Budget : Les finances du pays, « en roue libre », inquiètent la Cour des comptes
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La France fonce droit vers une impasse budgétaire si elle ne freine pas ses dépenses publiques et ne respecte pas sa trajectoire de réduction du déficit. C’est l’avertissement lancé par la Cour des comptes dans un rapport alarmant, alors que le gouvernement élabore un budget 2026 qui s’annonce sous haute tension.
Après un dérapage du déficit public à 5,5 % du PIB en 2023 et une prévision autour de 6 % en 2024, l’exécutif ambitionne de le ramener à 5,4 % cette année, avec pour objectif de repasser sous la barre des 3 % en 2029, soit deux ans plus tard qu’initialement prévu. Une trajectoire jugée cruciale par la Cour des comptes, qui alerte sur le risque de voir la France « décrocher de ses partenaires européens ».
Des marges de manœuvre limitées
Pour les magistrats, l’effort budgétaire prévu reste insuffisant, notamment en matière d’économies structurelles. En 2025, l’effort de 50 milliards d’euros repose exclusivement sur une hausse des prélèvements obligatoires, plutôt que sur une véritable réduction des dépenses. Un choix d’autant plus problématique que la France figure déjà parmi les champions des impôts et des dépenses publiques, qui devraient atteindre 56,9 % du PIB.
Autre inquiétude : près de la moitié des hausses de prélèvements prévues ont un caractère temporaire, à l’image de la surtaxe sur les entreprises et de la contribution exceptionnelle des hauts revenus. Une situation qui complique la tâche du gouvernement de François Bayrou, engagé dans la préparation du budget 2026 avec des pistes d’économies touchant notamment la santé, les collectivités locales et plusieurs programmes de l’Etat, à l’exception des budgets sanctuarisés de la défense, de la justice et de la sécurité.
Vers un nouveau dérapage en 2025 ?
Le risque de voir le déficit dépasser 5,4 % du PIB en 2025 est bien réel. « Nous sommes déjà sur le fil du rasoir pour atteindre cet objectif », a alerté Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes. Selon lui, la prévision est « très proche de 5,5 % » une fois les arrondis pris en compte.
Face à cette pression, le ministre de l’Economie, Eric Lombard, s’est voulu rassurant. Il a souligné que les dépenses publiques avaient été « tenues » en 2024, terminant l’année avec 7 milliards d’euros en moins par rapport aux prévisions. Il assure que le gouvernement est mobilisé pour respecter le budget 2025 : « Nous avons réunion demain matin à 7h30 avec le Premier ministre pour voir comment nous organisons le suivi de la dépense publique afin de le tenir. Donc, ce que je réponds à la Cour des comptes, c’est que nous nous en occupons. »
« L’austérité, la vraie, elle viendra si on ne fait rien »
Mais si la croissance est plus faible que prévu et que l’effort budgétaire n’atteint que la moitié des 110 milliards d’euros nécessaires d’ici 2029, la dette pourrait s’envoler au-delà de 125 % du PIB, avec un déficit toujours supérieur à 5 %. Dans ce scénario, la charge de la dette, déjà lourde, atteindrait 112 milliards d’euros en 2029, devenant ainsi le premier budget de l’Etat, loin devant l’Education nationale.
Notre dossier sur la Cour des Comptes
Pierre Moscovici met en garde contre l’inaction : « L’austérité, la vraie, elle viendra si on ne fait rien. Ce que nous n’aurons pas fait par nous-mêmes, par des mesures intelligentes, par une réflexion sur notre modèle […] écologique, social, économique, on nous l’imposera de l’extérieur. » Un avertissement qui sonne comme une dernière chance pour le gouvernement d’éviter une crise budgétaire majeure.