France

« Ça fourmille de ventes sur Internet »… Le business opaque et lucratif des os de dinosaures

Ils sont plus habitués à tomber sur des cargaisons de drogue ou des cigarettes de contrebande. Le 27 janvier, lors d’un contrôle sur l’A8, les douaniers de Menton (Alpes-Maritimes) ont donc eu la surprise de découvrir neuf énormes dents de dinosaures dans des colis transportés par un camion de fret espagnol. Interrogé, le chauffeur a expliqué que les colis étaient destinés à des particuliers italiens près de Gênes et Milan. « Cette découverte de fossiles de dinosaures du crétacé supérieur (72 à 66 millions d’années) reste tout à fait exceptionnelle », indique dans un communiqué les douanes françaises, précisant que les dents provenaient du Maroc.

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Cette surprenante découverte vient mettre en lumière le marché lucratif et opaque des restes de dinosaures. Il suffit « de regarder un petit peu sur Internet, ça fourmille de ventes, pas forcément légales », souligne Pierre-Elie Moullé, attaché de conservation au Musée de la préhistoire régionale de Menton. En tapant les mots-clefs « fossiles, dinosaures, Maroc » sur un site de vente grand public sur le Net, on tombe en effet sur des résultats surprenants. Comme ce squelette d’un reptile marin proposé autour de 37.000 euros, sans les frais de livraison. Un prix qui bondit à près de 45.000 euros après une première prise de contact avec le propriétaire.

Un marché qui a mis du temps à se réguler

Ce trafic trouve sa source au Maroc avec en bas de l’échelle « des gens extrêmement pauvres qui extraient des fossiles dans des conditions parfois dangereuses pour nourrir leur famille », indique Jeremy Xido, réalisateur américain du documentaire Dinosaures, la chasse aux fossiles, visible sur la plateforme d’Arte. « Plus haut, il y a des personnes avec des moyens qui sont soit du Maroc, soit des étrangers, qui viennent acheter en gros et transportent, légalement ou illégalement, vers de plus grands marchés internationaux », poursuit le documentariste.

Les zones d’ombre pullulent en effet dans ce type de négoce. Même le marché en pleine lumière, celui des enchères publiques et médiatisées, a mis du temps à se réguler. « Quand j’ai commencé ma carrière, on ne parlait jamais de provenance », quel que soit l’objet vendu, rappelle Maître Alexandre Giquello, à la tête de Drouot. « La bonne foi du possesseur prévalait. Si le type avait sorti la pièce illégalement, il engageait sa responsabilité de vendeur. Mais la première mention des provenances dans la loi française, c’est 2012 », précise le commissaire-priseur.

Une fascination toujours intacte pour les dinosaures

En 2015, l’acteur américain Nicolas Cage avait ainsi restitué un crâne de dinosaure, extrait illégalement de Mongolie et acheté aux enchères à Beverly Hills pour près 276.000 dollars en 2007. Une transaction parmi d’autres qui témoigne de la fascination toujours intacte pour les dinosaures. « C’est un passé, une épopée qui fait rêver, on reçoit énormément de visites scolaires dans les musées et les gens ont envie de posséder des morceaux de ce patrimoine paléontologique », assure Pierre-Elie Moullé.

« Tout le monde trouve ça génial, mais tout le monde n’achète pas », nuance Me Alexandre Giquello. Au-delà d’une question de moyens, de place, d’entretien, les collectionneurs cherchent la pièce « incroyable » selon lui. « Si on a dix personnes intéressées dans le monde pour un grand squelette de dinosaure, c’est vraiment le record, confie le commissaire-priseur. C’est une clientèle bien particulière, très fortunée, souvent dans les nouvelles technologies ». En 2021, il avait adjugé pour 6,6 millions d’euros « Big John », un tricératops géant de 8 mètres de long découvert aux États-Unis.