France

Budget 2026 : La « règle de l’entonnoir » limitera-t-elle les débats ?

Le Sénat examine cette semaine les budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale, avec un vote solennel prévu le 15 décembre pour le premier texte et le 26 novembre pour le second. En cas de dépassement des délais constitutionnels, le gouvernement peut décider de passer en force sans vote au Parlement.


Le marathon budgétaire se poursuit avec difficulté au Parlement. Après l’Assemblée nationale, le Sénat a désormais la tâche d’examiner le projet de loi de finances (PLF) ainsi que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Cependant, des incertitudes persistent quant à une adoption des deux textes avant la fin de l’année, notamment après le rejet, vendredi soir, du volet recettes du PLF par les députés.

« Il y a une forme de cynisme qui est en train de se dégager », a déploré Sébastien Lecornu ce lundi, exprimant son regret face au « blocage » de certains groupes d’opposition. Les deux textes budgétaires doivent encore être examinés par l’Assemblée, mais les débats pourraient être restreints par la « règle de l’entonnoir ». Voici un point sur la situation.

### Quelle est la suite du calendrier budgétaire ?

Cette semaine, le Sénat examine les budgets de l’État et de la Sécurité sociale. Un vote solennel est prévu le 15 décembre pour le premier texte et le mercredi 26 novembre pour le second. Il est probable que les deux projets de loi soient considérablement remaniés par la majorité de droite au Sénat. Ensuite, quatorze parlementaires (sept députés et sept sénateurs) tenteront de rédiger un texte commun lors des Commissions mixtes paritaires (CMP).

« S’ils trouvent un accord, on dit que la CMP est conclusive et le texte de compromis est alors soumis au vote de l’Assemblée et du Sénat, sans pouvoir quasiment être retouché », explique Benjamin Morel, constitutionnaliste et maître de conférences en droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas. En cas d’échec, l’Assemblée et le Sénat devront reprendre l’examen des textes budgétaires « en seconde lecture ».

### C’est quoi la « règle de l’entonnoir » ?

Lors d’une seconde lecture au Parlement, les textes budgétaires seront soumis à la règle de l’entonnoir. Le site du Sénat la définit comme suit : « Devant chaque chambre, le débat se restreint, au fur et à mesure des lectures successives d’un texte, sur les points de désaccord, tandis que ceux des articles adoptés en termes identiques sont exclus de la navette. » Après la première lecture, « les amendements doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion », précise le site de l’Assemblée nationale.

Benjamin Morel précise : « Tout ce qui a été adopté de manière conforme à l’Assemblée et au Sénat ne peut pas être remis en cause, sauf exception. Si par exemple l’article 3 a été voté dans les mêmes termes par les députés et les sénateurs, on ne peut pas revenir dessus ou l’amender, ce qui réduit les termes du débat. » Cela vise à éviter de rouvrir des discussions sur des mesures déjà votées par les deux chambres et à avancer de manière fluide au fil des lectures successives (d’où le terme d’« entonnoir »).

### Cette règle va-t-elle vraiment limiter les débats ?

Cette année, le contexte est quelque peu distinct. En effet, les députés ont rejeté le volet recettes du projet de loi de finances, envoyant directement le texte au Sénat, et n’ont pas terminé à temps l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. L’Assemblée n’a donc pas pu procéder à un vote solennel sur l’ensemble de ces deux textes en première lecture. « La règle de l’entonnoir ne s’applique que sur les articles votés conformes, or rien n’a été voté conforme », détaille Benjamin Morel.

En cas de seconde lecture, les députés pourront donc proposer de nombreux amendements. Cela pourrait risquer de prolonger inutilement les débats et de raviver l’hypothèse des ordonnances. En cas de dépassement des délais constitutionnels (12 décembre à minuit pour le PLFSS, 23 décembre à minuit pour le PLF), le gouvernement pourrait choisir de passer en force sans vote au Parlement.