « Les signaux ne sont pas très clairs, voire inquiétants », confie Gaël Rivière, qui préfère néanmoins « se concentrer sur ce qui va mieux qu’avant ».
« Quand j’ai commencé en 2005, on avait un seul t-shirt pour plusieurs jours de regroupement et des survêtes trop grands, qui avaient déjà été utilisés par une précédente génération, illustre le joueur de l’équipe de France de cécifoot. Il y a du progrès, même si on pouvait espérer que les Jeux nous permettent de franchir un cap plus important. » Le principal héritage des Jeux paralympiques de Paris 2024 semble finalement résider dans l’évolution des consciences.
« Grâce aux Jeux, on a réussi à ébranler les préjugés en montrant que les personnes en situation de handicap pouvaient être porteuses de capacités et de compétences. On a réussi à passer de la compassion à la passion. Des gens me racontaient qu’à un mariage, ils se sont retrouvés à quinze autour d’un téléphone pour regarder les tirs au but de notre finale… » Selon une étude de l’Arcom, 75 % des Français affirment que les Jeux ont changé leur regard sur le handicap.

