France

Budget 2025 : Marine Le Pen relance l’idée de la censure, cette fois plus qu’une simple menace fantôme ?

Un dialogue de sourds ? Marine Le Pen s’est montrée un poil déçue de son tête-à-tête avec Michel Barnier dans le cadre des discussions sur le budget 2025. Le Premier ministre « m’est apparu campé sur ses positions », a affirmé la cheffe de file des députés du Rassemblement national, ce lundi matin, en sortant de Matignon. « Ma position n’a pas évolué. Pas plus, semble-t-il, que n’a évoluée celle du Premier ministre… », a-t-elle regretté. La triple candidate à la présidentielle a donc mis la pression : son groupe votera bien la censure du gouvernement si le budget restait « en l’état ». Simple menace pour peser dans les débats, comme à son habitude, ou réel changement de stratégie à court terme ?

Une épée de Damoclès encore dégainée

« Nous ne prenons personne de court. Nous avons dit la même chose depuis trois mois », soufflait ce lundi Marine Le Pen. Depuis la rentrée parlementaire, la députée d’Hénin-Beaumont a toujours fait planer cette menace de censure… mais sans jamais aller jusqu’à la mettre à exécution. Les élus du RN se montraient d’ailleurs plutôt frileux, jusqu’à ces derniers jours, à l’idée même de faire tomber Michel Barnier, préférant se gargariser de leur influence supposée sur le Premier ministre. « On a un poids important sur ce gouvernement, on est un groupe pivot », raillait fin septembre Thomas Ménagé, député RN du Loiret.

Bien heureuse de cette position privilégiée, Marine Le Pen avait donc refusé de faire tomber le gouvernement Barnier en octobre dernier avec les élus NFP. « On ne censure pas, car un seul tweet de Marine Le Pen suffit à infléchir la position du Premier ministre », justifiait à l’époque Guillaume Bigot, député RN du Territoire de Belfort. Mais au fil des semaines (et à force de menacer sans trop y croire ?), le parti à la flamme semble avoir perdu l’attention de Matignon. Dans la feuille de route budgétaire du camp présidentiel, le compromis sur la revalorisation des retraites, la taxe sur l’électricité, ou encore l’absence « d’économies sur l’immigration » ont fortement agacé le parti de Jordan Bardella.

Un contexte bien différent

Cette montée de température pourrait donc s’expliquer par la volonté de faire amender la copie afin de pouvoir revendiquer -enfin- une victoire politique auprès des Français. Dans le camp présidentiel, on s’inquiète d’ailleurs d’un changement de stratégie qui ne serait pas un coup de bluff : « Qu’est-ce qui s’est passé depuis dix jours pour que d’un seul coup, elle durcisse le ton comme ça et menace de faire tomber le gouvernement ? […] Le budget de la France est aujourd’hui suspendu aux réquisitions du procureur », a dénoncé ce lundi sur BFMTV Agnès Evren, sénatrice Les Républicains de Paris. Certains voient dans cette agitation de la censure une tentative de contrefeu aux lourdes réquisitions à l’encontre de Marine Le Pen au procès des assistants parlementaires du FN.

D’autant que cette actualité judiciaire s’ajoute à une tension sociale qui a redoublé ces derniers jours :

« « Barnier s’était offert un peu d’air avec l’annonce d’une loi immigration. Mais si la pression des agriculteurs est trop forte, qu’il y a une grogne liée aux coupes budgétaires dans la fonction publique, l’hôpital, que tout ça se cristallise… il y a le risque d’une censure opportuniste, le RN ne pourra pas faire autre chose que de censurer le gouvernement », soupire un député d’EPR (Ensemble pour la République, ex-Renaissance), joint par 20 minutes. »

Cette grogne contre le pouvoir en place se retrouve d’ailleurs dans les enquêtes d’opinion. Selon un sondage Ipsos publié samedi dans La Tribune du dimanche, 53 % des Français souhaiteraient voir le gouvernement Barnier tomber. Ils seraient même 67 % chez les sympathisants du Rassemblement national. Marine Le Pen et ses troupes décideront-ils de franchir le pas… et sauter dans l’inconnu ? Un député socialiste résume : « Une question se pose pour le RN : après la censure, c’est quoi le jour d’après ? La gauche à Matignon ? Est-ce qu’ils prendront ce risque ? »